Billet de blog 10 novembre 2008

annick rivoire

Abonné·e de Mediapart

Etats généraux de la presse: Poptronics rejoint le « off »

Evidemment, on aurait aimé nous aussi claquer la porte aux grands médias, à ceux qui nous gouvernent et à leurs petits arrangements entre amis.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Evidemment, on aurait aimé nous aussi claquer la porte aux grands médias, à ceux qui nous gouvernent et à leurs petits arrangements entre amis. Et refuser aussi crânement que Mediapart ces Etats généraux de la presse aussi douteux que la commission Copé sur la télévision publique. Mais Poptronics, rejeton de la presse électronique né à l'été 2007 sur le Net français, et qui y a fait son trou de belle manière (50 000 visiteurs uniques par mois, pour un média culturel indépendant, c'est plutôt excellent, sans nous vanter), n'y a bien sûr pas été convié...

Comme l'équipe de Mediapart, chez Poptronics, nous avons fait le choix de quitter la presse écrite pour expérimenter une autre façon de fabriquer l'information, plus dynamique, interactive et participative. Pour défricher les avant-gardes et expliquer le monde hypermédia, tout en restant farouchement attachés à une conception de l'information libre et irrévérencieuse quand il le faut. Quitter le papier pour l'écran, parce que l'Internet est un terrain de jeu encore vierge ou presque, un nouveau média qui nous a permis, sans l'aide d'aucun groupe de presse ou de pression, de faire vivre le premier agenda francophone des cultures électroniques.

Nous n'avons pas été invités à réfléchir à la situation critique de la presse, situation explosive pour la démocratie, parce que ces Etats généraux n'en sont pas. Comment parler de l'avenir de la presse, de son indépendance et des conditions de sa survie dans un cadre totalement défini par le pouvoir en place et sous la coupe du président ? On le sait, jamais les grands patrons des médias n'ont été si proches du pouvoir : Bolloré (« Direct Soir », « Direct Matin », Direct 8), Lagardère (groupe Hachette), Dassault (groupe le Figaro), Arnault (« les Echos ») ou Rotschild (« Libération ») sont amis de Sarkozy. Sans doute la presse a-t-elle besoin d'aides financières (l'indépendance a un coût, on en sait quelque chose chez Poptronics, où l'énergie tient lieu de prime de précarité). Mais fallait-il pour autant que les dirigeants des grands titres répondent tous présent à l'appel du président, le doigt sur la couture du pantalon ?

Alors oui, Poptronics est solidaire de Mediapart, et participera le 24 novembre au « off » des Etats généraux au théâtre de la Colline. Parce que la presse française souffre d'un énorme déficit démocratique (on ne refera pas ici le débat sur la ratification de la Constitution européenne...) et d'évidents problèmes structurels (économiques, techniques...). Et que, face à la précarisation de la profession, à la prolifération de la « mal-info » (toujours moins de reportages et d'investigation, toujours plus de commentaires et de réécritures de dépêches d'agence), il s'agit de prendre en main une certaine refonte du métier. Pas avec le gouvernement et ses conseillers communication, mais avec les sociétés de lecteurs, les journalistes et pas seulement leurs rédactions en chef. Avec les sites d'information indépendants, avec les pigistes et, plus largement, avec la nébuleuse critique des Acrimed, Plan B, CQFD et autres blogs. Pour imaginer des alternatives à la concentration que le gouvernement appelle de ses vœux.

Ce dont la presse a besoin, c'est de réinterroger ses pratiques, ses contenus, de revenir à ses fondamentaux : informer, par l'enquête, la confrontation des sources et le reportage. Pourquoi la défiance a-t-elle gagné les lecteurs ? Pourquoi le commentaire d'actualité a-t-il pris le pas sur l'information ? Pourquoi les médias généralistes ignorent-ils les scoops dès qu'ils émanent de titres sarko-incompatibles (« Canard enchaîné », @si, Mediapart, etc.) ? A toutes ces questions, Poptronics n'a pas la prétention d'avoir toutes les réponses. Il nous semble cependant urgent d'en débattre au grand jour, démocratiquement. En prenant le pari, puisque c'est le slogan du moment, que « yes, we can ».

Annick Rivoire, directrice de la publication,

Elisabeth Lebovici et Matthieu Recarte, rédacteurs en chef

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