Une échappée cycliste à Vatan (Indre), c’est un peu comme une panne de delco à Bouzillé (Maine-et-Loire): fatal. La 11e étape du 96e Tour de France, qui promenait les engagés, mercredi 15 juillet, entre Vatan, donc, et Saint-Fargeau (Yonne) sur 192 km de route goudronnée, l’a clairement démontré. Le temps de larguer les gosses à l’équitation et de filer à l’hypermarché le plus proche (35 km) pour ravitailler en jus de pomme et barquettes goût framboise, et les deux aventuriers du jour – le Belge Johan Van Summeren et le Polonais Marcin – étaient ingurgités par un peloton brûlant de permettre au sprinter anglais Mark Cavendish d’emporter une quatrième victoire, maillot vert en sus. Ce qui advint, de même que l’impression d’avoir déjà vécu ces instants-là. Jean-Paul "suivez le guide" Ollivier en profita et nous aussi mais pour piquer un roupillon.
Une suggestion: l’année prochaine, penser à installer Nounours et le marchand de sable au micro parce que les étapes de plaine adoptent le genre "Bonne nuit les petits". En attendant, comment s’occuper? C’est long 192 kilomètres. On pourrait se repasser (au ralenti) le film catastrophe du chrono par équipes de Montpellier où Christophe Moreau est quasiment le seul à ne pas être tombé, ce qui ne laisse d’étonner. On pourrait se lancer à la recherche de Denis Menchov, qui a dû prendre ses RTT avec Tom Boonen et Carlos Sastre. On pourrait recenser les coureurs belges au départ (dix), guetter les sourires de Cadel Evans (zéro) dont l’équipe se nomme Silence ou dénombrer les concurrents qui sont coiffés comme des Playmobils (à mon avis, sept). Mais, bon, tout ça n’a qu’un temps.
Allez les forçats de la route, un bon geste! Maintenant que le hors-bord de Sa Gracieuse Majesté a revêtu la tunique couleur gazon qui lui rappelle sa contrée humide, laissez filer les échappés, épargnez les baroudeurs, libérez les ambitieux d’un jour. Vous attendez quoi? Le Ventoux? Vous croyez vraiment qu’on va tenir comme ça pendant dix jours, avec une arrivée au sommet (à Verbier, en Suisse) et un contre-la-montre individuel autour du lac d’Annecy (40,5 km), à compter les barbus du peloton qui n’en compte aucun? Et les Armstrong-Contador, ils font quoi? On ne les entend plus. Soupe à la grimace ou dîner aux chandelles? Qu'on nous donne des nouvelles! Et le dopage, là-dedans? Même pas un positif, un tout petit, à la caféine, comme avant. Non? Rien? Vous êtes sûr? A désespérer du cyclisme.
Jeudi 16 juillet, la 12e étape visite l’Yonne, traverse l’Aube, emprunte tous les carrefours de la Haute-Marne, y compris celui qui mène à Bourdons-sur-Rognon, et s’achève quelque part dans les Vosges, à Vittel, ville d’eaux prisée des huiles. Les Vosges, ses forêts de résineux, ses schlitteurs, ses bonbons au miel, son linge de table… Ca change, les Vosges, c’est un peu vallonné. Sait-on jamais? Des fois qu’un Albert Bourlon du XXIe siècle se révèle et s’envoie, seul, les 221 km au menu comme l’ancien l’avait fait, en 1947, des 253 km qui séparaient alors Carcassonne de Luchon. Mais on ne peut pas vivre que d’espoir ou de promesses, surtout en temps de crise planétaire. Et même si le peloton prend son élan à Tonnerre (Yonne), après le coup de Vatan, nous restons prudents, limite sceptiques.