Le New-York Time nous apprend qu'Haïti après avoir obtenu son indépendance en 1803 a été l'objet d'une ordonnance en 1825 de Charles x lui réclamant d'indemniser les colons, obligation à laquelle les autorités de l'île ont dû se soumettre sous la menace des navires de guerre de la métropole. Le prix payé par Haïti est donné entre 20 milliards et 100 milliards d'euros car à la dette s'ajoutaient les intérêts. Ainsi ces remboursements se sont échelonnés jusqu'en 1957 sans qu'aucun gouvernement de la France n'y mette fin.
Cet épisode de la décolonisation à la française ne peut que raviver notre mémoire sur le passé colonial de la France en Algérie qui outre la guerre d'indépendance et ses séquelles de part et d'autre de la Méditerranée a compté pour pertes et profits l'abandon des populations dans un Hoggar irradié par ses campagnes d'essais nucléaires conduites à In Ekker de novembre 1961 à janvier 1966 au nombre de 13 tirs.
Le 1er mai 1962 le tir ayant pour nom de code Béryl a tourné à la catastrophe. Contre toute attente l'explosion n'a pas été confinée dans la galerie de la montagne du Tan Affela d'où s'est échappé un lourd nuage sableux dont la charge radioactive a irradié la troupe présente sur le site et les populations des centres de culture ou nomadisant comme les Touaregs. Les retombées de ce nuage nocif ont contaminé l'ensemble du massif du Hoggar sur un espace au moins aussi vaste que la France.
L'opinion pour peu qu'elle se soit intéressée à cette tragédie a seulement retenu que la France en quittant le champ de ses expérimentations avait laissé aux autorités algériennes un site mal protégé et la porte ouverte aux incursions des villageois en quête de tout ce qu'ils pouvaient récupérer comme métaux dans les galeries ouvertes des tirs sans savoir qu'ils étaient radioactifs. Mais là n'est pas toute l'ampleur du drame car 60 ans après Béryl nous ne disposons d'aucune évaluation des dommages causés à la santé des populations exposées aux retombées du nuage radioactif. Ce bilan humain doit comprendre aussi les traumatismes laissés à ce peuple saharien gardé dans l'ignorance de son sort.
La France et ses présidents de De Gaulle à Macron n'ont jamais reconnu être redevable d'une dette morale et financière envers les irradiés de ce Sahara oublié. Quant aux militaires en majorité les appelés du contingent et qui ont été les premiers exposés le jour de Béryl, ils n'ont fait l'objet d'aucune reconnaissance pour leurs sacrifices de la part d'un État voyou.
Beaucoup aujourd’hui estiment que le passé est le passé et qu'il vaut mieux tourner la page, ce à quoi je réponds comme témoin que la page a été arrachée et que la France se doit d'en payer le prix.