Grain de sel, ancienne abonnée, nous a adressé ce texte à la suite du débat public au théâtre du Rond-Point:
« J’étais lundi 15 au Théâtre du Rond-Point pour la soirée sur la défense de la presse organisée par Mediapart et RSF. J’en retiens avant tout un formidable élan spontané de protestation, une formidable mobilisation pour dire non à ce qui est en train de se passer, beaucoup d’énergie, et beaucoup d’espoir.
J’ai trouvé formidable que plusieurs personnalités politiques, toutes sensibilités confondues, soient venues, toutes querelles de chapelles laissées à la porte, témoigner avec passion de l’importance que revêt à leurs yeux une presse libre, indépendante et démocratique.
J’ai applaudi des deux mains lorsque certaines « pointures » de la presse sont, à leur tour, venues témoigner, souvent avec brio, de leur propre expérience et de l’importance de ce combat.
Mais je regrette qu’on n’ait pas eu l’occasion, ou le temps (ou peut-être même la méthode pour le faire), de mesurer, parmi l’importante assemblée qui remplissait les gradins, quelle était la proportion de journalistes et celle de simple lecteurs. A la première question posée par l’un des spectateurs, concernant il me semble le mouvement « citoyen », J.F. Julliard a répondu que bien entendu, cet appel était « ouvert à tout le monde ».
Je ne pense pas qu’il faut que cet élan soit « ouvert » à tout le monde. Je pense qu’il doit « venir » de tout le monde, des journalistes, bien sûr, mais aussi et surtout des lecteurs. Car ce n’est pas simplement de la liberté des journalistes, ni même de leurs conditions de travail, même si à l’évidence il y aurait beaucoup à dire, qu’il s’agit mais bel et bien de la liberté d’informer et d’être informé, autrement dit de l’un des piliers les plus fondamentaux de la démocratie.
Si j’avais osé lever la main et demander le micro, ce qui suit est ce que j’aurais voulu exprimer, mais je ne me suis pas senti l’audace de le faire. D’où ce témoignage en forme d’esprit d’escalier, venu à contretemps.
Journaliste au chômage, je suis aussi (et désormais surtout) lectrice, auditrice, téléspectatrice, bref « réceptrice d’information ». C’est pourquoi je découvre à quel point, même si pour nous journalistes, les menaces sont précises et bien réelles, pour que ce combat se mène réellement et ait des chances d’aboutir, il doit se mener ensemble, journalistes ET lecteurs. J’ai été frappée et admirative, je le reconnais - car ayant longtemps pratiqué le syndicalisme dans la profession, je n’avais que rarement assisté à une telle mobilisation – par le nombre de confrères, connus ou moins connus, étant venus en foule répondre à l’appel de la Colline. Mais même face à cet enthousiasme, qui je l’avoue me réchauffe pas mal et que je trouve personnellement “réconciliant”, je reste persuadée que l’écueil à éviter à tout prix serait de laisser dériver cet élan vers une bataille ne concernant que la corporation.
Convaincre les politiques, quels qu’ils soient, que la liberté, comme le pluralisme de la presse, ne peuvent se borner à être de simples arguments de campagne et les défendre pied à pied, c’est le rôle de chacun car ce sont les conditions mêmes de la liberté.
Nous sommes tous concernés. Journalistes, anciens journalistes, futurs journalistes, mais aussi lecteurs, téléspectateurs, auditeurs, abonnés, nous sommes tous concernés. Et c’est ensemble qu’il faut nous organiser, lutter...
Grain de Sel
Le 16/12/08»