Un Tour de France qui traverse trois paradis fiscaux – la principauté de Monaco (4 juillet), la principauté d’Andorre (10 et 11 juillet), la Confédération suisse (19, 20 et 21 juillet) – ne porte pas exactement la promesse d’une grande transparence. La présence de Lance Armstrong non plus.
Peu de temps temps après l’annonce fracassante de son retour à la compétition, le septuble vainqueur américain de la Grande Boucle avait affirmé qu’il suivrait un programme anti-dopage individualisé sous la responsabilité d'un ponte, le docteur Don Catlin., dont les résultats seraient disponibles sur l’Internet. Las, notre (sur)homme devait renoncer à cette audacieuse initiative, découragé par les tarifs exorbitants de ce praticien non conventionné. Du coup, la ministre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot, a été contrainte de prévenir le milliardaire avaricieux qu’il serait "particulièrement, particulièrement, particulièrement surveillé" durant ce 96e Tour de France.
Samedi 4 juillet, à Monaco, d’où l’épreuve s’élançait à la faveur d’un contre-la-montre individuel de 15,5 km aussi tortueux que soporifique, reprenant une partie du tracé du Grand prix de Formule 1, ce fut le cas: le bonhomme Armstrong ne cessa d’être traqué. Par les caméras de télévision d’abord, qui retransmirent l’intégralité de sa performance, un privilège à lui seul réservé – il a fini 10e à 40 secondes du vainqueur. Puis par les journalistes (tous genres confondus), qui relayèrent une conférence de presse improvisée au pied de son autobus de type Pullman, qui n’a pas grand chose à envier au futur A330-200 présidentiel de son ami Nicolas Sarkozy - " La course commence " ; " Les écarts vont se creuser " ; " Le parcours était difficile ". Merci beaucoup. Décidément, on ne tirera jamais rien de cet invincible Texan, ni pipi accablant, ni propos intéressant.
Les vues aériennes du Musée océanographique, du palais princier, des courts de tennis en terre battue du Monte-Carlo country club et du port Hercule, dispensées durant l'émission, ne sont pas parvenues à nous consoler. Elles nous ont accablé, elles aussi. Pourtant, on doit s’interroger. Et si les organisateurs du Tour de France profitant de l’incroyable désordre épistémologique engendré par la crise, s’amusaient à jeter au cœur même des forteresses du système – les paradis fiscaux sus mentionnés – le peloton des coureurs et sa caravane, avant-garde symbolique du peuple furibard, pour tenter d’en finir, comme, avant eux, les anarchistes catalans précipitant des tramways en feu du haut de la colline de Montjuich jusque dans les faubourgs d’une Barcelone livrée aux franquistes? Vous avez raison: je m’emballe. La fatigue. On a beau dire, quatre heures de télévision en direct sous la canicule de juillet, ça vous rince un biffin.
Retour à la réalité avec la lecture du classement général sur lequipe.fr: Astana, la formation de Lance Arsmtrong, qui ne porte pas le nom d’une marque de margarine kazakh ou d’une usine à gaz de même origine mais bien celui de la capitale du Kazakhstan, place quatre coureurs dans les dix premiers – Alberto Contador (2e) ; Andréas Klöden (4e) ; Levi Leipheimer (6e) ; Lance Armstrong (10e). De quoi rendre jaloux les légionnaires à langue bleue d’Axtérix aux Jeux olympiques. Ca promet pour le contre-la-montre par équipes de l’étape de Montpellier, mardi 7 juillet. Bien, voyons voir le Maillot jaune... Mais bon sang, c'est bien sûr: Fabian Cancellara! Un spécialiste, le grandissime favori, un gars discret, pas bêcheur et ponctuel avec ça, un Suisse quoi. La Suisse, le pays des montres à complication, du chocolat triangulaire, des comptes bancaires à numéro et du fromage à trou. Autant dire que pour le grand soir, c’est encore rapé.