Il y a tout juste 54 ans, pour la Saint-Sylvestre 1969, Jimi Hendrix donnait une série de quatre concerts au Fillmore East avec sa nouvelle formation Band of Gypsys, dont sera tiré, en 1970, un enregistrement live.
Ce sera le quatrième - et dernier - album à sortir de son vivant.

" Excuse me while I kiss the sky "
('Scuse, je suis en train d'embrasser le ciel)
Eh bien, je me tiens à côté d’une montagne, et je tente de la coucher sur le papier avec ma main.
Car s’attaquer à Hendrix, c’est comme tenter de gravir l’Everest sans préparation.
Pour le dire simplement : Hendrix est LE Hendrix de la guitare.
Une légende. Un mythe. Une étoile fuyante.
En seulement quatre ans de carrière officielle pour autant d’albums, il a révolutionné la musique de son époque, emportant tout sur son passage, puis disparaissant subitement en ne laissant derrière lui qu’une brume mauve qui mît longtemps à se dissiper.
" And you’ll never hear surf music again "
("Et vous n’entendrez plus jamais de musique pour aller sur internet"- Traduction en simultané Nelson Montfort)
J’ai découvert Hendrix quand j’étais élève en prépa (mon Vietnam à moi – toute proportion gardée).
À l’internat, parce qu’il y avait un tableau blanc dans chaque turne et qu'il faut bien que jeunesse se passe, on s’amusait à établir la liste des meilleurs guitaristes de tous les temps. Des séances qui donnaient lieu à de longs débats, mais invariablement et sans contestation aucune, c’est Hendrix qui terminait premier.
J’ai gardé de cette époque :
- Un amour pour la musique de Jimi Hendrix,
- Quelques bons copains,
- Et une passion inaltérable pour les listes et classements en tout genre.
(Et tant pis pour les espaces vectoriels à n-dimensions ou le développement du méristème apical caulinaire).
Enfance vaudou (léger retour)
« The night I was born / I swear the moon turned a fire red »
(La nuit de ma naissance / je jure que la lune était rouge feu )
Jimi (avec un seul M ; pourtant quand on aime, on ne compte pas) Hendrix s’appelait en réalité James Marshall Hendrix, bien qu’il soit né Johnny Allen Hendrix.
Marshall ? Oui oui, comme la célèbre marque d’amplis et pédales d’effets (voir plus bas). Mais rien à voir.
Né à Seattle, Hendrix puise dans ses racines Afro-américaine et Cherokee pour créer un mélange de blues, de jazz et de funk qui produira un son résolument hard-rock et conduira même jusqu’au heavy-metal.
Jimi grandit entre un père souvent absent cantonné dans une base militaire en Oklahoma, et une mère alcoolique qui ne s’occupera pas de lui (Lucille, tiens comme la guitare de BB King)
Enfant vaudou, mi-indien cherokee mi-gitan, ex atlante et futur neptunien, Hendrix apprend la guitare en autodidacte et passe plusieurs années en tant que musicien d’accompagnement dans le Village, avant de réellement percer lors de son arrivée à Londres en 1966.
Capable aussi bien d’impressionner les guitaristes pourtant pas manchots de la scène de « l’explosion du blues britiche » (Éric Clapton, Jimmy Page, Jeff Beck, John Mayall …) que de sublimer une chanson de Dylan (All along the watchtower), il relègue les expérimentations sonores psychédéliques des Beatles au rang de bidouillages amateurs, et ira jusqu’à inspirer le grand Miles Davis au tournant des seventies.
(Dylan, dont il admire les textes, et qui lui montrera - malgré lui - qu'on n'est pas obligé d'être un chanteur exceptionnel pour faire carrière.)
Auteur-compositeur-interprète extra-terrestre, ses thèmes de prédilections seront la Science-Fiction, les drogues, les filles et le sexe. (Tout comme moi sauf pour les drogues les filles et le sexe).
Pour constituer son répertoire, il n’hésitera jamais à piocher l’inspiration dans ses rêves pour alimenter les nôtres.
Il trouve sa forme finale avec « l’Expérience », dans la sacro-sainte formule power trio de la fin des sixties accompagné de Mitch Mitchell à la batterie et Noel Redding à la basse.
(Notons que, parmi les roadies qui ont travaillé pour lui, on trouve un certain Lemmy Kilmister, qui deviendra le leader bassiste et chanteur du groupe Motörhead.)
Dans les clubs londoniens, Hendrix fait sensation par son jeu extrêmement démonstratif. On le dit timide en dehors mais une fois sur scène, Hendrix met le feu – au propre comme au figuré.
Dans des prestations scéniques inoubliables, il multiplie les déhanchés, joue de la guitare avec les dents et la langue, fait de la gratte derrière la tête, puis finit par brûler son instrument dans une sorte de rite vaudou pour Monterey tout son talent :
" Have you ever been to electric ladyland ? "
Electric Lady était le nom qu’il donnait à sa guitare.
Hendrix jouera quasiment exclusivement sur une Fender Stratocaster, dont il exploitera toutes les fonctionnalités à fond les ballons.
Particularité du bonhomme, ce gaucher pourtant pas gauche utilisait le modèle pour droitier, plus courant et réputé de meilleure qualité que la version gauchère, mais remontait ses cordes de manière à avoir les cordes graves en haut et les cordes aigües en bas (comme un droitier).
C’est cette spécificité de guitare à l’envers qui lui aurait permis d’accéder plus facilement au potentiomètres de volume et de tonalité, ainsi qu’à la barre de vibrato, lui donnant de multiples possibilités de jouer avec les sons.

" Toute distorsion est intentionnelle – ne pas tenter de corriger "
(note écrite sur les premiers masters de Purple Haze, pour éviter que les ingénieurs des studios ne fassent n’importe quoi)
Si ses textes poétiques sont une certaine distorsion de la réalité par leurs côtés oniriques ou futuristes, sa musique en est une autre.
Outre ses qualités de musicien, et ses prestations scéniques ahurissantes, c’est surtout l’usage des innovations technologiques qui rend la musique d’Hendrix si exceptionnelle et avant-gardiste.
Très vite, il perçoit toutes les possibilités qu’il peut tirer de l’amplification et des effets.
Tel un cycliste du tour de France en quête du maillot à pois, Hendrix atteint des sommets à la seule force de ses pédales :
- La Fuzz (saturation du signal)
- L’UniVibe (reproduction du son tournoyant d’une cabine Leslie)
- La Wah-wah (modulation des fréquances)
- L’Octavia (transposition du son à une octave supérieure)
Sa guitare (à six cordes) se transforme alors en véritable piste six câbles pour faire décoller l'auditeur vers les étoiles.
Il parvient très vite à maîtriser l’effet Larsen mieux que quiconque avant lui et écœure la concurrence, qui s'empressera de lui emboîter le pas.
Ces expérimentations se retrouveront gravées pour l'éternité dans ses trois albums studios (Are you Experienced ? (1967), Axis : Bold as love (1967), et Electric Ladyland (1968), assisté pour ce dernier de l’ingénieur du son Eddie Kramer. Tout seul contre personne.
C’est muni de toute ces armes et bardé de munitions qu’il part en guerre contre la guerre au Vietnam, dans sa célèbre reprise de l'hymne américain au festival de Woodstock :
"Hey Joe, where you goin' with that gun of your hand?"
Petit instant cocorico, Jimi rencontre Johnny Hallyday à Londres, qui l’invite en première partie de sa tournée 1966 pour quatre dates (Evreux, Nancy, Villerupt et l’Olympia)
(Si ça se trouve certains des lecteurs de ce blog l’ont vu et s'en souviennent ?)
Notre Johnny national ira même jusqu’à enregistrer en décembre 66, à Londres, une adaptation de Hey Joe, sur laquelle Hendrix aurait joué en studio (mais pas sur la version initialement enregistrée sur disque. La version sur laquelle Hendrix est crédité ne ressortira qu'à partir de 1993).
Comme si tout était une questions d’initiales : JH et JH qui jouent HJ.
"If I don't meet you no more in this world, then. I'll meet you in the next world. Don’t be late "
Vers la fin de sa vie, touché par la mort du King (Martin Luther King, pas Elvis), Hendrix s’engage un peu plus contre la ségrégation raciale au États-Unis. Il est approché par les Black Panthers, et se prononce tardivement mais radicalement contre la guerre au Vietnam.
Cela se ressent sur des titres comme Machine Gun notamment :
Au matin du 18 septembre 1970, Hendrix est retrouvé mort par Monika Danneman, sa petite amie de l’époque, dans son hôtel de Londres, suite à un cocktail tristement classique du rock'n'roll : Abus de barbituriques + prise d’alcool + asphyxie due à ses vomissures.
(Monika Danneman future compagne d’Uli Jon Roth alias … le Hendrix allemand).
Parmi la cinquantaine de disques posthumes « officiels », ils sont peu nombreux à trouver la sympathie des exégètes de l’œuvre hendrixienne. On peut quand même citer la très belle compilation Blues, l’album First Rays of the New Rising Sun sur lequel Jimi travaillait avant son décès, ou encore la captation live à Monterey.
Jimi Hendrix : 27 novembre 1942 – 18 septembre 1970
Sa mort, ainsi que celles à la même période de Brian Jones, Janis Joplin et Jim Morrison, marque la fin du Flower power, et le début du club des 27.
Et le départ de la légende Hendrix.
Je vous souhaite une excellente année 2024 !
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Quelques sources :
Article Wikipédia Jimi Hendrix : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jimi_Hendrix
Culture Rock - L'Encyclopédie - Denis Roulleau, Éditions Flammarion, 2011
Jimi Hendrix Mots pour Mots - David Stubbs, Éditions Flammarion, 2003 (Trad. Julien Ramel)
Becoming Jimi Hendrix : from Southern crossroads to psychedelic London, the untold story of a musical genius - Steven Roby & Brad Schreiber, Da Capo Press, 2010 - En ligne : https://archive.org/details/becomingjimihend00roby/mode/2up
"Jimi HENDRIX, étoile filante" par Amadou Bal BA, billet du Club Mediapart du 21 juillet 2022- En ligne : https://blogs.mediapart.fr/amadouba19gmailcom/blog/210722/jimi-hendrix-etoile-filante-par-amadou-bal-ba