En 2003, Philippe Claudel avait publié Les Âmes grises ensuite adapté au cinéma.
L'Archipel du chien, publié une quinzaine d'années après, ne dépeint pas d'âmes grises. Elles sont majoritairement très noires, et une seule, se détache, lumineuse, mais à quel prix...
Posons brièvement le décor : une île méditérranéenne, volcanique, perdue, certainement, quelque part entre Sicile et Italie continentale. Occupée principalement par des pêcheurs et des vignerons. Des êtres repliés sur eux-mêmes et leurs traditions séculaires. Un jour, la mer rejette sur la grève trois cadavres de jeunes Noirs. Les quelques notables du village vont prendre assez rapidement une décision radicale pour se débarrasser de ces corps, et de tout ce qu'ils symbolisent. Seul l'Instituteur, un homme à part, venu du continent, lumineux, intelligent, humain, va se dresser contre eux. Puis va débarquer un homme, supposément un enquêteur, un commissaire...Autour de lui tout va se tendre jusqu'à des extrémités inattendues.
Bien entendu il ne serait pas pertinent ici de livrer le dénouement du livre de Claudel. Mais l'on peut souligner à quel point les tréfonds de l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus compromis, malveillant, sombre, machiavélique, sont magnifiquement décrits sous sa plume, tout comme les questionnements éthiques.
S'y rajoute la description de la nature insulaire, du volcan qui gronde et empeste l'air, de la mer...Toujours mêlés à la vie et à la destinée des habitants de l'île.
L'Archipel du chien évoque assurément la crise migratoire actuelle et les comportements peu glorieux affichés par certains gouvernements et personnes. Il vient faire vibrer notre corde sensible, là où nous pouvons aussi nous demander : "Et moi, qu'aurais-je fait à sa place/à leur place ?". Un roman tout simplement incontournable.