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Billet de blog 15 juillet 2024

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L’histoire de Divine, la domination masculine au coeur de la violence sexuelle

Divine a fui le Congo-Kinshasa après avoir dénoncé un vaste réseau de trafic d’organes au sein de son université. Dans les 3 prochains articles, elle nous raconte son parcours, du Congo jusqu'en France, et témoigne de la difficile condition de réfugiée. Un témoignage essentiel face à la montée des projets nationalistes et xénophobes. Vous pouvez lui laisser un petit message d'encouragement.

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Dans le premier article à lire ici, Divine raconte sa vie au Congo-Kinshasa jusqu’à sa fuite en France afin de mettre sa vie en sécurité. En effet, après avoir dénoncé un vaste réseau de trafic d’organes à la police et aux instances académiques de son université, Divine subi des multiples menaces de mort au quotidien, elle vit l’assassinat de deux camarades universitaires, mais surtout, elle fait l’objet d’une agression physique et sexuelle commise par des hommes appartenant au réseau criminel. Ce deuxième article, dont nous précisons ici la difficulté de le lire, raconte ce traumatisme qui aidera Divine à avancer sur le chemin de la résilience. 

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Comme vous allez le lire, ma plainte à la police universitaire et aux instances académiques signe mon arrêt de mort. Je deviens un témoin gênant qui en sait trop, mais surtout, qui en fait trop. Il faut se débarrasser de moi. Tous les jours, je reçois des dizaines de menaces de mort sur mon téléphone. Je me sens surveillé tout le temps, dans chacun de mes mouvements, à chaque fois que je vais à l’université et quand je sors dans la rue. La peur envahit mon quotidien. Je mets en place plein de stratégies pour contrôler l’environnement et passer inaperçue. Pour éviter qu’on me repère, je change plusieurs fois d’adresse, je me déguise quand je vais à l'université et je change de tenue vestimentaire au moins 2 fois par jour. La situation devient invivable pour moi. 

Or, malgré toutes les précautions, je suis enlevé dans la rue par des inconnus cagoulés le 18 août 2022. Dans la voiture, ils me terrorisent, ils me menacent avec des couteaux. Face à leur cruauté, j’essaye de crier pour alerter quelqu’un mais ils me mettent un bandage sur la bouche. Ligotée, je ne peux plus bouger. Ils me conduisent jusqu’au lieu du crime, une maison inhabitée dans un espace désertique. Ces bandits me disent clairement que ce qu’ils vont me faire subir n’est qu’un avertissement, en comparaison de ce qu’ils peuvent me faire si je ne retire pas ma plainte auprès de la police universitaire. 

La peur envahit tout mon corps. Qu’est-ce qu’ils vont me faire ? Je n’arrive plus à réfléchir. Mon cœur bat à 100 à l’heure. Ils commencent à me frapper, très violemment, sur tout mon corps, en me criant des insultes. Des coups de poings, de pieds, encore et encore. Chaque coup me fait plus mal que le précédent. Au sol, ils m’envoient des objets qu’ils trouvent autour d’eux. Mon corps saigne de partout. Je suis un jouet entre leurs mains. Je sens que je vais mourir, que c’est mon dernier jour.

Tout pourrait s’arrêter là, mais non. L’un d’entre deux lance une idée abjecte : me pénétrer l’un après l’autre. C’est inexplicable, inimaginable de penser cela. Mais ils commencent, chacun leur tour, à m’introduire leurs doigts dans mon vagin. J’essaye de résister, mais c’est impossible. Puis ils me relèvent, jouent avec moi en me balançant contre eux. Mes forces s’épuisent, mes jambes sont molles et je tombe au sol sur le ventre. Ma robe est si déchirée que mes fesses sont nues. Alors, un autre propose une seconde idée ignoble : « Vous avez vu ses fesses, pourquoi se battre pour devant alors qu’on serait plus à l’aise derrière ». Alors ils mettent leur idée en exécution. Je n’ai plus la force pour réagir. 

Je suis devenu leur jouet. Je demandais à Dieu la mort. Puis, à tour de rôle, je subis l’introduction de leur sexe, à l’avant, à l’arrière. Puis, ils m’imposent également, parfois en même temps, des actes buccaux. Pour finir, l’un d’entre deux m'introduit un couteau dans l’anus. Je me sens partir. Je perds progressivement connaissance. Ils me laissent là, moribonde, sur le sol, et avant de partir, ils volent mon téléphone, mon sac à main, mes bijoux, ma montre. Lorsque j’ouvre mes yeux, le lendemain, je suis dans un lit d'hôpital. 

Si la mort se serait présentée à moi, je l’aurais choisie. Dormir pour ne plus jamais me réveiller. Ce jour-là, si je ne suis pas morte physiquement, je le suis intérieurement. Aujourd’hui, je pense que la douleur ou le poids que je porte est plus dur que ce que j’ai subi, car le jour de l’agression sexuelle, je le (re)vis à nouveau tous les jours. 

En réalité, je ne suis plus Divine. Cette personne est morte le 18 août 2022. Celle que vous voyez, c’est une étiquette, une image, un fantôme. Mais je continue de lutter, de dénoncer, pour essayer de soulager ma conscience, pour aller mieux, et surtout, pour être en paix avec moi-même.

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Dans le troisième et dernier article, Divine témoigne de sa vie de demandeuse d'asile en France. Elle nous raconte les multiples émotions (les doutes, les angoisses, le désespoir), par lesquelles les réfugiés passent dans l'attente de recevoir un simple document les autorisant à séjourner légalement sur le territoire français. Un témoignage qui remet les pendules à l'heure sur les conditions d'existence des réfugiés et de leur mauvais traitement de la part de l'Etat.

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