Billet de blog 23 juil. 2010

Michel Dalloni
Génie civil
Journaliste à Mediapart

L'écume du Tour (18). Super-résistant

Inutile de le cacher plus longtemps: il existe un mystère Contador. Les trois semaines du 97e Tour de France n'ont pas suffi à le lever. Ce Maillot jaune ne dit rien, ne confie rien, n'explique rien, ne répond jamais aux provocations, grignote à peine le soir à table et je ne serais pas autrement surpris d'apprendre qu'il ne rêve pas non plus. Un cas.

Michel Dalloni
Génie civil
Journaliste à Mediapart

Inutile de le cacher plus longtemps: il existe un mystère Contador. Les trois semaines du 97e Tour de France n'ont pas suffi à le lever. Ce Maillot jaune ne dit rien, ne confie rien, n'explique rien, ne répond jamais aux provocations, grignote à peine le soir à table et je ne serais pas autrement surpris d'apprendre qu'il ne rêve pas non plus. Un cas. Ses coéquipiers avouent ne pas comprendre, de même que ses concurrents. Ainsi frère Schleck. Jeudi 22 juillet, sur les pentes opaques du Tourmalet, où les deux hommes se sont mesurés à l'histoire de la Grande boucle de la plus admirable des façons, le fuligineux luxembourgeois a dû s'avouer vaincu après 11 kilomètres d'efforts surhumains sans avoir pu accrocher une seule seconde le regard de ce rival impénétrable et ténébreux. Constat à l'arrivée de cette 18e étape: Alberto est ibère costaud voire super résistant.

C'est que rien n'use l'homme de la Mancha. En 2009, il avait enduré les lits en cathédrale, les coussins péteurs, les camemberts musicaux et les boules puantes dont Lance Armstrong, qui fait toujours de la bicyclette (23e au classement général à 37 min 58 sec), avait parsemé son quotidien, sans manifester le moindre signe d'agacement. En 2010, il a bravé avec la même indifférence le parcours brutal proposé par les organisateurs; les attaques rugueuses du benjamin des Schleck; les lacunes vertigineuses de ses équipiers et les sifflets vengeurs d'une foule abasourdie de le voir s'emparer du maillot jaune à la faveur d'une attaque indigne. Si impossible n'est pas français, ainsi que «Totophe» Moreau s'acharne à le démontrer depuis le début de sa longue carrière de comique cycliste, il semblerait qu'impassible soit plutôt espagnol.

Ecoutons Alberto Contador raconter sa journée de jeudi. C'est Limpide.«Andy a imposé un rythme très rapide, très intense pendant l'ascension du Tourmalet. Il a roulé très fort pour creuser les écarts sur les autres. Moi, je me suis concentré sur lui. On a discuté mais ce sont des choses qui appartiennent à la course et qui restent entre nous. J'ai pensé au classement général jusqu'à l'arrivée. La victoire d'étape était secondaire. On a beaucoup dit que j'étais moins tranchant qu'en 2009 mais le contexte de course a totalement changé. La vérité, c'est que je suis peut-être resté plus prudent.» D'autres questions? Oui? Tant pis. Il n'y aura pas d'autres réponses. Ce qui autorise à penser qu'en ces temps de crise planétaire, l'intrigant sujet madrilène a décidé de s'imposer à l'économie. Carrément.

Donc, ce gars-là pourrait emporter le 97e Tour de France sans avoir gagner une seule de ses étapes. Du jamais vu depuis Greg LeMond (1990). Une énigme de plus? Réponse définitive à l'arrivée du contre-la-montre Bordeaux-Pauillac (52 km), samedi 24 juillet. Encore faudrait-il réussir à convaincre Fabian Cancellara, le Suisse à réaction, de mettre la pédale douce. A défaut, le futur triple vainqueur de la Grande boucle risque fort de résister aux analyses les plus fines, y compris celles pratiquées par le corps médical. Moi je dis champion. Par courtoisie républicaine, nous laisserons toutefois le mot de la fin à Nicolas Sarkozy, qui est venu assister, jeudi, au 30 derniers kilomètres de course. «Le brouillard n'a jamais empêché de voir», s'est-il félicité avec raison. Les écrans de fumée non plus, monsieur le président.

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