Achever la carte de l’intercommunalité en Ile-de-France, réduire les inégalités territoriales et opter pour la transparence démocratique: tels sont les axes de la réforme territoriale défendus par Daniel Breuiller, Christine Janodet et Jacques Perreux, élus du groupe Groupe Gauche Citoyenne-Europe Écologie Les Verts au conseil général du Val-de-Marne.
La capacité des élus à empêcher les réformes rivalise avec celle dont fait preuve le gouvernement pour y renoncer. Désaccord sur la métropole, désaccord sur l’obligation des intercommunalités. Absence de solution aux problèmes majeurs que sont ceux du logement et des inégalités.
À travers son livre vert, Paris Métropole a tenté de faire émerger des réponses nouvelles, sans parvenir à un consensus.
Un accord semblait pourtant se dégager sur la nécessité de « boucler l’intercommunalité en Ile-de-France ». Le gouvernement envisage des intercommunalités de 300 000 habitants en première couronne et de 200 000 en deuxième couronne, dans un délai de deux ans. Mais même cet accord est aujourd’hui contesté. Alors qu’il faut, au contraire, le consolider.
Si ces chiffres sont arbitraires et peuvent être modifiés, ils témoignent en revanche d’une volonté et d’une orientation : celle d’empêcher les intercommunalités d’aubaine, où des villes se rassemblent pour échapper à la solidarité nécessaire. Ou encore d’empêcher les intercommunalités partisanes, où le choix des territoires ou le rassemblement s’effectuent sur la base de l’étiquette politique des maires…
Une autre critique monte chez certains élus : la demande d’avoir plus de temps que ce que prévoit la loi… (deux ans). Mais cela fait 13 ans que la loi Chevènement a été votée ! Faudra-t-il encore 13 années de plus ?
Les freins semblent en passe de mettre fin aux espoirs qu’avaient fait naitre les débats initiés par Paris Métropole.
Pourtant: les dysfonctionnements de la métropole s’accentuent: logement, déplacement, inégalités territoriales, pollution…
Selon nous, la réforme à venir doit achever la carte de l’intercommunalité, c’est sans doute l’élément le plus important.
Il faut définir cette carte sur la base de projets de territoires et de bassins de vie larges. Ces territoires en devenir, ces bassins de vie existent déjà même si, bien sûr, ils ne sont pas étanches. Le travail d’équipes d’architectes comme celle de Christian Devilliers le montre à partir des flux de population.
Nous proposons donc de maintenir l’obligation de finaliser la carte intercommunale en 2015 et les seuils de 300 000 ou 200 000 habitants tout en ouvrant la possibilité d’y déroger sur la base d’un argumentaire sur la cohérence du territoire proposé. L’exception doit pouvoir confirmer la règle tout en respectant les principes.
L’essentiel, c’est l’affirmation de projets de territoires et de dynamiques « remontantes » en appui sur les ressources de chacun de ces territoires.
C’est dans cette dynamique des territoires que réside la chance de l’Ile-de-France pour un développement plus solidaire, plus efficace et plus attentif à la qualité de vie.
Nous proposons de maintenir le délai de deux ans pour définir les périmètres et l’ossature des projets. La plupart des territoires ont entamé ce travail coopératif et les découpages sont déjà pensés dans le SDRIF ou les « ententes » qui se dessinent. Il conviendra de veiller à ce qu’aucune commune n’en soit exclue, soit parce que trop pauvre ou trop petite, elle n’intéresse pas ses voisins, soit parce que trop riche, elle préfère conserver son isolement: la loi doit permettre et contraindre. Il convient que cette carte ne soit pas enfermée par des limites administratives comme celles des départements (la vallée Scientifique de la Bièvre est à cheval sur deux départements, le Grand Orly également…)
Pour soutenir les projets remontant des territoires, et pour qu’ils fonctionnent, ils doivent emporter l’adhésion majoritaire des villes. Nous devons concevoir ces futures agglomérations comme des coopératives de ville, car la question n’est pas de faire des intercommunalités de gestion mais bien des intercommunalités de projets élaborés pour et avec les forces vives des territoires.
Nous suggérons, pour faciliter les regroupements, de généraliser les contrats de développement territorial (CDT) et de faire en sorte que chaque territoire de projet ait son propre CDT sans qu’aucun n’en soit exclu.
Les CDT seront des outils pour permettre l’articulation des politiques publiques et leurs mises en cohérence sur un territoire donné. L’articulation des politiques publiques est une nécessité plus grande que les débats sur le millefeuille.
La territorialisation du logement, la délivrance d’agrément de bureaux, les plans de déplacements, la préservation des terres agricoles et la place de la nature en ville, la présence des services publics de l’État, de la région ou des départements nourriront un engagement partagé pour un territoire.
Pour résoudre la crise du logement, il faut mobiliser les volontés. À travers les CDT, l’État pourra partager, avec la région et les intercommunalités, des objectifs de construction et les moyens pour y parvenir avec des financements garantis et une carotte pour ceux qui rempliront ces objectifs (l’aide aux territoires bâtisseurs) et un bâton pour ceux qui s’en extrairont (des pénalités), comme la loi SRU l’a initié bien modestement.
Que l’État, la région et les départements affirment leurs orientations en contractualisant avec les territoires mais aussi en respectant leur capacité d’initiative et leur pilotage autonome et en garantissant que les moyens affectés permettront la réussite des projets, la construction des nouveaux logements. C’est à cette condition que l’on pourra parler d’un acte III de la décentralisation !
La réduction des inégalités territoriales doit être le deuxième axe de toute réforme. S’y soustraire serait coupable.
L’Ile-de-France est très inégalitaire : la plus riche des régions d’Europe est celle où la pauvreté est la plus grande (les 3 intercommunalités les plus pauvres de France sont en Ile-de-France !).
Cette réduction des inégalités territoriales doit être au cœur de la réforme institutionnelle, elle est aussi la condition à l’attractivité tant revendiquée. Elle comprendra un renforcement des péréquations : c’est indispensable Mais elle s’attachera surtout à rendre possible les dynamiques et les projets de territoire en soutenant les aménagements indispensables.
Aucun territoire ne veut perdre des ressources, mais force est de constater qu’ « il pleut toujours où c’est mouillé » et que d’année en année les inégalités s’aggravent. La réforme institutionnelle doit s’attaquer à ce problème en créant par exemple un puissant fond d’investissement prélevé sur les créations de richesse (hausse de CVAE, droit de mutations, fonds européens) pour soutenir les projets des territoires pauvres dont les populations sont pauvres !
Une véritable transparence démocratique doit être le troisième axe de l’acte III de la décentralisation.
À chaque échelon territorial, nous proposons une élection directe, à la proportionnelle.
Le mode de scrutin des élections municipales, avec sa proportionnelle et sa « prime majoritaire » favorable à une gouvernance claire, est en effet pour nous celui qui conserve le lien le plus fort avec les citoyens. Il nous paraît donc important de mettre un coup d’arrêt à la désespérance démocratique qui voit l’abstention augmenter.
À chaque niveau institutionnel, la démocratie participative et l’association des citoyens à la gouvernance doit être la priorité. De ce point de vue, les conseils de développement mis en place par l’acte II de la LOADT en 1999, bénévoles, consultatifs, mais indépendants, nous semblent avoir fait leurs preuves et pouvoir être associés aux différents échelons territoriaux.
Quant à la métropole, elle ne sera pas la métropole de Paris mais peut être « Grand Paris métropole ».
Elle doit être le lieu des arbitrages, celui de la mise en cohérence des projets territoriaux portés par ces futures agglomérations, celui de la polycentralité assumée, l’endroit de la complémentarité plutôt que de la concurrence.
Mais sans démocratie, pas de métropole ! L’actuel projet de Conseil métropolitain élu au 3ème degré avec un président élu au 4ème et qui s’affirmerait en concurrence avec la région est une impasse.
La métropole est utile si elle est une Chambre des territoires, dans laquelle les communes, parce qu’elles sont l’échelon de la proximité et de la démocratie, doivent voir leur rôle renforcé.
Voilà la contribution et les idées que nous soumettons au débat en cours.