Billet de blog 9 novembre 2008

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«La Vie Financière» veut continuer à servir ses lecteurs

Après 63 ans d'existence, l'hebdomadaire La Vie financière a cessé de paraître le 7 novembre. Ses salariés ont adressé à Mediapart cette tribune libre:

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Après 63 ans d'existence, l'hebdomadaire La Vie financière a cessé de paraître le 7 novembre. Ses salariés ont adressé à Mediapart cette tribune libre:

« La presse n'est pas et ne sera jamais un produit comme un autre. Pour ce motif, elle ne peut être laissée aux seules forces du marché », affirmait Nicolas Sarkozy en juin dernier. Cinq mois plus tard, les salariés de La Vie Financière craignent que la loi du plus fort ne s'applique une fois de plus.

La Vie Financière, premier magazine économique et financier créé après guerre, en 1945, vient de déposer son bilan. La direction du journal, détenu à 75 % par Prado Finance, a demandé la liquidation de la société éditrice après une période de maintien de l'activité. Seule la version électronique du magazine est disponible sur le site internet lavf.com en accès libre. Les trois sites d'information boursière et immobilière (dont Tradingsat.com), qui comptent plus de 9,3 millions de pages vues en octobre 2008, fonctionnent normalement.

La société n'a aucune dette auprès des banques, seulement trois mois de factures fournisseurs impayés, nous dit-on. Ses ventes payantes au numéro ( 22 000 pour 61672 abonnés selon les chiffres 2007 de l'OJD) sont en progression de 37 % depuis 2004. Sa diffusion en kiosque soit (5400 exemplaires par semaine) était en hausse de 15 à 20 % en octobre. Mais, les salariés savent bien que malheureusement, il ne suffit pas de faire un bon journal et d'avoir des lecteurs pour survivre. Il faut aussi de la publicité. Or, la crise bancaire et financière qui sévit depuis maintenant 15 mois, affecte les budgets publicitaires et ceci malgré des équipes efficaces et appréciées des annonceurs.

Car La Vie Financière a vu grand. C'est un magazine d'information boursières et patrimoniales qui s'est doté des meilleurs professionnels de la place. Il jouit d'une indépendance totale, n'est pas l'instrument de tel ou tel pour régler ses comptes. Il n'est pas là pour diffuser la bonne parole, et encore moins pour attirer des clients avec l'espoir de leur vendre d'autres services.

Le pendant de son indépendance, c'est aussi sa vulnérabilité. Sa rentabilité s'est érodée. Certains choix de développement ont été malheureux ou trop dispendieux. Les salariés s'attendaient à un plan de restructuration qui n'est pas venu. Pour cela l'actionnaire aurait dû remettre de l'argent sur la table, recapitaliser l'entreprise. Son banquier lui a refusé de s'engager dans cette voie.

Les salariés attendent donc aujourd'hui la décision du liquidateur et espèrent encore une solution qui continuera à faire vivre le titre. Mais certains ont du mal à comprendre pourquoi ni les dirigeants de La Vie Financière, ni leurs actionnaires n'ont réussi à trouver les quelques millions d'euros nécessaires pour payer le coût d'un plan de licenciement et d'un déménagement, alors que le sort de 60 salariés est en jeu. Les banques, en crise n'ont-elles pas obtenu de l'Etat une ligne de crédit garantie de 320 milliards d'euros ? Et le même Etat n'est-il pas aussi prêt à injecter 22 milliards dans les PME et 40 milliards d'euros de capital dans le système bancaire ?

En période de crise, les plus fragiles disparaissent, les gros se contentent de maigrir, dit-on. La presse doit-elle se soumettre à la loi du plus fort ? La concentration de la presse patrimoniale entre les mains de deux grands groupes financiers et industriels, est-elle une bonne chose pour les lecteurs ? A l'heure où se tiennent les Etats Généraux de la presse, la disparition d'un titre affaibli mais indépendant, au profit de concurrents soutenus par des groupes puissants, ne saurait en tout cas constituer le gage d'une presse libre.