Le cyclisme goûte le paradoxe autant qu'il chérit la crème dépilatoire. Par exemple, il permet à ses héros d'être sincèrement ardennais tout en étant réellement natif de Châtellerault (Vienne). Un cas: Sylvain Chavanel. Lundi 5 juillet, ce champion, qui a vu le jour à un boyau du boulevard Blossac et porté le maillot en laine qui gratte de l'Avenir cycliste châtelleraudais, a emporté la 2e étape du 97e Tour de France (Bruxelles-Spa, 201 km) à l'issue d'une échappée plus ou moins solitaire de 191 km menée dans la grande tradition des classiques ardennaises dont les routes servaient justement de décors. N'oublions pas que cette odyssée a valu à notre endurant concitoyen la joie d'endosser la tunique jaune de leader du classement général avec 2 min 57 d'avance sur le deuxième, Fabian Cancellara. C'est dire qu'il en a pour un moment et nous aussi. Tant mieux.
Qu'est-ce qu'une classique ardennaise? Une classique ardennaise est une course qui a lieu au printemps mais ne regimbe ni devant la pluie, ni devant la neige, ainsi que Saint-Bernard-Hinault pourrait en témoigner s'il aimait parler, lui qui a gagné Liège-Bastogne-Liège 1980 sous les flocons. Les classiques ardennaises forment une trinité. Il y a l'Amstel Gold race, la Flèche wallonne et Liège-Bastogne-Liège. Elles serpentent dans un massif qui n'a l'air de rien mais vous casse les pattes arrières des champions dès qu'ils pensent à autre chose. Ca monte, ca descend, ca remonte et ca redescend, ça re-remonte, ça re-redescend et comme ça jusqu'à l'arrivée où les vainqueurs se mettent à pleurer. En route, on croise des feuillus, beaucoup de bruyères et quantité de Belges. Un d'eux, d'ailleurs dénommé Bruyère Joseph, s'est approprié Liège-Bastogne-Liège en 1976 et 1978.
Qu'est-ce que Sylvain Chavanel? Sylvain Chavanel est un cycliste français né le 30 juin 1979 à Chatellerault,par conséquent. Il est doté d'au moins un frère (Sébastien), qui fut son équipier et reste son cadet. Sylvain Chavanel est professionnel depuis 2000. Il a mûri en Vendée sous le regard attendri de Jean-René Bernaudeau (Bonjour, Brioches La Boulangère), qui le forçait à rouler vent de face, puis sous la surveillance de Bernard Quilfen (Cofidis), qui lui a fait découvrir Berck (Pas-de-Calais). Du coup, il a rejoint la formation belge Quick Step. D'où les Ardennes. Sylvain Chavanel culmine à une altitude de 182 cm, ce qui n'en fait pas un grimpeur, et pèse 70 kilos, ce qui n'en fait pas un sprinter. C'est donc un rouleur. D'où les classiques. Parce qu'il est un peu frêle, on le surnomme «Mimosa» en comparaison de Lance Armstrong, qui, lui, se résume en Popeye.
Qu'est-ce que ce Tour de France? Le Tour de France est une course cycliste par étapes qui fait le tour de la France. Une année sur deux, elle néglige la Bretagne et ne traverse les Alpes-Maritimes que par inadvertance. Des fois, elle aboutit à Vatan (Indre), ce qui est drôle. Il arrive que le Tour de France emprunte aux classiques. Lundi, c'était aux Ardennaises (bruyères). Mardi 6 juillet, ce sera aux Flandriennes (pavés). Il s'inspire également du Criterium du Dauphiné-Libéré et du regretté Grand Prix Midi-Libre. Cela ennuie les coureurs, qui ont l'impression de radoter. Lundi, afin de protester et aussi parce qu'ils glissaient dans les virages recouverts de mousses, ils ont refusé de sprinter pour la deuxième place. Na! Par ailleurs, le Tour de France marque le début de l'été et sonne la fin des après-midi de juillet.