Ce billet fait suite à celui-ci.
Sommaire
Une conception centralisée de la nouvelle gestion économique de la forêt
Les populations ont-elles été ainsi associées autrement que par un tour de passe-passe médiatique biaisé ?
L’aspect environnemental d’écologie durable
Des enjeux économiques, écologiques et sociaux au cœur des missions de l’ONF.
• Économiques
- Filière forêt-bois : le plan recherche-innovation 2025
- Synthèse des outils publics de financement existants ou mobilisables pour la RDI dans la filière forêt-bois [extraits]
- Pour autant, l’État lui-même semble douter profondément des règles qu’il a instaurées
- Article 33 du projet de loi ASAP
• Écologiques
• Sociaux
- La privatisation de l’ONF
- L’article 33 du projet de loi ASAP
Les normes internationales
Un marché international du bois
• La question juridique des biens non-délimités
Conclusions
• ressource (in)disponible selon les acteurs
• Serait-il donc légitime de mettre en péril une filière locale en place depuis plusieurs générations
• divers
Une conception centralisée de la nouvelle gestion économique de la forêt
L’affaire a commencé le 7 décembre 2015, avec l’esquisse de développement de la filière forêt-bois évoquée en réunion plénière lors de la dernière convocation de la Commission Régionale de la Foret et des Produits Forestiers (la CRFPF) 1;
en effet, « la Loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt lui substitue la Commission Régionale de la Forêt et du Bois (CRFB), qui sera copilotée par l'État et le Conseil Régional.» avance Monsieur Pascal MAILHOS, alors préfet de la région Midi-Pyrénées : » Avec 2,7 millions d’hectares, la future région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sera deuxième au rang des régions forestières.
Deux outils majeurs sont mis à disposition des acteurs pour porter les nouveaux enjeux régionaux : le “programme régional de la forêt et du bois” et le “contrat de filière régional”.
Leur élaboration bénéficiera des travaux déjà convergents conduits dans les deux régions actuelles, notamment les trois axes prioritaires du contrat de filière reconduit cette année en Languedoc-Roussillon 2, qui vont
mobiliser et renouveler durablement la forêt”,
“structurer une filière bois performante”,
“développer les marchés pour les bois régionaux”
et s'inscrivent en résonance avec les orientations régionales forestières de Midi-Pyrénées actualisées en 2013.»
« Le 11 février 2016, Stéphane Le Foll, [sous la présidence Hollande], a organisé une journée dédiée à la loi “d'Avenir”, l'occasion de faire un état des lieux sur sa mise en œuvre. En effet, 73 mesures réglementaires d'application ont été [adoptées], soit 81% des mesures qui devaient être prises.
"Regardons ce qui est déjà en cours de réalisation : près de 250 Groupements d’Intérêt Economique et Environnemental créés depuis que le texte est promulgué, un foncier agricole mieux protégé, une gouvernance des SAFER améliorée. (...) Un programme national de la forêt et du bois a été mis en place pour 10 ans, ainsi que de nouvelles possibilités de financement pour cette filière à travers un fonds stratégique.» 3
« Le programme national de la forêt et du bois (PNFB), introduit par la “Loi d'Avenir pour l'Agriculture, l'Alimentation et la Forêt” du 13 octobre 2014, fixe les orientations de la politique forestière, en forêt publique et privée, en métropole et en outre-mer, pour une période de dix ans. Il a été approuvé par le Décret n° 2017-155 du 8 février 2017 portant approbation du programme national de la forêt et du bois 2016 - 2026.
Il se donne quatre objectifs :
Créer de la valeur en France, en mobilisant la ressource durablement,
Répondre aux attentes des citoyens et s’intégrer aux projets de territoires,
Conjuguer atténuation et adaptation des forêts au changement climatique,
Développer des synergies entre forêt et industrie. » 4
« Il est issu d'une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes de la filière forêt-bois, qui aura duré toute l'année 2015. En 2016, le Conseil supérieur de la forêt et du bois (CSFB) ainsi que l’Autorité environnementale se sont prononcés sur le PNFB. Celui-ci a ensuite été soumis à la consultation du public.
Ainsi, pour la première fois, la société civile française a été associée à la définition de la politique forestière de la nation. » 5
Or, c’est bien là que le bât blesse !
« Un « projet d’un autre monde, inadapté à la forêt française et pyrénéenne », pour la CGT Forêt.
Une « voie écocide », pour le collectif SOS Forêt Pyrénées, regroupant associations et syndicats professionnels de la forêt. 6
Les populations ont-elles été ainsi associées autrement que par un tour de passe-passe médiatique biaisé ?
L’opposition gronde puissamment de l’Océan Atlantique à la Méditerranée, et demain 10 octobre, puis le dimanche 11 seront des hauts-lieux de mobilisation qui en démontreront l’inanité, opposées sur de nombreux points à ce projet pharaonique destructeur d’une économie de circuit court, essentiellement local, d’emplois en nombre – en pleine crise sociétale et sociale – pour ne privilégier qu’un groupe financier opportuniste, qui délaissera ce placement quasi boursier sur un stock de bois, dès que la ressource, limitée par une surexploitation destructrice, viendra à manquer, la branche sur laquelle il veut s’asseoir un temps ayant été coupée.
Les Pyrénéen·ne·s n’auraient alors que leurs yeux pour pleurer, le milieu dévasté par les vastes destructions, le reboisement (mais avec quelles essences endémiques ?) ne pouvant intervenir aisément sans surcoût important dans un paysage aussi accidenté, et le réchauffement étant accéléré davantage en montagne qu’en plaine comme l’OPCC l’a déjà amplement démontré.
Les chiffres
4à organisations partenaires de Touche pas à ma forêt.
500 adresses de citoyens intéressés et mobilisés
des Marches de protestation organisées demain 10/10/2020 dans 5 départements sur les 6 concernés :
Oloron-Ste-Marie (64), Bagnères-de-Bigorre (65), St Girons (09), Aspect (31) ; Céret (66).
Une seule manifestation pyrénéenne sur le site de Capvern dimanche à 9h ainsi qu’un large moment de présentation du projet alternatif..
L’aspect environnemental d’écologie durable
« L’Observatoire des Forêts relève l’importance de laisser se développer le gros bois, mort et vivant, pour améliorer la résilience face au changement climatique ou encore servir d’habitat à des espèces, telles que les saproxyliques — essentiellement des champignons et coléoptères —, indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers.
Selon l’association, le développement de vieilles forêts — 4 % des forêts des Pyrénées d’Occitanie — également recommandé par des scientifiques pour leur rôle de puits de carbone, est remis en question par un projet tel que celui de la scierie Florian, qui vise majoritairement du bois de hêtre de haute qualité, donc le plus gros. » 7
« L’augmentation de l’exploitation du hêtre pyrénéen permise par l’activité de la scierie italienne devra aussi permettre à la CCPL de mettre sur pied une usine de cogénération biomasse afin de produire de l’électricité et de la chaleur avec le bois restant de moindre qualité. Il s’agit donc d’un programme industriel pensé par l’intercommunalité. » 8
Agrandissement : Illustration 1
La forêt laissée à son potentiel vital ? | ministère de l'agriculture et de la forêt
Si le site du ministère présente une photo idyllique de sous-bois où la flore et la fonge sembleraient interagir indépendamment de la pression anthropique, il se produit pourtant une dichotomie idéologique majeure, une distorsion du discours scientifique au profit d’une exploitation strictement économique et industrielle du milieu (une interdisciplinarité nouvelle en plein essor, aux méthodologies extrêmement diversifiées envisage l’étude des interrelations entre ces deux règnes, et le troisième, la faune !) 9
« En moyenne, 1 300 espèces nouvelles sont décrites annuellement (6), mais la majorité sont des microorganismes incultivés et les estimations des mycologues de leur nombre total, basées notamment sur des analyses métagénomiques d'un grand éventail de sols, vont de 0,5 à 10 millions .» 10
Et le fait n’a rien d’anodin :
Quand la revue La Recherche titre précisément, dans son numéro d’octobre 2020 11 :
« La fonte du pergélisol menace la planète » me direz-vous, quel rapport y a-t-il avec nos forêts ?
Deux interrogations majeures se posent :
La première concernant la libération dans l’atmosphère (mondiale) de quantités, non seulement de « carbone qui se transforme en CO2 (dioxyde de carbone) et en CH4 (méthane), - dont le GIEC a commencé, depuis quatre ans seulement, à prendre en compte la menace dans ses calculs, faisant désormais apparaître comme optimistes les projections d’une augmentation de la température terrestre moyenne de 4°C à 5°C. Il pourrait s’en former deux fois plus que n’en recèle l’atmosphère, ce qui accroîtrait gravement l’effet de serre. »
« Pire, le dégel de ces couches pourrait libérer des centaines de milliers de tonnes de mercure dans les écosystèmes, selon une étude de 2018 du National Snow and Ice Data Center (États-Unis). […] Après avoir circulé à l’état gazeux dans l’atmosphère, le mercure se mêle de façon intrinsèque à cette matière organique en décomposition lente ; dans des proportions estimées entre 180 000 et 800 000 tonnes de mercure accumulé dans le pergélisol depuis des milliers d’années. »
La seconde interrogation concerne les solutions à portée d’humain, une fois enclenchées les conséquences des actes de l’apprenti-sorcier industriel qui a créé le nouvel âge géologique de l’Anthropocène :
Or, si « en Sibérie,la neige est un puissant isolant qui protège le sol de l’air ambiant bien plus glacial, que les ruminants tels le poney sibérien yakoute, le bœuf musqué ou le bison, grattent, et piétinent, refroidissant le sol de 1 à 2° »,
Dans les Pyrénées, ce sera plutôt la fonction de puits à carbone des forêts qui sera à privilégier, de façon à piéger ces matières volatiles excédentaires alors que la déforestation en augmente encore les quantités déjà astronomiques :
(source ONF) : « Les forêts couvrent 31% de la surface terrestre et constituent, derrière les océans, le 2ème plus grand puits de carbone de la planète. En France, avec près de 70 millions de tonnes de CO2 captées chaque année, la forêt participe activement à la lutte contre le réchauffement climatique, sans compter le carbone stocké dans les produits bois et l'énergie fossile économisée par l'utilisation du bois comme source d'énergie. 12 »
Argument supplémentaire d’autorité s’il en était besoin
« Le Haut Conseil pour le Climat vient de publier son dernier rapport intitulé "Climat, Santé : mieux guérir, mieux prévenir" (avril 2020). Ce dernier indique que, lors du confinement, les émissions de gaz à effet de serre en France ont été réduites de 30% et "la réduction des émissions du transport sur route compte pour 60 % de la réduction totale". Mais même si ces chiffres sont impressionnants, le rapport souligne que "cette baisse constatée reste marginale dans la trajectoire vers la neutralité carbone. […] La probabilité d’un effet rebond est majeure."
Les experts insistent : la nécessité de réduire progressivement et durablement nos émissions de gaz à effet de serre reste plus que jamais d’actualité et pour cela, la préservation des espaces naturels, et en particulier des forêts, doit être placée au cœur des enjeux. »
« La forêt française représente 30 % de la superficie de l’Hexagone. En France, 25 % de cette surface appartient à l’État et aux communes. Trois missions ont été confiées à l’ONF :
produire du bois pour répondre aux besoins de la société
préserver l’environnement
accueillir le public
Ces espaces sont entretenus dans le cadre d’un Plan d’Aménagement défini sur 20 ans.
Des enjeux économiques, écologiques et sociaux au cœur des missions de l’ONF. 13
Économiques
«En France, la majorité des forêts publiques sont certifiées pour leur gestion forestière durable dans le cadre des systèmes de certification PEFC et FSC®. En s’appuyant sur sa politique environnementale, l’ONF assure au quotidien la gestion multifonctionnelle des forêts publiques. La production de bois, au cœur de ses missions, s'inscrit dans le respect de l’ensemble des enjeux environnementaux et sociaux. »
« Avec la majorité des professionnels de la filière forêt-bois française, l'ONF s'est engagé depuis une quinzaine d’années avec les communes forestières et les forestiers privés dans le système de certification PEFC.
L'ONF est membre de l'association PEFC France. Il participe ainsi à la gouvernance du système et à la définition du schéma français de certification.
Parmi les forêts publiques gérées par l’ONF, 5,1 millions d’hectares sont certifiés PEFC, soit 100% des forêts domaniales et plus de 57% des forêts communales. Les ateliers bois de l'ONF de métropole sont par ailleurs certifiés "chaîne de contrôle PEFC".»
Filière forêt-bois : le plan recherche-innovation 2025 14
L’analyse gouvernementale dès 2016, exclut toute décision locale, voire départementale.
« Le secteur forêt - bois, la filière comme les territoires dans lesquels il s’incarne, est aujourd’hui au coeur d’enjeux globaux comme d’enjeux plus spécifiquement nationaux.
A la fois puits majeurs de carbone et affectées par le dérèglement climatique, les forêts sont réputées fournir un grand nombre de produits et services.
Economiquement et socialement importante - 60 milliards d’euros de chiffre d’affaire et 440 000 emplois directs et indirects - la 14ème filière stratégique nationale demeure fragile, avec un fort déficit de la balance commerciale - de l’ordre d’1 milliard d’euros/an pour la partie bois proprement dite et près de 5,5 milliards d’euros/an si l’on y ajoute les importations dans les secteurs de l’ameublement et dans celui des papiers et cartons.
Face à ces enjeux, le soutien à la compétitivité du secteur forêt - bois et l’amélioration de ses performances globales, économiques, environnementales et sociales, nécessitent de renforcer le continuum Recherche - Développement - Innovation (RDI). »
« Synthèse des outils publics de financement existants ou mobilisables pour la RDI dans la filière forêt-bois [extraits]
1• Financements européens
H2020 (subventions) : correspond au 8ème PCRDT (2014-2020) et concerne essentiellement des financements pour les acteurs publics ou privés de la RDI. L’innovation est un objectif central de H2020 qui est structuré en 3 piliers :
(1) excellence scientifique (conseil européen de la recherche ERC, mobilité, technologies émergentes, infrastructures) ;
(2) primauté industrielle (technologies clés, innovation PME, partenariats public privé) ;
(3) défis sociétaux (7 défis à relever à travers des projets multidisciplinaires et collaboratifs de R&I).
H2020 regroupe également le programme cadre pour la compétitivité et l’emploi (CIP) et l’EIT (European Institute for Innovation and Technology) qui met en œuvre les communautés de la connaissance et de l’innovation (KIC). » 15
Pour autant, l’État lui-même semble douter profondément des règles qu’il a instaurées :
« “Limites au développement des « financements innovants ”.
Des initiatives éparses, sans réelle garantie sur la qualité des projets :
• On dénombre autant d’initiatives que de régions : d’une région à l’autre, d’un mécanisme à l’autre, la nature des contreparties environnementales (en grande majorité de nature « carbone »), tout comme les méthodologies ou référentiels de certification et de contrôle des projets, varient.•
A ce jour, aucune de ces méthodologies n’a obtenu une certification carbone internationalement reconnue (Projet domestique CO2, VCS...). Ces projets relèvent donc pour l’instant davantage d’une logique de mécénat ou d’expérimentation que de « compensation carbone » au sens stricte. » 16
La place paraît ainsi ouverte – en creux – à des propositions citoyennes, même si l’État s’en défend. Une opposition massive y trouvera ici l’occasion de renvoyer puissamment l’écho des vallées.
Écologiques
En France, 30 % des forêts se situent en zone de montagne. Pour pouvoir récolter le bois, souvent difficile d’accès, le débardage par câble est une solution complémentaire adéquate. Depuis quelques années, à cause notamment du dérèglement climatique, la pratique du débardage par câble, en montagne mais aussi en plaine, est devenue incontournable.
Le 16 octobre 2019, l'ONF et la Fédération nationale entrepreneurs des territoires (FNEDT), ont signé un « Plan câble ». L'objectif : promouvoir et développer le débardage par câble aérien, une technique d'évacuation des bois permettant de protéger les sols et la biodiversité. 17
« Elle permet d’extraire des grumes sans détériorer les sols par tassement et contribue à la productivité des parcelles. Les périodes de gel sont moins fréquentes qu’il y a une trentaine d’années et non seulement il pleut plus, mais plus longtemps. Or, les premiers passages d’engins créent des ornières et tassent environ 80 % de la partie productive de l’humus et de tout l’écosystème d’ailleurs, sur le long terme. » explique Didier Pischedda, expert national en exploitation forestière à l’ONF.
« Le surcoût du câblage est à coupler pour le forestier avec le maintien de la productivité des sols. » De plus, il permet d’accroître la surface productive, en limitant les investissements : moins de routes, c’est également moins d’entretien. Les paysages sont préservés, l’écoulement des eaux est maintenu, tout comme la tranquillité de la faune.
« Il est important de garder ce savoir-faire en France, pour que dans les années à venir, il y ait un panel d’entreprises suffisant pour former de nouvelles entreprises pour développer cette technique de débardage. » 18
Sociaux
https://fr.calameo.com/read/004740498740f34cecef7 « L’ONF en chiffres »
La privatisation de l’ONF
Sachant que l’ONF procède également à de la sous-traitance, comme ici pour du matériel avec conducteur, des précautions quant à la proportion des contrats alloués et à la protection durable des personnels affectés à ces tâches seront à regarder attentivement, notamment par le Syndicat CGT Forêt Midi-Pyrénées.
Mais l’urgence est en rapport avec le risque de privatisation de l’ONF, qui est décrit largement ici :
https://www.canopee-asso.org/conference-privatisation-de-lonf-quelles-consequences-pour-nos-forets/
extraits :
« À l’origine, la commercialisation du bois avait été pensé comme permettant de financer durablement la préservation des forêts dont l’organisme à la charge. Aujourd’hui la récolte de bois a pris le dessus sur les autres missions de l’agent forestier.
En dehors de la pression liée à la vente de bois, les techniciens forestiers territoriaux voient également leurs effectifs chuter à une vitesse vertigineuse. En 2019, un poste sur vingt a été supprimé. Le triage, le secteur géographique du technicien forestier, est passé de 1 000 à 2 000 hectares en vingt ans.
Deux citoyens engagés, Didier Carron et Olivier Mabille, témoignent de l’impact désastreux du prélèvement massif de bois sur les forêts publiques, leurs biodiversités et leurs capacités d’adaptation aux changements climatiques. La forêt de Compiègne, près de laquelle vit Didier, a été reconnue en 2017 en état de crise (dépérissement des essences, hannetons, espèces invasives). Depuis, rien a été engagé. Le plan de crise est toujours en cours de développement et le plan de gestion actuelle continue d’être appliqué pour sortir du bois. « On n’est pas loin du mur »constate Didier.
Olivier, quant à lui, travaille à lister toutes les espèces qui ont disparues en vingt ans d’exploitation forestière dans la forêt de la Croix-aux-bois. Le massif regroupait en 1999 des salamandres, des Sonneurs à ventre jaune, des Grand sylvain ou encore des fougères montagnardes.
L’article 33 du projet de loi ASAP
L’article 33 du projet de loi ASAP – accélération et simplification de l’action publique- prévoit de généraliser le statut de contractuel et de réduire le nombre de membres du conseil d’administration. Ces mesures visent à légaliser des pratiques prohibées par le code forestier, qui ne permet pas aux contractuels de droit privé d’effectuer les mêmes missions qu’un agent assermenté (notamment les missions de police de l’environnement). La diminution du conseil d’administration de l’ONF entrainerait la perte des représentants des territoires (communes, départements, régions) et nuirait aux activités de concertation.
Complément d’information de Reporterre sur cette loi,
«L’article 33 du projet de loi permet au gouvernement de légiférer par ordonnances concernant les chambres d’agriculture et l’Office national des forêts (ONF).
Pour l’ONF, il s’agit de donner des pouvoirs de police à des salariés de droit privé. Mathilde Panot, députée France insoumise, y voit une privatisation rampante de l’ONF, car les embauches de fonctionnaires sont gelées : ils devraient donc à terme être totalement remplacés par des contractuels de droit privé. « Pourtant, la forêt mériterait une loi en elle-même », estime-t-elle. Même constat pour les chambres d’agriculture, comme l’explique Émilie Cariou, députée ex-LREM qui a rejoint le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS) : « Une mission parlementaire est en cours sur le sujet, et voilà que dès maintenant on donne un chèque en blanc au gouvernement pour les réformer… »
Le texte contient des dispositions visant à réduire de façon drastique un ensemble de commissions intervenant dans la décision publique ; à réformer par ordonnance des institutions aussi essentielles que l’Office national des forêts (ONF) ou les chambres d’agriculture ; à élargir le secret des affaires ; et, surtout, à faciliter l’implantation de sites industriels. »
« Les agents de l’ONF se battent aujourd’hui pour le maintien de leurs statuts de fonctionnaire, garant de leurs indépendances et de la protection de leurs missions. Le statut de fonctionnaire donne aux agents de l’ONF la protection nécessaire pour mettre en œuvre ce serment. »
Les normes internationales
Les normes internationales sont privilégiées par les formes de contrats que l’ONF, organisme certificateur se voit imposer.
Confirmations d'engagement à PEFC de l’ONF pour les forêts domaniales
Synthèse au 28 janvier 2019 19
FD = forêt domaniale
FDA = forêt domaniale affectée (Ministère de la Défense)
FI = forêt indivise
Agrandissement : Illustration 5
« Le Conseil PEFC (ci-après désigné « PEFCC ») est une association internationale basée à Genève, en Suisse,
ayant pour objet la certification de la gestion durable des forêts dans le monde. Cette certification repose sur deux axes :
- La certification des forêts gérées durablement selon les critères PEFC ;
- La certification de la chaîne de contrôle permettant d’assurer le suivi des bois issus des forêts gérées durablement, tout au long de leur chaîne de fabrication et de commercialisation.
« PEFC » est une marque communautaire déposée à l’OHMI, par PEFCC.» 20
Agrandissement : Illustration 6
« La valeur du FSC (Forest Stewardship Council © ) implique les valeurs centrales de FSC, montrant la nécessité et les bénéfices à obtenir la certification pour les entreprises. Afin de promouvoir efficacement le FSC vers un objectif commercial, nous avons développé un ensemble d'actifs contenant les points forts qui différencient FSC sur le marché. Cet ensemble d'actifs est destiné à stimuler 5 secteurs-clés :
Le commerce de détail, la construction, le mobilier, les emballages, les textiles.»
« La certification FSC garantit non seulement l'utilisation de bonnes pratiques environnementales de gestion des forêts dans la production de bois, mais elle est également de plus en plus utile pour les entreprises qui participent à l'industrie de la construction verte ; de plus, elle contribue à garantir le respect des nouvelles réglementations sur le bois et à répondre à la demande croissante des consommateurs en matière d'options écologiques.» 21
Un marché international du bois
FORDAQ est une sorte de passage quasi obligé désormais pour les producteurs de bois qui souhaitent vendre 22 :
« Fordaq gère un marché en ligne pour les professionnels du bois.
Plus de 240.000 professionnels du bois (exploitants forestiers, scieries, trancheurs, producteurs de panneaux, importateurs et menuiseries industrielles) ont choisi de devenir membre de Fordaq. Beaucoup des plus grandes entreprises du bois en Europe sont membres de Fordaq. Fordaq a des bureaux partout dans le monde. Nous rencontrons sur le terrain autant de membres que possible pour vous garantir de vraies opportunités d’affaires avec des entreprises sérieuses. »
Voici un exemple de contrat signé par la Région Centre-Ouest-Aquitaine :
Vente de bois de la Région Centre-Ouest-Aquitaine au monde entier.png
https://bois.fordaq.com/srvAuctionView.html?AucTIid=18317883
Résultats des ventes de bois ici.
La question juridique des biens non-délimités
Le 18 juin 2019, Grégory Besson-Moreau, député LREM de la 1ère circonscription de l'Aube, posait une première question au Ministère de la Justice :
« Ce vide réglementaire entraîne des conséquences problématiques en matière de gestion des forêts, notamment pour obtenir l'agrément du centre régional de la propriété obligatoire au-delà de vingt-cinq hectares, qui implique d'obtenir l'unanimité de tous les propriétaires au sein de la même parcelle. Or, dans le cas des biens non délimités, cette disposition risque de continuer à bloquer les projets d'exploitation de forêts par des groupes forestiers, »
Le 28 mai 2019, le député de la 1e circonscription des Hautes-Pyrénées Jean-Bernard Sempastous interrogeait presque à l’identique, le Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales sur cette même question :
« a loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 pour le régime des biens non délimités. Cette loi est venue annuler la règle de l'unanimité pour les indivisions, et prévoit à la place la majorité simple pour les décisions de gestion courante et la majorité des deux tiers pour les décisions de dispositions. Toutefois, cette loi reste silencieuse pour les modalités de gestion des biens non délimités. Les biens non délimités ne font pas l'objet d'une définition juridique. Cette absence de cadre juridique pour les biens non délimités est assez problématique dans leur gestion et notamment pour la gestion des forêts.»
Le 25 juin, le ministère répond :
« Un « bien non délimité » est un ensemble de propriétés, de contenance déterminée, dont les limites séparatives n'ont pu, faute de détermination contradictoire, être portées au plan cadastral lors de la rénovation du cadastre ou après cette rénovation. Il s'ensuit que figure au plan cadastral une parcelle unique représentant le contour de l'ensemble des propriétés contiguës.
Cette absence de détermination des limites de propriété au plan cadastral recouvre, au regard du droit civil, des situations juridiques diverses qui appellent de la part des juridictions judiciaires, des réponses adaptées à chaque cas d'espèce.
Pour mettre fin à cette situation d'indétermination des limites de propriété, le droit civil offre principalement deux voies procédurales distinctes.
• Lorsque l'absence de délimitation du bien résulte d'un conflit entre les propriétaires sur l'emplacement et la matérialisation des limites de propriété, sans que le litige ne porte sur la consistance des droits de propriété en cause, le litige pourra être tranché dans le cadre d'une action en bornage portée devant le tribunal d'instance.
• Lorsque la situation de « bien non délimité » résulte d'un conflit entre propriétaires sur la consistance même des droits de propriété en cause, le tribunal de grande instance sera seul compétent pour trancher le litige portant sur la propriété immobilière, que ce soit par exemple, dans le cadre d'une action en partage ou d'une action en revendication.
• En revanche, les propriétaires peuvent se retrouver dans l'impossibilité d'obtenir judiciairement la fixation de la ligne divisoire entre les parcelles composant le « bien non délimité », lorsque le tribunal de grande instance, appréciant souverainement la situation, constate que la parcelle en cause constitue un accessoire indispensable aux immeubles voisins, caractérisant, au regard du droit civil, une indivision forcée perpétuelle (v. en ce sens CA Angers, 3 juillet 2012, n° 10/03030 ; CA Rennes, 6 novembre 2016, n° 15/03974). L'accord unanime des indivisaires est alors requis pour mettre fin à cette indivision.
Ainsi, les outils juridiques offerts par le droit civil permettent de lever les difficultés de fixation des limites à l'intérieur d'un « bien non délimité ». 23
Conclusions (provisoires)
• « Trois études ont été financées par la région en 2019 : une étude IGN, sur la ressource en hêtre, une Cofor (Communes forestières) sur les 10 plus grosses communes des Pyrénées et une ONF sur la programmation et la qualité des bois disponibles sur quelques communes. » 24 Elles concluent que la ressource est disponible.
• Trois associations : FNE, Nature en Occitanie et SOS Forêt Pyrénées concluent à l’inverse. « Cette dernière prône pourtant la valorisation du bois dans les Pyrénées. Leurs conclusions remettraient en cause non pas le projet mais sa taille. »
• « Serait-il donc légitime de mettre en péril une filière locale en place depuis plusieurs générations pour mettre en place un important industriel implanté grâce à des subventions publiques et qui, à court terme, monopoliserait la ressource de tout le massif et cela sur plusieurs essences ? » 25
• divers :
Quand les services de renseignement diabolisent une action de préservation de la forêt 26
« En Corrèze, une association a tenté d’acquérir tout à fait légalement un bout de forêt, pour en préserver l’écosystème et la protéger des coupes rases. Mais c’était sans compter sur les services des renseignements et la gendarmerie qui ont fait capoter le projet, en agitant l’opportune et fantasmatique figure du « zadiste anarchiste écologiste ». La forêt n’y a pas survécu. »
* * *
Notes
1http://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/cr-crfpf-20151205-vdef_cle0d6d4e.pdf
2“ Le Plan Pluriannuel Régional de Développement Forestier (PPRDF) du Languedoc-Roussillon a été approuvé par arrêté préfectoral régional n° 2012072-0004 du 12 mars 2012, pour la période 2012/2016.
Il constitue un cadre géographique caractérisé par 19 massifs forestiers jugés prioritaires (carte jointe) et un programme d’actions opérationnel en faveur d’une mobilisation supplémentaire de bois tout en respectant les conditions d’une gestion durable de la forêt. […]
Avec 1,2 millions d’hectares de forêt et un taux de boisement de 43 %, la région Languedoc-Roussillon a un taux de boisement bien plus élevé que la moyenne nationale, ce qui la place dans les cinq régions françaises les plus forestières. Pour autant, les difficultés d’exploitation et l’important morcellement de la propriété forestière privée constituent deux freins majeurs à la mobilisation des bois. […]
BILAN fin 2014 : Les actions d’animation entreprises par les opérateurs (chambres d’agriculture, antennes régionale et locales du Conseil National de la Propriété Forestière, coopératives forestières et experts forestiers) ont permis de mobiliser de 2012 à 2014 environ 300.000 m3 de bois additionnel dit bois + qui n’auraient pas été exploités sans ses interventions spécifiques.
Cela représente 45% du volume prévisionnel de récolte supplémentaire fixé pour les 5 ans à 670.000 m 3.
Avec une progression constante des résultats de la récolte additionnelle réalisée ces 3 dernières [années], l’objectif initial fixé dans le PPRDF [Plan Pluriannuel Régional de Développement Forestier de Languedoc-Roussillon] apparaît dorénavant tout à fait atteignable.”
http://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/Plan-Pluriannuel-Regional-de
3https://www.gouvernement.fr/action/la-loi-d-avenir-pour-l-agriculture-l-alimentation-et-la-foret
4https://agriculture.gouv.fr/le-programme-national-de-la-foret-et-du-bois-2016-2026
5ibid.
6https://reporterre.net/Dans-les-Pyrenees-un-projet-de-scierie-geante-menace-les-equilibres-forestiers
7https://reporterre.net/Dans-les-Pyrenees-un-projet-de-scierie-geante-menace-les-equilibres-forestiers
8ibid.
9« Le succès évolutif du règne de la “fonge” est en grande partie dû à sa plasticité génétique associée à des caractéristiques biologiques extrêmement diversifiées […]
L'existence simultanée d’une paroi cellulaire périphérique et de vacuoles turgescentes dans le cytoplasme, les rapproche des végétaux auxquels on les rattachait autrefois, alors que leur corps végétatif non différencié et leur paroi peptido-polyosidique les distingue des plantes. L'absence de chloroplastes, de chlorophylle et d'amidon en fait, comme les animaux, des organismes hétérotrophes au carbone.
Sur la base de ces caractères particuliers, l'Américain Robert Harding Whittaker classe en 1959 les champignons dans un règne à part, celui des Mycota ou Mycètes.
D'après des substances typiques du règne animal retrouvées chez les champignons lors d'études chimiotaxonomiques (chitine, mélanine, bufoténine, etc.) et l'analyse des séquences ADN, la classification phylogénétique actuelle les rend plus proches des animaux, formant avec eux l'essentiel du super-règne des Opisthochontes. * »
* Tous les membres de ce super-règne dérivent d'un ancêtre eucaryote aquatique capable de se mouvoir à l'aide d'un flagelle. Ce sont des êtres vivants dont les organismes unicellulaires ou les cellules ciliées des organismes pluricellulaires sont propulsées par un flagelle unique, et non tractées (par opposition aux "antérocontes"). Cette caractéristique qu'on retrouve dans les cellules du sperme des animaux et des spores de champignons aquatiques, les Chytridiomycètes, donne son nom au groupe (οπίσθω- opisthō = derrière et κοντός kontós = flagelle).
10https://fr.wikipedia.org/wiki/Fungi
• (6) (en) Joseph Heitman, Barbara J. Howlett, Pedro W. Crous, Eva H. Stukenbrock, Timothy Yong James, Neil A. R. Gow, The Fungal Kingdom, John Wiley & Sons, 2017, p. 31
• (7) (en) Meredith Blackwell, « The Fungi. 1, 2, 3 … 5,1 Million species ? », American Journal of Botany, vol. 98, no 3, 2 mars 2011, p. 426–438 (DOI 10.3732/ajb.1000298).
• (8) (en) Leho Tedersoo, Mohammad Bahram, Sergei Põlme, Urmas Kõljalg, Nourou S. Yorou, Ravi Wijesundera, Luis Villarre, « Global diversity and geography of soil fungi », Science, vol. 346, no 6213, 28 novembre 2014 (DOI 10.1126/science.1256688).
11 Science&Avenir-La Recherche, n° 884, octobre 2020, pages 60 et 61
12http://www1.onf.fr/gestion_durable/++oid++5ae6/@@display_advise.html
13https://youtu.be/UYgi3C498zk sur la page https://www.onf.fr/onf/lonf-agit/+/15::gerer-les-forets.html
14https://agriculture.gouv.fr/filiere-foret-bois-le-plan-recherche-innovation-2025 analyse publiée le 9 mai 2016
15https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/2016_rapport_filiere_foretbois_2025.pdf pages 47-48/186
16ibid. pages 59 sqq.
17https://www.onf.fr/onf/+/5a7::lonf-et-la-fnedt-sengagent-pour-le-debardage-par-cable-aerien.html
18https://www.onf.fr/outils/reportages/c1a71783-214d-4513-b41b-7c26555184a2/++versions++/2/++paras++/1/++attr++data/++conversions++/video-hd720.mp4?_=1571309231.076644
19https://www.onf.fr/outils/articles/aa9998b8-bffd-41d6-bac0-4550aceb7350/++versions++/13/++paras++/10/++ass++/1/++i18n++data:fr?_=1550504569.988531&download=1
20https://www.pefc-france.org/media/2018/05/PEFC_FR-AD-4010-2018-Contrat-de-licence-PEFC-France-PF-en-certification-individuelle.pdf
21https://fsc.org/es/para-las-empresas/madera-maciza
22https://bois.fordaq.com/html/about_us_Fr.htm
23http://www2.assemblee-nationale.fr/questions/detail/15/QE/19885
24https://www.ladepeche.fr/2020/01/17/le-projet-bois-presente-aux-elus-communautaires,8666863.php
25https://www.ladepeche.fr/2020/06/15/projet-de-scierie-les-professionnels-du-bois-reagissent,8932647.php
26https://www.bastamag.net/foret-coupe-rase-action-de-preservation-ecologie-services-de-renseignement-gendarmerie