Billet de blog 7 juillet 2010

Michel Dalloni (avatar)

Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

L'écume du Tour (4). Bonnet d'âne et blanc bonnet

Dimanche 4 juillet: chutes à gogo. Lundi 5 juillet: glissades pour qui n'en veut. Mardi 6 juillet: cabrioles à volonté. Ce n'est plus le Tour de France, c'est Luna Park. Gros souci: victime du mal des manèges, le blogueur de la maison Mediapart a raté la queue du Mickey.

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Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

Dimanche 4 juillet: chutes à gogo. Lundi 5 juillet: glissades pour qui n'en veut. Mardi 6 juillet: cabrioles à volonté. Ce n'est plus le Tour de France, c'est Luna Park. Gros souci: victime du mal des manèges, le blogueur de la maison Mediapart a raté la queue du Mickey. Lundi, il prédisait à Sylvain «Mimosa» Chavanel une longue vie en jaune. Mardi, entre gaufrette et crevaisons, le rouleur picto-charentais se voyait contraint de restituer la panoplie de leader du classement général au Suisse Fabian Cancellara. Du coup, le Joinville de l'Internet a troqué le casque à boudins pour le bonnet d'âne. C'est comme ça. Le sport, ça rend modeste; surtout ceux qui commentent le spectacle accoudés au zinc, les pieds dans la sciure. Moralité: fin des pronostics. Lever la main droite et dire: «Je le jure.»

Le peloton, décimé par les gamelles (neuf abandons en quatre jours de course), n'y comprend plus rien. Dimanche, il a accusé un chien. Lundi, c'était la faute au «verglas d'été». Mardi, celle des vilains pavés roubaisiens. En fait, il n'y a qu'un coupable: l'organisateur. Après avoir inventé le Tour de France qui descend (en 2009), le voilà qui transforme la Grande boucle en piste de bowling. Strikes en série. Disons qu'il perd la boule. A l'arrivée de la 3e étape (Wanze-Porte du Hainaut, 213 km), qui envoyait les coureurs valdinguer dans les chemins creux du pays minier, il a dû faire l'appel. Manquaient un frère Schlek (Franck), un citoyen américain (Christian Vandevelde, 8e du Tour de France 2009, 4e du Tour de France 2008), un sujet néerlandais (Niki Terstra) et un ressortissant breton (David Le Lay).

Les autres étaient sous le choc, tel Lance Armstrong (un coude écorché et 2 min 8 sec dans la musette), livrés en pièces détachées, comme Alberto Contador (roue arrière en huit), ou complétement crevés, à l'image de notre Sylvain national, réduit à quémander des rustines et un peu de dilution sur le bord d'une route où personne ne passe jamais. Est-il bien raisonnable de faire subir pareil traitement à des garçons qu'on ne va pas tarder à envoyer rôtir dans les lacets interminables des cols pyrénéens? Est-il bien nécessaire de les fatiguer comme autant de toros bravos sous les banderilles d'un parcours dédié à l'audimat? A quand un classement aux points de suture? Qui cela sert-il? Personne et sûrement pas le cyclisme. Alors qu'on foute un peu la paix au coureurs et qu'on nous organise fissa une arrivée au sprint digne de ce nom.

Sa Majesté Lance VII dissimule à peine son courroux. «Mes chances de victoire en ont pris un coup, a-t-il confié. Des fois, on est le marteau, des fois le clou. Aujourd'hui, j'étais le clou. Mais je ne vais pas renoncer.» Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle. A défaut de pouvoir dénouer une huitième Grande boucle, le tyran texan pourrait bien essayer de la faire perdre aux autres... Question: et si tout ça nous préparait un Tour à la Walkowiak (circa 1956), où un Roger éponyme s'était imposé à la barbe de favoris trop vieux ou trop fatigués? Faut voir.Seul mérite de l'hécatombe planifiée: rappeler que Cadel Evans a bien pris le départ de l'épreuve. Mardi, le champion du monde australien a fini à la troisième place de l'étape, qui est revenue au colossal norvégien Thor Hushovd, et occupe exactement la même au général Pour une fois, il avait le sourire. Pas nous.