La montée de l’abstention et l’éparpillement des voix au premier tour de l’élection présidentielle témoignent de la perte de confiance de l’électorat dans les institutions de la Vème République.Il ne faut pas y voir un rejet de la Constitution de 1958, mais plutôt un désaveu de l’usage incestueux qu’en ont fait les successeurs du Président de Gaulle.
Sous le prétexte d’une tradition prétendument gaullienne, les candidats des « grands » partis ont jusqu’ici fait campagne sur un programme de gouvernement pour s’assurer une majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale et se permettre, une fois élus, de remanier le gouvernement sans dissoudre l’Assemblée. En fait, les expressions « majorité présidentielle » et « remaniement » dissimulent des atteintes délibérées à la séparation des pouvoirs du Président et du Gouvernement, tels que définis par les articles 5 et 20 de la Constitution de 1958
Art 5 -Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités.
…Art .20 Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.
Pendant les périodes dites de cohabitation, la Constitution de 1958 s’appliquait à la lettre :
En 1997 le Président Chirac n’avait pu nommer au poste de premier ministre que celui -Lionel Jospin - qui avait la confiance de la majorité de l’Assemblée nouvellement élue. C’est ainsi que le gouvernement de la gauche plurielle a pu déterminer et conduire la politique de la Nation pendant cinq ans sous le seul contrôle du Parlement. Pendant ce temps, le Président Chirac s’en est tenu à son rôle d’arbitre du bon fonctionnement des pouvoirs et de garant des valeurs républicaines : unité nationale, intégrité territoriale et respect des traités. Il avait le pouvoir (Art.10) de renvoyer à la délibération du Parlement toute loi qui lui aurait semblé menacer ces valeurs. Si ni Chirac, ni Mitterrand pendant la « cohabitation de velours » avec Balladur n’ont fait usage de ce pouvoir, c’est que cela ne leur a pas paru nécessaire
Cependant, le Parti Socialiste, craignant de perdre les législatives en Février-Mars 2002 avant la présidentielle que son candidat était persuadé de gagner en Avril-Mai, les fit reporter en Juin par la loi dite d’inversion du calendrier. Erreur tactique qui a causé l’élimination de la gauche au premier tour °mais aussi déni de démocratie. Combinée avec l’instauration du quinquennat, l’inversion du calendrier a transformé les partis en écuries présidentielles où poulains, pouliches et chevaux de retour se préparent au Grand Prix de l’Elysée. Ils-elles s’y reposent sur les promesses dont leurs prédécesseurs ont fait litière, entre les galops d’essai des élections locales et les éliminatoires des primaires. Sitôt le Grand Prix couru, l’investiture est accordée aux palefreniers du cheval gagnant avec la mission de former la « majorité présidentielle » à l’Assemblée Nationale. Cinq ans plus tard, la boucle est bouclée. Les partis ont repris leurs vaines querelles d’éleveurs de champions et de plus en plus d’électeurs placent leurs paris au PMU plutôt qu’au bureau de vote.
Au terme d’un quatrième quinquennat aussi décevant que les précédents, plusieurs personnalités ont déjà décliné l’offre de leurs amis de se présenter à l’élection présidentielle de 2022 avec le programme d’une coalition de partis. Ces personnalités, voire d’autres pourraient aussi bien se présenter à titre individuel sans engagement ni programme de gouvernement, dans le strict respect de la Constitution. Ce serait une nouvelle sorte de candidat(e)s sans parti, des candidat(e)s honnêtes en somme. Pourquoi n’y en aurait-il- pas ?
En 2022 les candidat(e)s honnêtes à la Présidence ne feront campagne que sur leur projet personnel de représentation et de défense des intérêts de la France dans le concert des nations. Le suffrage universel les départagera sur leur aptitude à assurer, par leur arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et sur leur engagement à une collaboration franche et vigilante avec le Parlement, quelle qu’en soit la majorité.
Pour ma part, je ne donnerai mon vote qu’à un(e) de ceux ou de celles qui s’engageront aussi à soumettre au référendum une loi rétablissant la préséance des élections législatives en Février 2027 sur l’élection présidentielle d’Avril 2027.