Non seulement le Cav' se rebiffe mais en plus il déteint. Le style va-t-en-guerre du sprinteur shakespearien fait école. Ainsi, jeudi 15 juillet, en vue d'assurer la victoire dudit champion à l'arrivée de la 11e étape du 97e Tour de France Sisteron-Bourg-lès-Valence (184 km), Mark Renshaw, qui assure sa flanc-garde dans les derniers mètres, n'a pas hésité à asséner différents coups de casque à un voisin visiblement trop proche (Julian Dean), avant d'en écarter un autre (Tyler Farrar), jugé potentiellement dangereux, à grand renfort de zigs puis de zags. Comme ce genre de figures n'est pas exactement prévu par le règlement interne, le jury des commissaires et le directeur de course lui ont montré le chemin de la sortie d'un index autoritaire. Rayé des listes. «Raus!», aurait dit Liliane Bettencourt.
Pendant ce temps-là, Mark Cavendish, claquait fissa la bise aux hôtesses de permanence avant de dévaler le podium, roses rouge du Kenya en pognes, lion de synthèse sous le bras. Inutile de traîner dans le coin des fois que les instances continuent à sévir. Le classement publié - 1. CAVENDISH Mark (team HTC-Columbia); 2. PETACCHI Alessandro (Lampre-Farnese); 3. FARRAR Tyler (Garmin Transition) -, il retrouvait l'usage de la parole et le goût du bon mot: «J'ai un groupe de coureurs qui me sont complètement dévoués. Je les remercie tous. Mark a bataillé avec Julian pour m'ouvrir la porte et me permettre d'y aller. Je pense que Julian a mis son coude. Si Mark ne l'avait pas repoussé, il y avait des risques qu'ils tombent tous les deux. Il a juste fait tout ce qu'il a pu pour me mettre à l'abri. Il a une maîtrise incroyable de son vélo.»
Que le sprinteur ait l'humeur batailleuse ne surprendra personne. Qu'il faille avoir l'humeur batailleuse pour devenir sprinteur relève par conséquent de l'évidence. Rolf Aldag, ancien de T-Mobile devenu directeur sportif de la formation HTC-Columbia, a dit: «Ce n'est pas un jeu d'enfants, si on est côte à côte, épaule contre épaule, coude contre coude et si on ne sait pas faire ça il vaut mieux faire du contre-la-montre.» Pas faux. Mais de là à composer une équipe avec les reliefs du casting des Douze salopards (The Dirty dozen dans la langue de Barry Hoban, qui est aussi celle de Mark Cavendish)... Parce que du train où vont les choses, à la prochaine arrivée au sprint (à Bordeaux, le 23 juillet), il faudra convoquer au moins René Ben Chemoul, le Bourreau de Béthune et Albéric d'Ericourt.
On l'a déjà fait, notez bien. C'était à l'arrivée de la 6e étape, du côté de Gueugnon, où coulent l'Arroux et le Burot. Le peloton piétinait gentiment sous la banderole, attendant que le sous-préfet, monseigneur l'évêque, le représentant de la Direction départementale de l'équipement (DDE) et Miss Bourgogne aient fini de câliner les possesseurs des maillots jaune, vert, blanc, à pois, lorsque soudain, tel l'aigle sur la vieille buse, l'Espagnol Carlos Barredo se mit à fondre sur le Portugais Rui Costa, qu'il tenta d'assommer par le truchement de sa roue arrière (corps de roue libre alu + pignons titane) tout exprès démontée. Du travail de pro. Certains diront que Gueugnon rend barge, d'autres accuseront le climat (+42° centigrades au niveau la chaussée). Pourquoi pas? Mais on devra bien finir par admettre qu'à l'instar de la sociologie, le cyclisme est désormais un sport de combat.