La rentrée BD a été faste et les mois de septembre et octobre riches en publications. Petit retour en arrière et lumière sur les albums phares parus ces deux derniers mois...
Empire USA – Tome 1,2,3 – Desberg / Griffo / Mounier / Juszezak – Dargaud
Comic Strip en avait parlé le 7 septembre, Empire USA serait à la BD ce que 24 ou Les Experts sont télévision : une série culte. A ce jour, trois tomes ont parus. Avec le même scénariste et des dessinateurs différents pour chaque opus. Le résultat est à la hauteur des attentes que l’on pouvait nourrir. Comme des craintes que l’on pouvait avoir.
Côté scénario, c’est une réussite. L’action est soutenue, les personnages fouillés, la psychologie de chacun remarquablement mise en avant, évitant même de verser dans la caricature. La plume de Desberg fonctionne à plein régime, le découpage – voire le montage – est haletant. Comme dans les films hollywoodiens, les allers et retours sont autant de renforts à la narration et à la construction de l’histoire, sans tomber dans l’explication systématique. Cependant la trame est beaucoup trop classique pour qui est désormais habitué aux scénarios mettant en scène FBI, NSA, complots terroristes et redresseur de torts à la personnalité complexe et en aparence quasi invincible...
Côté dessin, c’est une heureuse surprise. On ne trouve pas cette rupture franche que l’on aurait pu redouter. Les styles graphiques sont personnels mais leurs différences nuisent peu à l’ensemble. On trouve même, au fur et à mesure de l’avancement dans l’histoire, une corrélation certaine entre le trait et le récit. L’histoire s’intensifie en même temps que le dessin s’affirme. Griffo, Mounier et Juszezak réussissant à ne pas briser l’atmosphère visuelle, respectant les codes et les unités de lieux par une mise en scène homogène des décors. Dans le droit fil du parti pris de départ : illustrer, chacun à sa manière, des aventures sur lesquelles ils n’apposeraient pas leur griffe. Pour mieux se concentrer sur l’essentiel et ne pas détourner l’attention du lecteur de ce qui importe : l’histoire.
Quant à la suite, elle est annoncée en librairie le 7 novembre 2008.
La Théorie du grain de sable – Tome 2 – Schuiten / Peeters – Casterman
Changement de décor, changement de genre. Plus qu’une BD, une œuvre. En bichromie et à l’italienne, La Théorie du grain de sable s’inscrit dans le cycle des Cités obscures dont 10 tomes sont déjà parus, série primée à de nombreuses reprises, fruit du travail du dessinateur François Schuiten et du scénariste Benoit Peeters.
Le monde des Cités obscures est fascinant, en noirs, gris et blancs, dans une profusion de décors futuristes. Nous suivons les quêtes des personnages en quête de réponse, dans une atmosphère baignée de mystère et de légendes. Dans un dédale d’existences croisées, dans ces univers parallèles où les secrets sont nombreux et les questions omniprésentes, le chemin vers la lumière, vers la vérité, est pavé de chausse-trappes et bordé de mélancolie et d’ironie.
(strip tiré du tome 1)
Composition littéraire, voyage merveilleux, La Théorie du grain de sable explore un futur onirique et désabusé qui trouve sa force dans la réalité de nos cités actuelles, tout en puisant dans l’imaginaire des classiques d’Orwell, H.G. Wells… Pour ne citer qu’eux.
Cœurs d’acier – Yves Chaland et Chaland, portrait de l’artiste – Champaka Brussels
L’année même des 70 ans de Spirou, Champaka réalise l’édition définitive de Cœurs d’acier, l’unique contribution de l’auteur à la série Spirou et Fantasio. Pressenti en 1982 pour reprendre la franchise après Fournier, il prévoit de redonner un souffle très fifties aux aventures du groom intrépide. Le projet est abandonné au bout de 48 strips, laissant un goût d’inachevé à cette tentative de reprise, alors qu’elle s’inscrivait dans le droit fil de l’héritage laissé par les maîtres Rob-Vel et Jijé, et Franquin bien sûr.
Rénovateur de la ligne claire en France, Yves Chaland a non seulement respecté l’esprit, la ligne graphique et les atouts de l’école belge, mais il a aussi et surtout apporté sa patte inimitable, ce trait épuré et moderne qui a fait de lui un des dessinateurs préférés des publicitaires. Un album à (re)découvrir pour les strips originaux et le texte de Yann, sur des dessins d’Yves Chaland, qui peut fièrement inscrire le mot « fin » à cette aventure arrêtée prématurément.
Le même jour est sorti un petit bijou d’album consacré à l’auteur de Freddy Lombard. Tribut de 120 pages au formatgraphic novel, hommage tout en retenue, simple, extrêmement documenté, Chaland, portrait de l’artiste nous permet de faire connaissance avec celui qui, de Bob Fish au Jeune Albert (éd. Humanoïdes Associés) est devenu pour la profession une référence indiscutée.
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P.S. : c’est en librairie aussi…
Necromancy,
Livre 1 – Nury / Manini – Dargaud
Dessine-moi le bonheur
– Collectif – Dargaud
Ghost Money,
tome 1 La Dame de Dubaï – Smolderen / Bertail – Dargaud
Hostile,
tome 1 Impact – Henrichon / Runberg – Dupuis
Et puis le coup de cœur du mois pour un trésor d’acidité à lire comme un roman qui passerait du rose bonbon au noir,
Un enterrement de vie de jeune fille, écrit et dessiné par Hervé Bourhis. L’histoire sombre de trois jeunes femmes parties en goguette pour fêter le futur mariage de l’une d’entre-elles.
Comédie légère qui vire au drame lorsque les états d’âme des unes rencontrent les peurs et les frustrations des autres. Les laissant, nous laissant, perplexes et seul(e)s face à l’absurdité de leurs destins croisés.
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Bonnes bulles, donc. Et plus, avec affinités.
DB