Billet de blog 25 juillet 2009

Michel Dalloni (avatar)

Michel Dalloni

Génie civil

Journaliste à Mediapart

Dans les lacets de la Grande Boucle (19). Impitoyable

Le peloton a de règles mais pas de cœur. Vendredi 24 juillet, il avait décidé que la 19e étape Bourgoin-Jallieu (Isère)-Aubenas (Ardèche) du 96e Tour de France se terminerait au sprint et c’est marre.

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Le peloton a de règles mais pas de cœur. Vendredi 24 juillet, il avait décidé que la 19e étape Bourgoin-Jallieu (Isère)-Aubenas (Ardèche) du 96e Tour de France se terminerait au sprint et c’est marre.

Le «Cav’» en a profité pour signer une cinquième victoire aussi pétaradante que les précédentes. Tant pis pour les baroudeurs et autres spécialistes des classiques à qui les organisateurs avaient songé en repérant le parcours. Ils repartiront sans rien de cette Grande Boucle entièrement dévorée par le combat hormonal Alberto Contador-Lance Armstrong et le musculeux duel Mark Cavendish-Thor Hushovd. La photo souvenir promise au sommet du Ventoux ne les consolera pas du tout. On leur a gentiment conseillé d’attendre le championnat du monde sur route de Mendrisio (Confédération Suisse), le 27 septembre, ou plutôt le début de la saison 2010.

C’est vraiment dommage parce que les 178 kilomètres de la journée vous avaient un petit que chose d’ardennais, qui fleurait bon l’escapade entre costauds. Il y avait du Liège-Bastogne-Liège dans l’air, de la Flèche wallonne à l’horizon, de l’Amstel Gold race au programme. De quoi régaler Fabian Wegman, Juan Antonio Flecha, George Hincapie, Stijn Devolder, Serguei Ivanov, Sylvain Chavanel ou le champion du monde entre titre, Alessandro Ballan, tous spécialistes de la randonnée en forêt. A noter que les 2 x Schleck étaient occupés par ailleurs. On a justement retrouvé certains membres de cette liste non-exhaustive en tête de la course où Cadel Evans dont le désarroi est grand vint également tourner les gambettes avant de réaliser que cette aventure-là, non plus, n’était pas faite pour lui.

Alessandro Ballan. Italien. 29 ans. 1,90 m, 69 kg. Vainqueur du Tour des Flandres 2007. Une victoire au tour d’Espagne 2008. Champion du monde 2008, donc, à Varèse, tout près de chez lui. Pas exactement le genre à traîner en route. En plus, la soi-disant malédiction du maillot arc-en-ciel, il s’en fout. A 20 kilomètres de l’arrivée, en plein col de l’Escrinet (2e catégorie), il entreprend de rejoindre Laurent Lefèvre, lui-même évadé auparavant, et hop, hissez haut, envoyez le grand foc! Las, la splendeur de la marine à voile n’aura pas suffi face à la puissance de feu des croiseurs Columbia et Milram lancés à toute vapeur à la poursuite des deux esquifs de compétition. Comme disait le Général: «Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités.» Lefèvre, 44e à 45 sec; Ballan, 45e à 1 min 10 sec.

Sur ce Tour de France, les réalités portent des noms, des prénoms et, parfois, des accessoires distinctifs: Contador Alberto (maillot jaune), Armstrong Lance (casque noir), Schleck Andy (maillot blanc), Schleck Fränk, Klöden Andreas, Wiggings Bradley (encore que dans ce cas précis on nage en plein récit de science-fiction, celui du pistard devenu grimpeur en mangeant moins, prudence). L’oublier coûte cher. Vendredi, à l’arrivée d’Aubenas, ce lot de six était installé en tête de gondole, derrière les sprinteurs, rangé pièce par pièce entre la 12e et la 27e place, comme pour ne rien perdre du point de vue sur le mont Ventoux (1.912 m) qui les attend, samedi 25 juillet, pour en finir avec les espoirs des uns, les rêves des autres, les ambitions de tous et les mensonges de certains. Plus impitoyable encore que le peloton mangeur d’hommes.