Pourquoi commencer aujourd'hui ?
Quelle est la raison qui me pousse à te prendre ?
C'est toujours la même chose avec toi
Je résiste pourtant mais pas bien longtemps
J'essaie de penser à autre chose mais le vide revient.
Ce vide effroyable qui demande à se remplir
La solitude ne me fais pas peur, elle ne m'angoisse pas, elle me fait honte
Puis les secondes passent et deviennent de plus en plus longues
Quelle décision dois-je prendre ?
Résister à toi, à ton appel me donne des sueurs froides
Dans un silence absolu, sclérosé sur mon canapé à te regarder
Puis, par impulsivité incontrôlée, je te reprends comme hier ou comme avant hier je ne me souviens plus
Tout recommence ou plutôt continue, on appelle cela l’accoutumance
Ce produit va remplir ce néant en moi, ce rien qui m'angoisse
Je crois que l'être humain n'aime pas le vide, il cherche toujours à le combler
Pour certains c'est la nourriture, d'autres le sexe
Pour moi c'est une drogue légalisée, l'alcool
Alors plusieurs soirs par semaine, je me pose tranquillement chez moi
Dans ce là, cet ici où personne ne me voit
J'allume une bougie pour éclairer faiblement l'obscurité
Je lève un verre à la gloire d'un je ne sais quoi, d'un je ne sais pas, et dont je n'ai pas envie de savoir
On ne peut imaginer la honte d'un jeune homme engouffré dans des problèmes d'addiction
Ce stigmate que l'on porte, on cherche à le cacher
Alors on s’éloigne des autres, de ceux qui peuvent juger, en clair de tout le monde
Suis-je faible, fragile, responsable ?
Le jugement est tellement facile, et ce mal tellement incompris
Cioran disait « Certains ont des malheurs, d'autres des obsessions »
Par expérience, l'alcool anesthésie les premiers pour valoriser les secondes. Les secondes, c'est la bouteille, l'alcool, l'illusion
Une errance entre deux mondes, la réalité objective et la réalité fantasmée par la substance psychotrope
Ce que doit comprendre celui qui n'est pas initié, c'est ce lien insidieux qui unit les personnes alcoolo-dépendantes au produit
C'est une relation sentimentale, le produit devient une personne humaine, notre acolyte, notre conjointe idéalisée...
Ensemble on ne maîtrise plus rien
On est libre, mais pourtant avec toi je ne le suis pas
Car je ressens ta nécessité même quand tu n'es pas la
Mais tous les deux on va mieux dans l’ici et le maintenant
« L’alcool est l’aspirine de l’âme » disait Louis Gauthier
Mais je sais que ce n'est qu'une fuite en avant de moi-même
L'alcoolisme, une maladie incurable ?
Non !
Je me bats chaque jour !
Il y a plus de défaites que de victoires, chaque jour est une bataille à mener
Je sais par W.C Fields que « plus d'hommes se sont noyés dans l'alcool que dans la mer »
Puis, submerger ses chagrins dans l'alcool ne fait guère avancer les choses
Ils savent bien nager à l'intérieur, pas vrai Yves Mirande ?
Prise de conscience oui, mais aussi de volonté !
Je suis alcoolo-dépendant comme on dit dans les institutions hospitalières
En revanche cela ne fait pas de moi une mauvaise personne, un sous-citoyen
Le chemin de la résilience est long, je le sais
Ce qui est dur est d'engager une démarche dynamique et positive, mais le plus dur est de la maintenir
Il y a des hauts et des bas, des avancées, des stagnations et des retours en arrières
Cependant, cette saloperie d’addiction, demain je la vaincrai
Le deuil de toi je ferai
Témoignage recueilli le 01/02/18
Edition de témoignages « Ecrire pour exister »