Billet de blog 19 juillet 2009

Michel Dalloni (avatar)

Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

Dans les lacets de la Grande Boucle (15). El Contador pasa

Finalement, ce n’est pas au départ de Limoges que les Armstrong-Contador ont choisi de se jeter la vaisselle à la figure mais à l’arrivée de Verbier, en Suisse, ce qui ne veut pas dire en douce, parce que tout le monde a pu assister à la scène en direct et en couleurs.

Michel Dalloni (avatar)

Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

Finalement, ce n’est pas au départ de Limoges que les Armstrong-Contador ont choisi de se jeter la vaisselle à la figure mais à l’arrivée de Verbier, en Suisse, ce qui ne veut pas dire en douce, parce que tout le monde a pu assister à la scène en direct et en couleurs.

Dimanche 19 juillet, à six kilomètres du terme de la 15e étape du 96e Tour de France (207 km) dont la banderole avait été plantée en altitude, le frêle madrilène a démarré sans prévenir personne et surtout pas ses équipiers ou son directeur sportif. Au sommet, il a exprimé une joie rageuse puis a réclamé son maillot jaune et le lion en peluche qui va avec. D’aucun prétendent qu’au moment de l’attaque, son compagnon texan, plein de rage mais nettement moins joyeux, aurait lancé en direction du fuyard une soupière en Vieux Paris et son couvercle avant de balancer les autres pièces du service (un cadeau) sans jamais atteindre sa cible.

Une fois rendu, Lance, qui est tout de même deuxième au classement général, a eu ces mots d’une touchante lucidité, rapportés par les organes officiels du Tour de France, qui mènent une campagne très digne contre les violences conjugales: "Alberto a montré qu’il était le meilleur. Les autres n’ont plus qu’une seule chose à faire: respecter et honorer cela." Réponse du fugueur: "Maintenant toute l’équipe va travailler pour défendre ma position. C’est un honneur de savoir qu’Armstrong va rouler pour moi." T’as qu’à croire. Normalement, l’éploré ne devrait pas manquer de pourrir la vie sportive de son ex, notamment en vue du Ventoux. Dans ses "Fragments d’un discours amoureux", Roland Barthes (aucun lien de parenté avec Stéphane Barthe, éphémère routier-sprinteur de la maison Casino), parle très bien de tout ça.

Au plus fort de la scène de ménage, Cadel Evans, interpellé par le visage pâle du cow boy d’Austin, décidait, lui aussi, après mûre réflexion, de réagir. Une offensive. Centimètre par centimètre parce que ça grimpait sec (7%) et que l’Australien est un bon gars qui déteste tirer sur les ambulances (Armstrong). Une fois atteints les 9,75 m d’avance (en fait, c’est un peu plus mais je suis méchant), il fut pris de vertige, cessa la danseuse pour finir juste devant l’ancien grand manitou d’Astana et son nouvel ami Andreas Klöden. Las, l’audace n’a pas payé. Elle l’aurait même fait reculer au général: 14e, à 4 min 27 sec. N’arrive qu’à lui. Pas près de recommencer. Quant à Denis Menchov, il a dû être retardé par un chasse-neige. Le situer dans la liste des survivants prend un temps fou. Rangeons-le parmi les etc. et n’en parlons plus jusqu’à Paris.

Alberto Contador en jaune, ça change beaucoup de choses. D’abord, il va devoir souscrire une assurance vie pour se garantir de la fameuse après-midi sans dont ses équipiers (surtout un) ne manqueraient pas de tirer profit. Ensuite, il va devoir dénicher une nouvelle équipe pour 2010 puisque Lance Armstrong a confirmé qu’il voulait faire "one more" Tour de France. Enfin, la Grande Boucle, qui n’aime rien tant que se trouver un maître, semble bien décidée à lui confier ses lacets. Faut Dire qu’il est plutôt agréable à voir pédaler, ce sujet espagnol. Son sourire n’est pas mal non plus. Au téléphone, Vincent Truffy, un de mes compères d’échappée au sein de la formation Mediapart, encore sous le coup de l’émotion musicale et multiculturelle ressentie au festival Les Suds d’Arles, s’époumona dans la langue de Federico Bahamontes: "El Contador pasa!" Parfait. D’où le titre.