Vendredi matin, dans son journal, Patrick Le Hyaric, le directeur de l'Humanité a lancé un cri d'alarme. Nous reproduisons ce texte ci-dessous:
Les travaux des états généraux de la presse écrite ont mis en évidence l'urgente nécessité de répondre au caractère exceptionnel de la crise de la presse.
Les difficultés extrêmes que connaissent les journaux en ce moment même sont très particulières. Jamais, depuis la Libération, on n'avait connu une situation où autant de titres sont menacés en France et dans tous les pays du monde. L'Espagne vit en moment même un véritable cataclysme avec la fermeture de journaux et le licenciement de centaines de journalistes.
Les raisons de cette situation sont nombreuses : elles tiennent notamment aux bouleversements technologiques, à la multiplication des médias et aux changements des modes de vie. Mais les difficultés économiques de la presse quotidienne sont pour une grande part inhérente à la nature même de sa production. Comme pour les autres industries culturelles, les coûts fixes de fabrication, de transport et de distribution de la presse sont en constante augmentation, alors que les recettes publicitaires et les produits de la diffusion diminuent de manière importante. Cet écart s'agrandit de mois en mois, du fait de la crise économique et sociale. Elle menace l'existence même de plusieurs journaux. C'est parce que les éditeurs, les salariés de l'ensemble de la chaîne de création, de production et de distribution des journaux ont une conscience aiguë de ces incertitudes face à l'avenir que, dans le cadre des états généraux de la presse, l'idée d'une aide exceptionnelle d'urgence à la presse écrite d'information générale et politique a été retenue.
Au moment où la crise se globalise, se généralise et se transforme en crise sociale, qu'y a-t-il de plus précieux que de faire vivre la démocratie, le débat d'idées, portés par une presse pluraliste dont l'État est constitutionnellement le garant ? Notre peuple, comme tous les peuples, veut comprendre les causes de cette crise, ses conséquences possibles, et veut disposer de propositions contradictoires pour pouvoir se prononcer, intervenir, participer aux débats.
Par sa nature, la presse écrite privilégie le temps de l'analyse, le développement de la pensée et le débat contradictoire sur l'immédiateté de l'information. Elle permet à chacun d'exercer pleinement sa citoyenneté.
Un certain nombre d'orientations positives issues des états généraux de la presse resterait lettre morte si des journaux devaient être étranglés financièrement.
Il ne peut y avoir de stratégie de développement, d'amélioration des journaux, si on ne sécurise pas d'abord, en urgence, leurs conditions d'existence. Demain il sera trop tard ! Les conséquences sur l'ensemble de la longue filière de la presse seraient redoutables.
Voilà pourquoi nous réitérons avec force et insistance notre demande d'une aide financière exceptionnelle d'urgence aux quotidiens d'information générale et politique qui en ont le plus besoin, comme cela a été acté lors des états généraux de la presse écrite.
Personne ne pourrait comprendre que les banques et certains secteurs économiques soient aidés et que la presse écrite soit laissée à l'agonie.
Une telle aide avait déjà été décidée par le gouvernement, le 6 août 1993, dans un contexte moins grave que celui que connaissent actuellement le pays et la presse.
C'est une question vitale pour plusieurs journaux, vitale donc pour le pluralisme de la presse.
C'est un enjeu démocratique.