Patrick Braouezec, député (PCF) de Seine-Saint-Denis, s'alarme des coups à répétitions portés par l'Elysée à la liberté d'expression.
Suppression des moyens financiers pour qu'une télévision publique de qualité existe, refonte de l'audiovisuel extérieur, concentration des médias, réforme des droits d'auteur, états généraux de la presse lancés du haut du perron de l'Elysée, multiplication des procédures d'outrage engagées par le pouvoir en place, libertés publiques bafouées.... On ne compte plus les atteintes portées à la liberté d'expression qui consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement, de son propre chef ou pour répondre à des pressions politiques ou économiques, voire les deux en même temps, est mise à mal.
S'il est un domaine que le président de la République pressurise tant qu'il peut, c'est celui de l'indépendance des esprits. De cette indépendance qui garantie l'accès à une information de qualité, éveille les citoyens, les rend conscients des problèmes qui les entourent.
Or, aujourd'hui, le cadre de travail quotidien des journalistes est régulé par les contraintes économiques et les pressions financières. Contraires économiques parce que les moyens humains, sous la pression du développement de nouveaux moyens de communication (internet, téléphonie mobile...) et des moyens matériels qui se développent, sont en baisse constante. Pressions financières parce que les grands moyens de communications actuels appartiennent aux plus grands groupes financiers (Dassault, Lagardère...).
L'ensemble est sans appel et dresse le portrait d'un corps de métier sous influence alors qu'il est appelé, dans ses fondements, à critiquer, disséquer, partager, recouper les informations en prenant le temps. C'est pour ce faire que nombre d'entre eux ont choisi cette voix. Le grand allié du journaliste est le temps.
L'autre grand allié est son indispensable besoin d'indépendance des pouvoirs politiques et financiers. La rentabilité, contrairement à ce que M. Sarkozy ne cesse de marteler, ne doit en aucun cas dicter la conduite des journalistes.
Ne nous leurrons pas, la réforme de l'audiovisuel public n'a qu'une visée : sous couvert d'une amélioration en terme de contenu — qu'on attend avec impatiente mais dont on doute fortement — il s'agit tout simplement de déstabiliser le service public audiovisuel pour mieux le voir disparaître, mieux voir disparaître ce dernier rempart pour les investisseurs privés de faire enfin entendre ce qu'ils veulent. Sans contradiction aucune. Nulle part.
La pseudo-leçon de journalisme donnée il y a quelques semaines par le président de la République est inacceptable, car elle nie un principe fondamental dans notre démocratie : l'indépendance des médias, de ce salutaire quatrième pouvoir. Nous avions, sans succès, lors du débat sur les institutions, tenté de faire passer des amendements dans ce sens afin de constitutionnaliser ce fait simple : les médias doivent être libres de tout assujettissement politique !
Mais la liberté d'expression ne s'arrête aux capacités des journalistes de mener à bien leurs enquêtes, d'écrire normalement leurs articles, de monter sereinement leurs reportages, leurs documentaires. Elle est aussi victime d'une véritable intimidation, pour ne pas dire censure, dans le milieu culturel et artistique, sur Internet....
Que dire du ministère de l'intérieur qui pourvoit, une deuxième fois, en cassation La Rumeur, groupe de rap que la Cour d'appel de Versailles a pourtant relaxé au terme d'une longue procédure. Pourtant ces propos sont emprunts d'une véracité effective, corroborés par des historiens et même des gardiens de la paix qui sont venus témoigner au procès, rappelle l'avocat de Humé, le chanteur poursuivi par le ministère de l'intérieur depuis bientôt 6 ans. Le réquisitoire du président de la Cour d'appel de Versailles est pourtant très explicite et n'appelle pas de recours. Qu'à cela ne tienne, l'Etat revient à la charge une troisième fois.
Que dire de ces documents postés sur internet qui disparaissent trop vite parce que dérangeant politiquement....
Que dire encore de ces sifflets, pourtant reflet d'une réalité, qu'on voudrait taire plutôt que d'en saisir le sens.
Que dire enfin de la situation de Denis Robert, victime, depuis 2001, d'une énorme pression judiciaire, médiatique et politique, et qui après une énième condamnation, a pris la « décision douloureuse, mais réfléchie » de ne plus évoquer l'affaire Clearstream. « Je jette l'éponge », écrit-il tout en refusant un deal malhonnête. Autre victoire de la censure...
Les exemples sont nombreux. Ils alimentent quotidiennement les petites colonnes de nos journaux, circulent sur internet, sur les messageries.
Cette insidieuse censure n'a pas sa place dans notre démocratie. Nous ne pouvons laisser plus longtemps nos consciences s'endormir.