L'engagement des hommes politiques.
L'intervention de Pierre Rosanvallon.
Près d'un millier de personnes ont participé, lundi 15 décembre au théâtre du Rond-Point, au débat public organisé par Mediapart et Reporters sans Frontières sur la liberté et l'indépendance de l'information. D'abord merci à vous tous, qui vous êtes déplacés ce lundi soir. Et pardon pour les personnes qui n'ont pu rentrer dans une salle comble et ont dû attendre la deuxième partie de soirée pour trouver un fauteuil vide.
Plusieurs milliers de personnes ont également pu regarder à distance cette rencontre. Le débat était retransmis en direct sur les sites de Mediapart et de RSF, grâce à l'équipe technique de «Regarde à vue ». Ce débat sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme de l'information a duré plus de trois heures. En introduction, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans Frontières, a rappelé les nombreux retards de la France, par rapport aux autres pays européens, en matière de droits des journalistes.
Il a également proposé « l'organisation d'un grand rassemblement citoyen début 2009, au moment où seront rendues les conclusions des états généraux de la presse écrite ». Edwy Plenel, directeur de Mediapart, a ensuite lu l'Appel de la Colline. Deux de ses signataires (cet appel peut encore être signé en cliquant ici), Vittorio de Filippis, journaliste et ancien PDG de Libération, ainsi que Claude Sérillon, figure du service public audiovisuel, ont ensuite dit leurs inquiétudes et leur opposition aux divers projets en cours.
L'information, son pluralisme, sa liberté, comme enjeux démocratiques : ce fut le thème de l'intervention de Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France. Vous pouvez en retrouver l'intégralité dans la deuxième vidéo ci-dessus.
Cette soirée était aussi l'occasion d'interpeller les représentants invités des six principales familles politiques : Hervé Mariton (UMP), François Bayrou (Modem), Benoît Hamon (PS), Noël Mamère (Verts), Patrick Braouezec (PC) et Daniel Bensaïd (LCR). La réforme de l'audiovisuel public, la brutalisation du Parlement à l'occasion de ce débat et la nomination directe par le président de la République des présidents de télévisions et radios publiques ont occupé une bonne part du débat. Vous pouvez en retrouver les principaux extraits dans la première vidéo ci-dessus.
Noël Mamère (Le Verts), Patrick Braouezec (PC) et Daniel Bensaïd (LCR) ont été les plus virulents dans la dénonciation de cette mesure, synonyme d'un retour à une télévision d'Etat et à un verrouillage systématique des médias.
Député de l'UMP, Hervé Mariton, esprit libre dans la famille majoritaire, a jugé ce projet de loi « au mieux inutile, au pire néfaste ». «Même si le président dit que la nomination du président de France Télévisions par le CSA était hypocrite, si une autorité indépendante ne l'est pas assez on peut toujours tenter de l'améliorer plutôt que d'acter un retour en arrière», a estimé le député.
Benoît Hamon, porte-parole du parti socialiste, est revenu sur la décision de la ministre de la Culture, Christine Albanel, de demander au président de France Télévisions de décider de la suppression partielle de la publicité le 5 janvier 2009 sans attendre le débat au Sénat. «Cela donne le la sur ce que sera la relation du pouvoir avec le président futur de France Télévisions, puisque dès maintenant il n'est considéré que comme un auxiliaire», a-t-il déclaré.
Vivement opposé à cette mesure, qui illustre cette société de Cour qu'il ne cesse de dénoncer, allant jusqu'à utiliser le mot «mafia» François Bayrou, président du MoDem, a ainsi résumé la nouvelle règle voulue par Nicolas Sarkozy : « On sera nommé par la faveur et maintenu par le bon plaisir et pour vivre, il faudra chaque année au moment du budget montrer patte blanche ».
Et le débat a pu commencer. Avec l'annonce d'une initiative prise par plusieurs titres d'information et annoncée lors de cette réunion. Le Nouvel Observateur, Marianne, Les Inrockuptibles, le site Rue 89 et Mediapart se sont associés pour lancer un nouvel appel pour la défense de la liberté de la presse et de l'information. Vous pouvez le lire intégralement ici. En voici les principaux extraits :
« Le pouvoir actuel impose à dessein un recul inacceptable de la liberté d'information. C'est évidemment le cas quand il abolit l'indépendance de l'audiovisuel public en accordant au Président de la République le pouvoir d'en nommer et révoquer les PDG. C'est aussi le cas lorsqu'il se mêle directement de l'avenir de la presse écrite en organisant et contrôlant ses Etats Généraux. C'est enfin le cas quand il envisage d'assouplir les dispositifs anti-concentration dans les médias.
Il faut d'urgence stopper ces projets et, au contraire, promouvoir le respect du droit moral des journalistes, refuser le mélange des intérêts industriels et médiatiques, préserver l'intégrité du service public de l'audiovisuel, permettre l'accès à toutes les sources documentaires, protéger les sources des journalistes, limiter les concentrations et défendre le pluralisme. »
Denis Olivennes, directeur du Nouvel Observateur, a, dans un message transmis à la salle, explicité en ces termes cette démarche : « Il y a un sujet sur lequel le refus ne peut être que catégorique et la protestation puissante : c'est sur le sort fait aux libertés en général et à la liberté d'informationen général (...) En réalité c'est un climat global de mépris, de méfiance, et même de détestation à l'égard de la presse libre qui s'intalle », a expliqué Denis Olivennes.
Jean-François Kahn, fondateur de Marianne, a ferraillé avec brio avec l'hôte de l'Elysée, comparant sa main mise sur les médias à celle de Vladimir Poutine en Russie. « La peur gagne », a-t-il ajouté, soulignant l'absence des responsables ou journalistes vedettes de l'audiovisuel. Jean Kehayan, président du Club de la presse de Provence Alpes Côte d'Azur, a raconté la normalisation quotidienne de la presse dans le Sud et l'omniprésence du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin auprès des directions successives du quotidien La Provence.
Le débat s'est ensuite poursuivi avec de nombreuses interventions venues de la salle. François Hollande, Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du PS aux libertés publiques, Jean-Pierre Mignard, président de Désirs d'avenir, Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la culture, Christian Paul, député PS, Cécile Duflot, secrétaire national des Verts, étaient présents. Des représentants du Forum des sociétés de rédacteurs, des syndicats de journalistes, de l'AFP, de plusieurs collectifs ou associations de médias ont pu intervenir, ainsi que Christian Baudelot, sociologue, venu mettre en garde contre les projets de réforme et de déménagement de l'Insee.
Vous pouvez retrouver en cliquant ici l'intégralité du texte de l'intervention de Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France.