Il pleut, il mouille, c’est la fête aux andouilles. Les 200 km détrempés de la 13e étape du 96e Tour de France, organisée, vendredi 17 juillet, entre Vittel (Vosges) et Colmar (Haut-Rhin), n’auront servi à rien qu’à réfrigérer les espoirs de Cadel Evans, Carlos Sastre, Denis Menchov et autres favoris d’opérette.
Il y avait pourtant quelque chose à tenter sur ce front de l’Est, juste pour jauger, pour titiller, pour vérifier. Et bien, non. Tous derrière Lance Armstrong, en file indienne. Personne ne bouge. Je ne veux voir que deux oreilles, celles du patron. Attention, routes de montagne: dépassements interdits. Avec des rivaux pareils plus besoin d’équipiers. Du coup, avant le départ, not’bon maître a accordé à son fidèle Levi Leipheimer dont un des deux scaphoïdes carpiens battait de l’aile la permission d’une cure thermale sur place.
Donc, la grande lessive annoncée n’a pas eu lieu. Faut dire que ce n’était pas un temps à étendre son linge et que, de toute manière, le peloton préfère laver le sien en famille. Là, il y avait trop de monde et, en plus, la télévision. Alors, on est resté groupé autour de son cher Lance (Alberto aussi ), à se raconter des blagues de Toto et des souvenirs de vacances, à s’émerveiller devant la pédalée tonique du susnommé texan, à parler bagnole, à prendre des nouvelles de Tom Boonen, à gravir trois cols aux noms compliqués et à remettre au lendemain ce qu’on ne fera jamais: attaquer. Une fois, les Astana ont accéléré pour rigoler, voir qui c’est qui dormait et c’était encore Denis Menchov. Ce n’est pas exactement comme cela qu’on gagne le Tour de France.
Quand je pense que tous ces gars se sont battus pour qu’on ne les ampute pas de l’oreillette… Mais à quoi leur sert-elle réellement? A écouter les directeurs sportifs… Vous êtes sûrs? Vu les résultats, la plupart d’entre eux ont dû suivre les cours de l’Institut pratique d’élaboration des consignes de course débiles Pevenage-Godefroot (IPECCDPG), un établissement hors contrat qui prépare également à l’Ecole du rire. La situation est tellement désespérée qu’il n'est plus question de stratégie ou de tactique mais uniquement de tripes. Quelques grands anciens, tous sports confondus, ont montré la voie – Georges Danton ("De l’audace, etc."); Napoléon Bonaparte (en tête au pont d’Arcole); Jean de Lattre de Tassigny ("Ne pas subir"); Aimé Jacquet ("En percussion!"). Seulement voilà, le peloton est réfractaire à la pédagogie de l’exemple.
Un point rapide: Carlos Sastre, 15e à 2 min 52 sec du Maillot jaune; Cadel Evans, 17e à 3 min 07 sec; Denis Menchov, 27e à 5 min 02 sec. Fors l’honneur, les mousquetaires de la loose ont-ils encore quelque chose d’important à perdre? Le programme est le suivant: samedi 18 juillet, sprint; dimanche 19 juillet, montagnes suisses; lundi 20 juillet, repos; mardi 21 et mercredi 22 juillet, descente des Alpes; jeudi 23 juillet, tour du lac d’Annecy montre en main; vendredi 24 juillet, pas grand chose mais en région Rhône-Alpes; samedi 25 juillet, Ventoux; dimanche 26 juillet, Champs Elysées. Bon, on fait quoi? Rien, pardi! On suit Armstrong, des fois que Contador parvienne à le battre. Curieux Tour de France… D’habitude, ce sont les reporters et les téléspectateurs qui le suivent. Cette année, ce sont les champions.