Billet de blog 20 février 2009

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Verrouillé par Lionel, le piège se referme sur Nicolas

L’excellent article de François Bonnet sur l’implosion du pouvoir dresse un constat cruel mais lucide de la désintégration du gouvernement de la République. Désintégration orchestrée depuis l’Elysée, dit l’auteur. On peut y voir la main du président élu, en plein désarroi dans des difficultés imprévues. Ou bien les signes avant-coureurs d’une crise institutionnelle dont tous les grands partis se sont évertués jusqu’ici à nier l’éventualité.

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L’excellent article de François Bonnet sur l’implosion du pouvoir dresse un constat cruel mais lucide de la désintégration du gouvernement de la République. Désintégration orchestrée depuis l’Elysée, dit l’auteur. On peut y voir la main du président élu, en plein désarroi dans des difficultés imprévues. Ou bien les signes avant-coureurs d’une crise institutionnelle dont tous les grands partis se sont évertués jusqu’ici à nier l’éventualité.

Dans l’esprit et l’usage originel de la Vème République, la fonction de Premier Ministre est subordonnée à l’autorité du Président. Tous les grands partis ont pris acte de cette subordination de fait, sans trop se soucier du possible désaccord entre un gouvernement responsable devant le Parlement élu et un Président politiquement irresponsable. Ils ont donc fait de l’élection présidentielle « l’événement directeur de la vie politique en France », au détriment des élections législatives pourtant fondatrices de la représentation parlementaire.

C’est dans cet esprit que Nicolas Sarkozy, fêtant sa victoire au Fouquet’s, a passé son téléphone portable à François Fillon en le présentant à son correspondant « Je vous passe mon premier ministre » Le « mon » était révélateur. Dans le même esprit, entre les deux tours, l’autre finaliste avait proposé le même poste à François Bayrou comme on appâte un ralliement avec un poste de premier adjoint dans un chef-lieu d’arrondissement. Dans un camp comme dans l’autre régnait la conviction que la victoire aux présidentielles justifiait le mépris du suffrage aux législatives à venir, voire la prise d’hypothèque sur leur résultat.

Quelques mois plus tard, dans un forum sur les institutions j’entendais un éminent disciple du Dr Pangloss célébrer les vertus de la Constitution de la Vème République. Voyez, disait il, comme elle a su s’adapter à toutes les évolutions de l’opinion. Quand, au hasard du calendrier, la majorité parlementaire n’était pas du même parti que le Président, un accord de cohabitation permettait au gouvernement de gouverner tout en laissant le président présider. Sur ces mots Candide se serait dit in petto: "Voilà en effet un régime fort proche de celui des démocraties de nos voisins européens, ce qui prouve par raison suffisante que tout va pour le mieux dans la meilleure des Républiques."

Mais notre homme- à l’époque membre de la commission de réforme des institutions- poursuivait : Cependant, dans l’esprit de cette Constitution, il importe que le Président ait autorité sur le gouvernement lui-même responsable devant le Parlement. C’est pourquoi nous avons, avec Lionel Jospin, proposé de ramener le mandat présidentiel à cinq ans, comme celui de l’Assemblée Nationale et de faire précéder les élections législatives par les Présidentielles.

Je ne reviendrai pas sur les conséquences de l’inversion du calendrier pour le Parti Socialiste. D’autres l’ont déjà fait, bien mieux que je ne saurais le faire. Mais que tout citoyen attaché aux valeurs démocratiques m’accorde que cette mesure, censée ramener le régime à son inspiration originelle, a gravement réduit le caractère modéré que lui donnaient ses salutaires imperfections.

Cette configuration du calendrier électoral permet au président de définir ou redéfinir la ligne politique du gouvernement aussi arbitrairement qu’il choisit ses intervieweurs à la télévision. En effet il peut remanier le gouvernement à sa guise jusqu’à la fin de son quinquennat, aucune élection législative même partielle (mid-term aux Etats-Unis) ne pouvant le priver du soutien de la majorité parlementaire d’ici-là. C’est commode mais c’est dangereux, car si la volonté populaire ne peut pas s’exprimer dans les urnes pendant tout ce temps, elle peut le faire dans la rue.

Autre danger dans ce contexte : la conviction maintes fois proclamée par le nouveau président que » s’il ne fait pas tout lui-même, rien ne marche » Tous ses prédécesseurs avaient été assez prudents pour mettre en avant leur premier ministre en position de fusible. A l’opposé, l’article de François Bonnet révèle un style de gouvernance téméraire et brouillon, sans garde-fou ni fusible.

Reconnaissons au moins à Nicolas Sarkozy l’initiative d’une révision de la Constitution, quoique les résultats de celle-ci en soient bien maigres, entre autres :
-La limitation à deux mandats (souhaitons qu’il termine le premier dans la paix civile)
-L’augmentation des pouvoirs du Parlement (contestée par l’opposition, mais, bon..)
-L’ajout à l’Article 16 sur les pouvoirs exceptionnels d’une limitation à 30 jours d’exercice sans contrôle de ces pouvoirs par le Président.

Cependant l’Article 16 n’est quand même pas supprimé. On ne sait jamais… ça peut servir.

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