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En Bigorre

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Billet de blog 2 février 2021

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Je suis attentif à la défense de la dignité et de son expression, par la démocratie, le dialogue et la paix et tente de comprendre les ressorts profonds qui meuvent les événements.

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Chantier Blanquer…, entreprise de démolition *

Les réformes du lycée se suivent et se ressemblent, accélérées et intensifiées notamment depuis 2017 : à croire que le but final consiste à opérer une sélection sociale à grande échelle en démantelant les filières !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les réformes du lycée se suivent et se ressemblent, accélérées et intensifiées notamment depuis 2017 : à croire que le but final consiste à opérer une sélection sociale à grande échelle en démantelant les filières !

« Ce n’est pas un gros mot de dire qu’on peut faire des économies sur le bac, surtout si on les réinjecte au profit d'autres activités, dans le développement du numérique par exemple. Il s’agit en fait de mieux utiliser les moyens. », tels étaient quelques propos tenus en 2018 par Pierre Mathiot, ex-directeur de Sciences-Po Lille et rédacteur du rapport de la réforme du lycée remis alors au ministre de l‘Éducation Nationale. Or nous assistons aujourd’hui à la mise en œuvre de cette réforme.

Pourquoi les personnels du Lycée Victor Duruy manifestent-ils de nouveau ?

Outrés par les conséquences tangibles deux ans après, de nombreux membres de l‘équipe pédagogique, de divers personnels, de syndicats et de représentants des parents d’élèves ont manifesté, le mardi 26 février 2020, devant le LVD (Lycée Victor Duruy) de Bagnères-de-Bigorre 1 ; En Bigorre a pu rencontrer plusieurs personnes directement impactées au sein de l‘établissement, des professeur·e·s :

« Depuis l’arrivée de ce ministre, les annonces médiatiques disent que tout va bien alors que sur le terrain, c’est très différent. La réforme est faite à l’arrache, comme d’habitude. La génération des sacrifiés sont des personnes, sur le terrain, qui subissent de plein fouet les communications du ministre… ce qui pose la question du double discours volontairement confus.»

et des représentants des parents d’élèves :

«  Notre association FCPE est totalement solidaire des professeur·e·s. C’est la seule du lycée. C’est un scandale de vouloir vider le lycée de Bagnères-de-Bigorre ! Nous organiserons d’autres actions.»

Illustration 1
Stop aux réformes en carton, pour une éducation et des services de qualité © AB

Ce n‘est que le début d’une vaste opération de désertification massive, savamment orchestrée ; mais le pire est sans doute à venir, dès les prochaines rentrées scolaires, qui mettra en difficulté les générations de jeunes qui verront leur avenir professionnel très limité voire tout simplement rendu impossible par la fermeture d’établissements, ceux des zones rurales de montagne, frontalières avec un pays européen, au profit de ceux situés dans les métropoles telles que Toulouse… En d’autres termes, des temps on ne peut plus difficiles avec des inégalités plus criantes et plus profondes dessineront une structuration sociale et politique de la France qui les marginalisera encore et encore.

* « Chantier Blanquer…, entreprise de démolition », tel est le titre du tract distribué que nous reprenons ici. Il présente les premières conséquences catastrophiques tangibles de cette énième réforme radicale et centralisatrice.

« À l’heure où nous avons plus que jamais besoin de moyens supplémentaires pour garantir une éducation de qualité pour tous nos jeunes qui subissent de plein fouet la crise sanitaire, la seule réponse de notre ministre est l’application aveugle de sa réforme qui n’a qu’un seul but : économiser au détriment des conditions d’apprentissage des élèves. » publient des personnels du lycée Victor Duruy.

Illustration 2
Des conditions sanitaires et d'encadrement dégradées © AB

Plus loin dans le texte du tract :

« Aujourd’hui, notre lycée reçoit l’estocade avec l’annonce des moyens horaires pour la rentrée 2021 :

Notre département va être particulièrement touché par la phase finale de l’application de la réforme Blanquer, avec des suppressions de postes, une augmentation des heures supplémentaires et de l’emploi contractuel précaire.

Pour nos élèves, cela va se traduire par des fermetures de classes et une augmentation du nombre d’élèves par classe. »

Rappelons que les heures supplémentaires ne sont pas consolidées aux salaires.

Illustration 3
LVD défavorisé par rapport au reste du département © AB

• Dans le département, la moyenne des heures supplémentaires en hausse atteint 8,7 %. Au LVD, cette hausse sera plus importante que la moyenne départementale : 11 %. Pourquoi cette différence ? Veut-on dépouiller davantage notre lycée ?

Illustration 4
HP & HSA © AB

Pour en savoir plus : les Heures Postes / H.S.A Comment ça marche ? 2

Illustration 5
LVD de moins en moins doté en heures © AB

Le lycée Victor Duruy va perdre également deux enseignements de spécialité (EDS) : Espagnol et NSI (Numérique Sciences Informatique) qui auraient pu permettre d’attirer de nouveaux élèves alors que la carte scolaire n’est pas favorable au lycée. De plus, des professeur·e·s se sont formé·e·s aux techniques informatiques qui sont “l’avenir” de la société pour les jeunes. Deux ans après, on leur annonce que leur spécialité va être supprimée ! Qu’y comprendre ? Comment s’y retrouver ?

« C’est l’avenir des jeunes qui est en jeu : s’ils sont obligés de partir à Tarbes ou à Toulouse pour suivre leurs études, le bassin de Bagnères-de-Bigorre va s’assécher. Vous avez en mémoire ce qui s’est passé pour la Poste …  C’est scandaleux pour le territoire. »

« Le CAP ATMFC (CAP Assistant Technique en Milieu Familial et Collectif) est une formation en deux ans des futur·e·s Aides à Domicile sur un territoire qui en manque cruellement. Cela fait deux années consécutives qu’ils essaient de le fermer. Grâce à nos actions, régulières, il a pu être préservé jusqu’ici, mais ils reviennent à la charge chaque année !

L’année prochaine, comme nous avons la possibilité de recruter douze élèves, nous souhaiterions faire deux années distinctes comme c’était le cas auparavant, parce que pour le moment, ils sont réunis en une seule.

Ce sont des élèves en grande précarité scolaire qui ont besoin d’un accompagnement personnalisé.

Eh bien, pour le faire, il faut le réaliser à moyens constants ! c’est-à-dire aller gratter sur du dédoublement, sur des projets bien particuliers qui vont de fait faire se retrouver des enseignants avec une classe entière au lieu d’être dans du co-enseignement. C’est dommageable, parce que derrière, c’est un enseignement de moindre qualité qui sera proposé ici. »

En Bigorre : avez-vous eu des difficultés de recrutement dans cette spécialité ? — Nous en avons eu par le passé mais cette année, nous avons recruté quinze élèves en début d’année ; le Rectorat avait promis que si nous recrutions à quinze, il dédoublait la classe. Mais il ne l’a pas fait. Nous avons fonctionné comme cela pour un an ; mais maintenant que nous avons douze personnes potentiellement intéressées, les quinze partant en Terminale, ce sont quatre ou cinq élèves qui vont commencer en Seconde et nous allons devoir organiser une sorte de classe unique de la Seconde à la Terminale !

Cela met en danger la section ATMFC, et au final, ils vont parvenir à fermer ce CAP. »

— En ces temps de Covid, il faut au contraire aider et soutenir les professeur·e·s dans leur travail qui enseignent à des élèves de moins en moins présents. » ajoute un parent.

— La CAF vient de remporter un gros contrat à Bagnères 3. Nous avons donc des familles qui vont venir s’installer et les moyens sont en train d’être réduits ! Où va-t-on mettre les gamins ?

— Nos formations Industrielles sont également menacées par un mauvais recrutement : les deux filières de maintenance électro-technique et des équipements industriels ont disparu du logiciel d’orientation en début d’année suite à un bug et l’on n’a pas recruté. Nous l’avons appris par hasard.

En Bigorre : M. Sempastous, à ce que je sais, était professeur dans la section électrique avant de devenir député, il y a cinq ou six ans. S’est-il mobilisé pour soutenir votre action ?

— Nous allons le rencontrer la semaine prochaine. Pour l’instant, nous pouvons dire que nous restons dans l’attente de ce qu’il va faire.

Illustration 6
Des conséquences dramatiques quant au choix des enseignements de spécialité pour les élèves © AB

« La perte de moyens horaires ne permettra plus de créer des groupes de travail avec des effectifs réduits pour apporter un enseignement plus individualisé. Au contraire, même dans les enseignements de spécialités, les effectifs pourront atteindre 36 élèves par classe ! »

La fermeture d’une classe de première est également annoncée.

« Peut-on enseigner correctement dans de pareilles conditions ? »   interrogent les personnels du LVD ?

Une politique territoriale dépassée ?

Cette fragilisation du lycée de Bagnères-de-Bigorre est d’autant plus paradoxale que l’on est situé ici à moins de soixante-dix kilomètres de l’Espagne. La ville est située de surcroît dans une zone montagnarde rurale qui a mérité de tout temps 4 de bénéficier de soutiens spécifiques.

Cependant, dès 2016 5, cette conscience académique en actes a été fragilisée, qui détermine des relations délicates au territoire pour des futurs collégiens et lycéens, voire étudiants :

« La circulaire n° 2011-237 du 30 décembre 2011 relative aux écoles situées en zones de montagne 6 est abrogée.

1. Développer la démarche partenariale [avec les collectivités] pour favoriser le maintien d’une offre éducative de proximité et de qualité

a. Définition

La convention « ruralité » est un contrat d’engagements réciproques conclu, dans les territoires ruraux ou de montagne, caractérisés par un maillage des écoles ne correspondant plus aux réalités de la démographie scolaire locale […] »

Pourtant, « le LVD perd peu d’élèves, entre la Seconde et la Terminale, alors que le recrutement concerne des catégories socio-professionnelles qui ne sont pas parmi les plus favorisées. Et l’engagement pédagogique de l’équipe fait que le LVD est très bien classé au niveau académique et national avec une probabilité de réussite au Baccalauréat de l’ordre de 83 %.» nous dit un professeur.

Le bassin de recrutement

Sur 650 élèves, environ 180 sont accueillis à l’internat. Ces élèves sont originaires de vallées un peu isolées des Hautes-Pyrénées mais certains viennent aussi de la Haute-Garonne, du Gers. Très peu des internes sont scolarisés au Lycée Général qui recrute surtout à Bagnères-de-Bigorre ou aux alentours : ils sont essentiellement dans la partie professionnelle du LVD. Compte tenu des spécialités, notamment de formation aux métiers de la sécurité, privée et publique (ouverte en 2017), cela justifie qu’ils fassent l’objet de ce recrutement assez large.

 Une réforme à plusieurs étages

niveau éducatif et du système professoral français

  • orientation forcée des d’élèves

« En Seconde, ils doivent choisir trois options. En Première, ils doivent en éliminer une. Le côté prudent et les aléas des formations font que certaines options sont évacuées de fait des possibilités prétendument ouvertes.» nous explique un professeur.

« Une note de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale récemment publiée insiste d’ailleurs sur les inégalités territoriales, sociales et genrées que pourrait creuser la mécanique du lycée à la carte, alors que, selon elle, ce dernier devrait constituer un levier pour l’ouverture de l’accès à des enseignements plus nombreux.

La capacité à maintenir l’apparence d’un choix des enseignements à la carte dépendrait ainsi de la possibilité de maintenir les groupes à faibles effectifs. Or, les dotations horaires pour la rentrée prochaine ne le permettront pas.

Sans financement dédié, les options sont sacrifiées sur l’autel de la pénurie.

L’inspection générale pose la question des moyens pour ouvrir des options qualifiées de “premier rang” quand elle les juge essentielles pour la poursuite d’études, à savoir les maths, […]. Dans ce schéma, elle reconnaît en creux que toutes les autres options – les arts, les langues vivantes et anciennes – sont vouées à disparaître.

Quand les règles du jeu éducatif sont pipées, la “liberté de choix” tant vantée engendre de l’angoisse et favorise le repli vers des stratégies éprouvées. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre comment l’abandon d’une spécialité en Terminale laisserait planer un risque de “reconstituer les stratégies anciennes repérées comme « gagnantes”, du fait du niveau “d’incertitude ressentie”. 7»

  • comptage par classe inadapté pour maintenir une matière ou le nombre de classes

« Les quotas de création et de suppression de classes sont irrationnels, et les décisions prises le sont toujours dans un souci d’économie budgétaire ! » explique un professeur.

Mais pour qui faire des économies et pour quoi faire ?

  • suppression progressive du nombre d’enseignants recrutés

30 novembre 2017 : Le ministère de l’Éducation nationale va recruter moins d'enseignants pour les collèges et les lycées. Cette nouvelle logique, en rupture avec la création des 60.000 postes du quinquennat précédent et inscrite dans le budget 2018, s'illustre très concrètement par le nombre de postes ouverts aux concours d'enseignants, publié au « Journal officiel. 8»

  • professeur·e·s aux salaires et retraites contraints

« Cela fait quinze ans que nous n’avons pas eu d’augmentation ! » note un autre enseignant.

  • CPE devenu quasi inutile

Chaque année depuis quatre ans, un demi-poste de CPE a été supprimé.

  • La nouvelle doctrine (le nouveau dogme managérial ?) semble fondé sur l’illusion d’une pédagogie distancielle efficace.

En Bigorre renvoie pour plus d’explications vers le blog très détaillé et vivant de ce professeur de philosophie. 9

  • Une régression démocratique planifiée

« L’augmentation de la dimension des aires administratives qui prennent en charge les affaires publiques en milieu rural ne s’accompagne pas forcément d’un rapprochement des administrés et l’on a déjà souligné l’éparpillement des lieux où se disséminent leurs activités. […] Ce que l’on observe dès le moment de l’élaboration de la carte scolaire dont les inspections d’académie sont les seuls maîtres. L’organisation scolaire est donc un bon témoin de la régression de la démocratie locale. L’éparpillement des lieux traditionnels de rencontres et de collaboration jouant beaucoup pour accroître l’isolement des personnes et réduire les risques de constitution de collectifs susceptibles d’exprimer des exigences communes. Il est plus facile de répondre aux besoins individuels que de favoriser une conscience des citoyens d’être solidairement responsables de leur devenir sur un territoire commun. 

Dans une conférence donnée le 13 mars 2008, à l’IUFM de Marseille, Jean-Luc Fauguet 10 observait que « dans les deux cas (du rural isolé et de l’urbain défavorisé), les populations ont disparu derrière les zonages. Très peu de travaux prennent en compte les particularités sociales et culturelles de ces populations, et encore plus rares sont ceux qui essaient de les situer par rapport à une (ou des) façon(s) de vivre le territoire, de construire des liens aux lieux, de s’approprier, dans l’action sociale, un espace des possibles.  11»

En d’autres termes, cela reviendrait-il à dire que l’expérience de vécu du territoire par les populations n’a aucune crédibilité pour les politiques publiques territorialisées ?

Parce que les façons de s’approprier le territoire sont de surcroît impactées symboliquement du fait des pratiques auxquelles participe le système éducatif :

« Pour les élèves ruraux, cet attachement ne va pas sans difficultés, car ils ont par ailleurs intégré l’essentiel des normes et des valeurs culturelles de l’urbain : ils veulent faire des études longues, voyager dans les pays étrangers, ils souhaitent exercer des métiers urbains… 12 »

Et il est attesté depuis bien des années qu’ « il n’y a pas de territoire, y compris “immatériel”, sans “projection” collective de ses acteurs vers un futur commun structurant, ayant évidemment fonction “identitaire” et “symbolique”. 13»

 Un lycée au matériel numérique hautement obsolète

Les professeur·e·s se sont accordé·e·s à souligner que le matériel de l’établissement est grandement obsolète, et inadapté au déroulement d’une heure de cours : les ordinateurs mettent un quart d’heure à démarrer, et le WIFI coupe régulièrement toute connexion internet !

Ceci, même si la Région Occitanie a octroyé des dotations indifférenciées à tout élève d’ordinateurs portables.

« Peut-on enseigner correctement dans de pareilles conditions ?»

Comment respecter un programme défini ? et donc la qualité d’une proposition pédagogique exigeante et respectueuse de l’élève, dans un enseignement de service public ?

La situation sanitaire

« Avec le confinement, nous avons au LVD une moitié d’élèves en classe et l’autre moitié à la maison. Ceux qui sont à la maison ont du travail personnel.

Nous savons qu’un certain nombre d’élèves vivent dans des zones plus ou moins blanches, avec de grosses difficultés de connexion informatique. Le ministre se vantait de n’avoir que 3 ou 4 % de décrochage pendant que nous avions 30 ou 40. L’an passé, en Terminale, je les ai perdus presque tous.»

- De nouvelles fractures numériques et une montée de l’illectronisme dans une société soumise de plein fouet au découpage territorial

  • Vous avez dit numérique éducatif ?

« Dire que « l’expérience de l’enseignement à distance pendant le confinement a fait apparaître une chose : certains élèves se sont révélés pendant cette période » me semble en contradiction assez flagrante avec le retour massif des collègues (et pas seulement en philo): Oui, certains élèves ont tiré leur épingle du jeu pendant le premier confinement, et ce ne sont pas seulement les plus brillants (même si le plus souvent c'était quand même le cas); certains se sont effectivement "révélés". Mais pour une poignée (j'en compterais peut-être 5 ou 6 au maximum sur 150 ?), combien ont sombré du "côté obscur" ? 14»

  • L’illectronisme inquiète le Sénat, et la notion est très bien documentée !

“L’illectronisme ne disparaîtra pas d’un coup de tablette magique !” rapport sénatorial n°711 (2019-2020) présenté par M. Raymond Vall, sénateur du Gers dans le cadre de la Mission d’information « Lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique »

NON À L’ILLECTRONISME

OUI AUX SERVICES INFORMATIQUES POUR TOUT LE MONDE 15

  • « On peut être très bien équipés en appareils connectés et être totalement perdus et démunis dans le monde numérique » analyse François Huguet, docteur en sciences sociales à Telecom ParisTech.

 Mais pourquoi toutes ces réformes ? et pour quoi faire ?

Le Bac est considéré comme trop coûteux (± 80€/ élève, voir l’étude ci-jointe 16)

Les étudiants seraient trop nombreux en université et qui plus est, mal orientés 17Si des attendus existent afin de guider les élèves pour leur choix de formation, leur prise en compte par les commissions d’examen des vœux, au fonctionnement nébuleux, est aléatoire », écrit la Cour des Comptes — et en conséquence considérés comme improductifs et coûteux à la société :

- cela entraîne des changements de cursus voire l’abandon des études, notamment au terme des deux premières années.

Un rapport de réforme d’envergure du bac, à l’horizon 2021 a été commandé par le ministre de l’Éducation Nationale à Pierre Mathiot :

UN NOUVEAU BACCALAURÉAT POUR CONSTRUIRE LE LYCÉE DES POSSIBLES – UN ENJEU MAJEUR POUR NOTRE JEUNESSE, UN DÉFI ESSENTIEL POUR PRÉPARER LA SOCIÉTÉ DE DEMAIN

« Pierre Mathiot, qui défend le baccalauréat version Blanquer, promet que la mise en œuvre de cet examen repensé et du nouveau lycée ne va pas aggraver les inégalités, comme le pointe notamment le syndicat principal du secondaire, le SNES. Cette réforme est aussi pensée en articulation avec l’orientation dans l’enseignement supérieur dorénavant gérée par la plateforme Parcoursup.»

« Ce n’est pas un gros mot de dire qu’on peut faire des économies sur le bac, surtout si on les réinjecte au profit d'autres activités, dans le développement du numérique par exemple. Il s’agit en fait de mieux utiliser les moyens. 18» argue Pierre Mathiot.

La réforme est entrée en vigueur en septembre 2019.

Ses intentions non-affichées sont nettes : un écrémage intensif organisé pour ne conserver que ceux qui détiennent un capital culturel solide :

« D’abord, je suis d’accord avec le ministre : ce n’est pas parce qu’on fait l’hypothèse qu’au départ, il y a une forme d’inégalité possible qu’on doit s’empêcher de le faire. Sinon, on supprime toutes les notes car tout exercice d'évaluation quel qu'il soit repose sur une forme d’inégalité de départ. Qu’on me prouve par exemple que l’épreuve de philosophie à l'écrit au bac est moins discriminante que l’oral prévu. Quand le sujet porte sur l’art contemporain, entre celui qui a visité le MET à New York à douze ans et l’autre qui ne sera jamais allé ne serait-ce qu’au musée municipal, il y a un énorme fossé. 19»

Que ce soit une boutade ou un prêche, le mot est trop énorme pour le laisser filer sans le signaler !

Plus largement, au plan national du Service Public, l’intronisation d’Amélie de Montchalin en tant que ministre de la “Transformation Publique”, pour les dix-huit mois précédant la fin de la mandature d’Emmanuel Macron.

Pourquoi cette nomination ?

« Elle se définit comme “l’aiguillon du gouvernement” et « elle incarne l’idéal du macronisme, c’est la technocratie qui prend le pouvoir » affirme son ancien collègue et membre LR de la Commission des Finances , Julien Aubert. 20»

« Elle a été appréciée par les Marcheurs pour ses méthodes de cadre du privé. Amélie de Montchalin a donc appliqué à ce nouveau groupe politique les techniques managériales du privé. Elle aura pour tâche de porter le fer de l’idéologie néolibérale à laquelle elle croit profondément dans le secteur public français. D’où le terme de “transformation” qui est attaché désormais à son maroquin. Tout semble donc prédire un politique de sape, voire de destruction des services publics. »

«  En tout, près de 30 milliards d'économies sont envisagées 21

Au-delà des doublons entre l’État et les collectivités territoriales, l’État et de nombreux opérateurs publics souffrent d’une organisation territoriale héritée du passé et qui n’a pas été revue malgré l’évolution de la carte des régions ou l’évolution des missions. Cette organisation, qui n’est pas suffisamment rationalisée par rapport aux besoins, est coûteuse et inefficace.

Nous avons identifié plusieurs domaines dans lesquels l’organisation territoriale mérite d’être revue. Dans le domaine […] de l’éducation nationale, l’organisation territoriale n’a pas évolué alors que le périmètre géographique des régions a changé. »

« Faire payer directement l’usager de certains services publics. 22» est l’une des mesures préconisées dans le rapport du CAP 22 (Comité d’Action Publique 2020-2022).

En conclusion

Le décalage de rupture entre les vues du gouvernement et le système éducatif passe ainsi par des intentions de casse systémique à des fins de management économique strict (privatisation potentielle d’une structure, l’Éducation Nationale garante d’un commun transgénérationnel, par la simplification détournée à l’extrême de ses modes de fonctionnement : compétition, conflit, lutte, absorption ou disparition, et tout cela sans aucune concertation ni dialogue.

Nous pouvons établir un parallèle évident entre la gestion sociétale et politico-économique des conséquences planifiées de la situation sanitaire “Covid” et celle du cyclone Katrina, en 2005 en Louisiane, décrite par Naomi Klein dans La Stratégie du Choc :

« La plu­part d’entre nous […] ne savent pas exac­te­ment quoi faire ou qui écou­ter. Ce sont les condi­tions par­faites pour que les gou­ver­ne­ments et l’é­lite mon­diale mettent en œuvre des pro­grammes poli­tiques qui, autre­ment, ren­con­tre­raient une grande oppo­si­tion si nous n’é­tions pas tous aus­si déso­rien­tés.

Cette chaîne d’é­vé­ne­ments n’est pas exclu­sive à la crise déclen­chée par le coro­na­vi­rus ; c’est le pro­jet que les poli­ti­ciens et les gou­ver­ne­ments pour­suivent depuis des décen­nies, connu sous le nom de “doc­trine de choc”, un terme inven­té par l’ac­ti­viste et autrice Nao­mi Klein dans un livre du même nom en 2007. 23»

La prise de conscience en France suffira-t-elle à amortir les chocs ?

* * *

Notes

1https://victor-duruy.mon-ent-occitanie.fr/contacts/contacts-4.htm

présentation géographique

2http://www.versailles.snes.edu/spip.php?article1693

3Le constructeur ferroviaire espagnol CAF a remporté avec la RATP un contrat pour des locomotives de maintenance, qui seront fabriquées à Bagnères-de-Bigorre. « La RATP a décidé de confier à CAF France la conception et la fabrication de locotracteurs électriques destinés à tracter les trains de maintenance des infrastructures du réseau RER de la RATP» , a annoncé le constructeur lundi dans un communiqué de presse. https://www.lasemainedespyrenees.fr/2017/02/07/bagneres-caf-remporte-avec-un-contrat-avec-la-rapt/

4http://www.senat.fr/questions/base/1992/qSEQ920521270.html

« Au niveau local les autorités académiques ont le même souci de ne pas déstructurer le réseau scolaire et de préserver le service public d'enseignement dans les secteurs fragilisés, soit en maintenant des écoles à classe unique si cela s'impose (on en compte 8 928 à la rentrée 1991), à condition que la faiblesse des effectifs ne constitue pas une entrave à l'efficacité pédagogique, soit en privilégiant les regroupements et, d'une façon générale, toutes actions permettant de rompre l'isolement des maîtres et des élèves. »

5https://www.ozp.fr/spip.php?article19568

6« La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dispose que la montagne constitue une entité géographique, économique et sociale dont le relief, le climat, le patrimoine naturel et culturel nécessitent la définition et la mise en œuvre d'une politique spécifique de développement, d'aménagement et de protection. L'identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la nation et prises en compte par l'État, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu'ils conduisent.

La politique de la montagne a pour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus d'acquérir les moyens et la maîtrise de leur développement en vue d'établir, dans le respect de l'identité culturelle montagnarde, la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions. Elle se fonde sur la mise en valeur optimale des potentialités locales. »

7https://www.snes.edu/article/reformes-blanquer-les-lycees-dans-l-impasse/ 12 mars 2020

8https://www.lesechos.fr/2017/11/leducation-nationale-va-reduire-ses-recrutements-denseignants-dans-les-colleges-et-lycees-186758

9https://blogs.mediapart.fr/julien-cueille/blog/260121/vous-avez-dit-numerique-educatif

« Curieusement, ce que l'on retient des pédagogies actives, c’est l’outil informatique. La mode de la «classe inversée», confortée par la crise sanitaire, est une idée certes séduisante sur le papier, mais qui fait la part belle à l'évaluationnite et à la standardisation. Ne participe-t-elle pas en réalité à l’automatisation de la pédagogie, sans parler de l’emprise des EdTechs ? »

10Maître de conférences en sociologie, Jean-Luc Fauguet est responsable des relations internationales à l'IUFM de l'Université de Provence

11https://www.cairn.info/revue-pour-2011-1-page-49.htm

12ibid.

13https://www.researchgate.net/publication/304743404_Le_rural_facteur_d'inegalites_scolaires_a_l'ecole_au_college_et_au_lycee_Territorialisation_du_processus_d'orientation_scolaire_en_zone_de_montagne_et_dans_le_rural_isole/link/5779028808ae4645d611ec47/download

14https://blogs.mediapart.fr/julien-cueille/blog/260121/vous-avez-dit-numerique-educatif

15http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2020/2020-Documents_pdf/20201007_Note_de_synthese_FALC_vrsion_FINALE.pdf

16https://www.bac-pro.net/infos/le-vrai-cout-du-baccalaureat.php

17Après l’ensemble des syndicats du supérieur, après le Défenseur des droits, c’est au tour de la Cour des Comptes de tacler l’opacité qui entoure, depuis maintenant deux ans, les processus de classement des dossiers des candidats placés, jusqu’ici, sous le sceau du secret des délibérations. Après un an d’enquête sur les pratiques des universités, les rapporteurs réclament de « rendre publics les algorithmes locaux utilisés par les commissions d’examen ». Et ce pour l’« ensemble des formations ».

« Si des attendus existent afin de guider les élèves pour leur choix de formation, leur prise en compte par les commissions d’examen des vœux, au fonctionnement nébuleux, est aléatoire », écrit-elle, évoquant des « critères de classement peu transparents ».

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/26/parcoursup-la-cour-des-comptes-epingle-des-parametres-parfois-contestables-de-selection_6030952_3224.html

18https://www.mediapart.fr/journal/france/130318/pierre-mathiot-il-faut-assumer-la-complexite-de-cette-reforme-du-bac?onglet=full?onglet=full

19https://www.mediapart.fr/journal/france/130318/pierre-mathiot-il-faut-assumer-la-complexite-de-cette-reforme-du-bac?onglet=full

20https://www.magazine-decideurs.com/news/remaniement-amelie-de-montchalin-l-ascension

21https://www.mediapart.fr/journal/france/200718/lintegralite-du-rapport-cap-2022

22Proposition 22 page 109 https://assets.documentcloud.org/documents/4613998/cap22.pdf

23https://www.legrandsoir.info/comment-l-elite-mondiale-va-tenter-d-exploiter-la-pandemie-vice.html

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