Communiqué - Compte-rendu d’audience - Le Conseil d’Etat devra censurer l’essentiel du décret du 23 mai 2018 Hopsyweb.
La Rapporteure publique des 9e et 10e chambres du Conseil d’État a conclu cette après-midi à l’annulation entière de l’article 4 du décret du 23 mai 2018 Hopsyweb (les destinataires du fichage), essentiellement du fait que certains destinataires ne devraient avoir qu’un envoi anonymisé ou pseudonymisé des données ; mais aussi de l’article 5 (le ministère de la Santé destinataire des informations nominatives de ce fichage pour une finalité statistique), et de l’article 6 sur la durée de conservation de 3 ans de ce fichage.
Cette durée de 3 ans est considérée par la Raporteure publique comme inutilement longue, la durée de conservation adéquate devant être celle de l’année durant laquelle la mesure a cours, c’est-à-dire celle de l’arrêté de 1994 du fichier Hopsy.
Par ailleurs, la Raporteure publique considère qu’il y un net problème sur ce fichage des hospitalisations sans consentement s’agissant de mesures qui sont statuées irrégulières et/ou non fondées ab initio (dès le début), puisque le décret du 23 mai 2018 ne prévoit aucune possibilité de destruction ou d’effacement de fichier quand des mesures de soins sans consentement sont déclarées de nul effet par la juridiction de contrôle. Le Tribunal des conflits est actuellement saisi pour trancher sur la juridiction compétente pour connaître des demandes de neutralisation des fichiers indiquant des mesures de soins psychiatriques irrégulières et/ou non fondées.
La Rapporteure publique considère également que l’information des personnes admises en soins sans consentement est de droit, alors même qu’aucune information des patients n’est prévue par le décret.
S’agissant de l’applicabilité à ce décret du RGPD (règlement général sur la protection des données, directive européenne) la Rapporteure publique considère que l’entrée en vigueur de cette directive ayant eu cours le même jour que l’entrée en vigueur du décret du 23 mai 2018, très peu de mesures ont été impactées par ce décret ce qui rend cet argument inopérant.
La Rapporteure publique considère qu’un tel texte relève bien du pouvoir réglementaire vu la dérogation comprise dans la loi de 1978 modifiée relative à l’informatique et aux libertés qui autorise le Gouvernement à prendre de tels textes par décret moyennant quelques réserves dont celle d’un avis de la commission nationale informatique et libertés.
Si elle conclut à l’annulation entière de l’article 4 de ce décret (qui liste les destinataires du fichage), c’est, me semble-t-il, à titre de simplification.
En tout, et sous réserve que les Conseillers d’État suivent ces conclusions, c’est l’essentiel de ce décret qui est annulé.
Une telle annulation si elle est prononcée rendra inopérant le croisement opéré par le décret du 6 mai 2019 du fichier Hopsyweb avec le fichier terrorisme, du fait de l’annulation des destinataires de ce fichage …
Point important : des trois requérants en annulation (le CRPA, le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et le Conseil national de l’ordre des médecins), seul le CRPA est considéré comme ayant un intérêt entier à agir (le CRPA est une association ad hoc), le SPH et le Conseil de l’ordre des médecins sont considérés comme ayant un intérêt à agir pour les seuls intérêts catégoriels que ces organismes représentent : les intérêts des psychiatres des hôpitaux pour le SPH, des médecins pour le Conseil de l’ordre.
Les organisations intervenantes volontaires sont considérées recevables dans la limite de leur objet statutaire, sauf la Fédération française de psychiatrie irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.
En tout il s’agit d’une formidable victoire pour notre association, pour les avocats versaillais (Me Raphaël Mayet et Vanessa Landais) qui ont rédigé les actes du CRPA et de l’association Avocats droit et psychiatrie. Le fait que les organisations de psychiatres jointes à l’UNAFAM ont été requérantes ou intervenantes est à souligner comme un évènement historique.
Le ministère de la Santé devra sans doute ouvrir des concertations vu l’annulation qui va intervenir de l’essentiel de ce décret.
Je fais savoir immédiatement que je refuse de participer à ces concertations. J’ai beaucoup trop été considéré comme un déviant, un malade mental dangereux et un marginal à mater et à jeter après exploitation, ce qui a cessé d’être tolérable.
Une assemblée générale du CRPA devra statuer prochainement sur la question de savoir si nous pouvons continuer à frayer les milieux des professionnels de la psychiatrie, de l’UNAFAM et du ministère de la Santé.
Pour ma part, je m’y refuse. Trop d’insultes diagnostiques sur une mobilisation sacrificielle pour un intérêt général supérieur, c’en est trop. Je ne fréquente pas des gens qui pratiquent un apartheid.
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