Billet de blog 9 juillet 2010

Michel Dalloni (avatar)

Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

L'écume du Tour (6). Les deux Anglais et le continent

Dites donc, z'avez vu le classement général du 97e Tour de France? Y'aurait pas comme un Anglais à la deuxième place? Ben oui, y'en a un. Geraint Thomas qu'il s'appelle. On l'a même pas entendu venir.

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Dites donc, z'avez vu le classement général du 97e Tour de France? Y'aurait pas comme un Anglais à la deuxième place? Ben oui, y'en a un. Geraint Thomas qu'il s'appelle. On l'a même pas entendu venir. Qu'est-ce qu'il fait là? Il attend qu'on ait fini de parler de Mark Cavendish, de ses sprints en zigzag et de son frère trafiquant de drogue. Maintenant que le Cav' a gagné son étape, jeudi 8 juillet, au terme des 187 km chauffés à blanc qui séparent Epernay (Marne) de Montargis (Loiret) et versé les larmes réglementaires en direct du podium, on va pouvoir s'intéresser à un autre sujet qui est aussi de Sa Majesté. Notons d'ailleurs que, depuis quelque temps, le cycliste anglois reprend du poil de la bête, fût-elle en peluche. Ceux qui en étaient restés à Tom Simpson et à Barry Hoban vont avoir un réveil pénible.

Geraint Thomas. Né à Cardiff, au pays de Galles, le 25 mai 1986. Vit à une altitude de 1,83 m. Ne mange pas beaucoup (71 kilos), ce qui est étonnant pour une cigogne de sa corpulence. Plumage sombre. Prunelles itou. Professionnel depuis 2007. Membre de l'équipe Team Sky. Roule sur un Pinarello. Aime le vélo, c'est sûr. Bon, à part ça, il est bardé de titres nationaux (poursuite, route), a gagné le championnat du monde de poursuite par équipes (2007, 2008) et la médaille d'or des jeux Olympiques de Pékin (2008). Autant dire que nous avons affaire à un rouleur, une espèce de machine à moudre du braquet, le genre de gars à rouler dans le vent en attendant la pluie, à lever la tête un kilomètre et demi après l'arrivée. Il n'est pas distrait, il est appliqué. «Ça va bien, Geraint?» «Ça roule, ça roule.» N'insistons pas. Laissons-le travailler.

Comme il est extrêmement gallois, l'ombre ne le dérange pas. La preuve, il est deuxième; bien à l'abri derrière le volumineux Suisse à réaction Fabian Cancellara (1,86 m, 80 kilos). S'il est là, tapi à 23 secondes, c'est qu'il a franchi les pavés mal intentionnés de la 3e étape comme qui rigole. Sa méthode? Très simple: suivre Thor Hushovd. Le brise-glace norvégien a gagné, le Gallois a fait deux. Moralité: on peut avoir Thor et raison à la fois. «C'était formidable, avait-il déclaré à l'arrivée de ce mini Paris-Roubaix. Dans ce groupe-là, on entendait juste le sifflement des boyaux. Un pur régal.» Tout ça le change de sa dernière visite sur le Tour de France, qui était aussi sa première. C'était en 2007. Geraint Thomas avait fini 140e parmi 141 survivants. L'avait eu chaud. D'où son goût pour l'ombrage.

La suite? Compliquée, sans doute. En principe, le rouleur n'aime pas trop la montagne. Et, justement, à partir de samedi 10 juillet, c'est vacances dans les Alpes obligées et, vers le mercredi 14 juillet, séjour collectif dans les Pyrénées. Va devoir serrer les dents, le Geraint. Mais comme il est endurant, pas si lourd, très fier et que, contrairement à sa réputation, le Gallois n'est pas du genre à poireauter, probable qu'on le retrouve encore dans le sillage du maillot jaune après la Saint-Henri (Desgranges? Cornet? Pélissier?) Si, toutefois, des ailes venaient à lui pousser, une grosse voix à la Bonnie Tyler, sortie du toit ouvrant de la voiture amiral de Team Sky, lui rappelerait qu'il est surtout là pour aider son compatriote et leader Bradley Wiggins. Alors, le brave Thomas, la tête dans les épaules, reprendra la chemin du boulot. «Ça va bien, Geraint?» «Ça roule, ça roule.»