Nous publions ci-dessous l'appel signé par une quinzaine d'intellectuels, écrivains et patrons de presse des pays du Sud, s'inquiétant de «la dégradation de la liberté de la presse en France».
«La situation de la presse en France se dégrade. Son indépendance économique est menacée. La diversité d'expression et, surtout, la liberté de ton disparaissent peu à peu. Poursuites abusives, perquisitions, gardes à vue musclées, les journalistes sont dans le collimateur du pouvoir. Des médias tenus par quelques barons de l'industrie, une réforme de la télévision publique qui ressemble à une reprise en mains, une législation qui ne garantit pas suffisamment la protection du secret des sources - pourtant « pierre angulaire » de la liberté d'informer si l'on en croit la Cour européenne des droits de l'homme : la France n'est pas, ou n'est plus, un exemple en matière de liberté de la presse, une liberté pourtant essentielle à l'exercice des autres libertés.
Ce constat ne concerne pas que les Français. Parce que la France, forte de son histoire et de ses traditions, est toujours une référence pour bon nombre d'hommes et de femmes épris de liberté ailleurs dans le monde. Parce que la France continue à inspirer la législation de nombreux pays, et pas seulement celle de ses anciennes colonies. Parce que la France, enfin, se présente elle-même comme « la patrie des droits de l'homme » et « le pays des libertés », nous prenons aujourd'hui la parole. Originaires du Sud, sans vouloir à notre tour donner des leçons en matière de libertés, nous estimons dans notre intérêt bien compris de soutenir une France libre de sa parole diverse, capable de servir de référence. Si l'on n'y prend garde, ce ne sera bientôt plus le cas.
Il est essentiel que la France sache se faire entendre, se faire respecter, sache dire non - comme elle l'a fait à la veille de l'invasion de l'Irak par les forces américaines. Les manquements à la liberté de la presse en France sont autant de coups portés à son image, à son autorité dans le monde. Les défenseurs des droits de l'homme ne peuvent s'y résigner. Et nous sommes de ceux-là.»
Nasser Al-Othman, secrétaire général du syndicat des journalistes du Golfe, Qatar
Alaa Aswany, écrivain, Egypte
Ahmed Benchemsi, directeur de publication des hebdomadaires Nichane et Tel Quel, Maroc
Maurice Chabi, directeur général du groupe Echos presse, Bénin
Souleymane Diallo, directeur de publication du Lynx, Guinée Conakry
Aboubaker Jamaï, fondateur du Journal hebdomadaire, Maroc
Moussa Kaka, directeur du groupe de radios Saraounia FM, Niger
Gisèle Khoury, journaliste à la chaîne pan-arabe Al-Arabiya, Liban
Moncef Marzouki, écrivain, Tunisie
Germain Bitiou Nama, directeur de publication de L'Evénement, Burkina Faso
Pius N. Njawé, directeur général du Messager, Cameroun
Sari Nusseibeh, président de l'Université Al-Quds de Jérusalem, Palestine
Yaldet Bégoto Oulatar, directeur de publication de N'Djaména Hebdo, Tchad
Babacar Touré, président du groupe Sud Communication, Sénégal
Si vous souhaitez vous joindre à cet appel, les nouvelles signatures sont à adresser au Centre de Doha pour la liberté d'information, contact@dohacentre.org