Pour être crédible, pour prétendre "informer" réellement, une presse qui se veut de qualité se doit d'être avant tout indépendante
- des grands groupes financiers
- des industriels même s'ils sont par ailleurs "annonceurs" sur le support
- des lobbies divers (professionnels, institutionnels, économiques ou sociaux, etc.)
- des partis ou hommes/femmes politiques (à moindre de s'afficher clairement "organe de parti" et de ne prétendre relever que de la presse d'opinion et non d'une presse généraliste)
- des pouvoirs institutionnels quels qu'ils soient.
- autres (à compléter)
Evidemment, cela fait un peu "tarte à la crème" dans l'oreille de plein de gens. Indépendance, indépendance... Comment continuer à avoir ce mot à la bouche à l'heure où c'est l'économique qui décide de tout, où la presse papier se meurt, où la publicité règne en maître. A l'heure surtout où le pouvoir pratique intentionnellement la confusion entre "information" et "communication"... et où tout cède à la logique du pouvoir et de l'argent.
Pourquoi est-ce pourtant si diantrement important ? Non, il ne va pas être question ici d'"objectivité". Comme l'écrit très bien Yves Agnès dans son "Manuel de journalisme" (éditions La Découverte, 2006), "l'objectivité n'est pas accessible au journaliste, appelé à choisir sans cesse parmi des informations et à présenter celles qu'il retient suivant un "angle" déterminé. (...) La vérité, en revanche, est un idéal vers lequel il faut tendre. (...) La quête de la vérité est un puissant moteur du métier d'informer..." Peut-être même devrait-on dire que ce "moteur" devrait être LE seul vrai moteur de ce métier.
L'indépendance est la seule garantie possible d'une réelle recherche de cette vérité. Et, qu'il s'agisse de presse papier, de radio, de Web ou de télévision, c'est la crédibilité du journal qui y est engagée.
Des exemples ?
Comment croire un journal qui dénonce certains faits ou agissements mais fait motu-bouche cousue sur ceux de ses "amis " (ou des amis de son PDG ) et ne balaie jamais devant leur porte ? Comment croire un journal financé par un puissant groupe industriel lorsqu'il fait délibérément l'impasse sur des suicides en série qui se seraient produits dans l'entreprise ? Comment "couvrir" une guerre ou un conflit dans le monde lorsque l'actionnaire majoritaire fabrique des armes ? Comment dans un magazine refuser à un gros annonceur de retirer un article sur les souffrances animales lorsqu'il teste ses produits sur des animaux ? Comment faire la critique d'un livre écrit par le frère/la sœur, le conjoint/la conjointe du PDG ? Comment croire le JT d'une chaîne de télévision présenté par l'époux/se d'un/e ministre en poste ? Comment prétendre être un tant soit peu objectif lorsqu'on est partie prenante ? Comment prétendre "suivre" tel ou tel parti politique lorsqu'on a envers lui (ou l'un de ses leaders) trop de connivence affichée (ou pire encore quand on en est membre) ? Comment annoncer les pertes colossales ou les erreurs de gestion d'un groupe financier quand c'est lui qui paie les salaires ?
Il y en aurait des milliers d'autres...
C'est pourquoi, pour pouvoir garder sa crédibilité DONC ses lecteurs, un journal se doit de rester indépendant, libre (du choix de ses sujets comme de l'angle sous lesquels il va les traiter), non partisan, sans connivences... Même si comme n'importe quelle entreprise, il a besoin d'argent. Exercice souvent difficile. Mais nécessaire à sa propre survie. Et à sa propre mission d'information.
Grain de sel (ex-journaliste, actuellement au chômage)