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Bien sûr le titre de ce billet va dissuader bon nombre de lecteurs un peu gourmets de venir y jeter un œil, et pourtant il restera agréablement gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont jadis participé (dans les années 60) à ces séjours pyrénéens comme un vocable culinaire fort peu gastronomique et trop souvent répété par les sans-imagination qui, à tour de rôle avaient en charge les repas du jour censés assurer la survie de notre groupe de campeurs sauvages. Sauvages oui, on l'était un peu mais ce terme désignait surtout notre installation hors des structures payantes... des sous, on n'en avait pas beaucoup, la qualité des repas s'en ressentait.
C'est la vallée pyrénéenne du Marcadau qui fut 4 années durant, notre camp de base pour les grimpettes alentour qui s'étendirent de plus en plus loin au fil des ans.

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Après l'installation des tentes, la conquête du feu, exigence première de notre confort, nécessitait de dégoter une souche de pin de bon calibre qui, installée au cœur du campement serait un bon mois durant notre centre de vie. Tels les homo erectus du paléolithique inférieur, nous mettions un point d'honneur à ne jamais laisser s'éteindre la flamme qui servirai à la cuisson de nos aliments. Le bois mort très abondant était préservé de la pluie dans la « tente à bois », vieille canadienne rapiécée pour l'occasion ; quelques tôles recouvraient les braises la nuit et les jours de pluie. Le premier levé avait pour mission de réalimenter la bête et de mettre à chauffer quelques litres d'eau pour le p'titdèj de la communauté.

Cette cuisine intégrée alimentait nos estomacs mais aussi entretenait le soir, notre plaisir de vivre en communauté.
Et donc le fameux « purée-saucisses », amoureusement confectionné sur le brasier, suffisamment grand pour accueillir la giga-casserole d'eau pour la purée et la grande poêle bien huilée chargée de ses 30 saucisses nourricières, faisait la joie des petits et des grands. Enfin, la joie... les râleurs étaient attendus au tournant de leurs missions culinaires. Heureusement, les filles plus inventives parvenaient à améliorer nettement cet ordinaire : par exemple « patates-mouton-grillé » ou « poulet-haricots-verts ». Mais nous attendions avec impatience le tour de notre pote JMC qui confectionnait le must de chez Rebuchon-sur-gave, la paella : Faire chauffer sur les braises, la poêle à paella (version XXL), y verser ¼ de litre d'huile, faire griller les morceaux de poulet ou de mouton ou de poisson, mettre 2kg de riz à cuisson lente, touiller pendant 10mn, ajouter beaucoup d'eau, un peu plus tard ajouter les oignons et les poivrons rouges, de temps en temps retouiller et au besoin rajouter de l'eau, ceci pendant 2 heures. Un peu avant la fin, parsemer des herbes locales (les mêmes qui serviront le soir pour les amateurs d'infusion). La fête au palais...

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Le reste de la bande parti faire une course en montagne, on se permettait un peu de mou dans le protocole.
Le personnage au premier plan, honteux d'être mon frère jumeau, portait toujours des lunettes de soleil pour ne pas être reconnu.
Qui n'a pas connu la traditionnelle veillée autour du feu de camp ? La notre, animée par Pomme notre guitariste maison finissait souvent fort tard (ou très tôt). La Pomme en question, qui nous ramenait de Normandie, du Livarot bien coulant et quelques bouteilles de Calva, avait un répertoire assez vaste privilégiant malgré tout Brassens et Brel. Une copine béarnaise (qui depuis m'est devenue très chère) nous apprenait des chants pyrénéens dont celui-ci :
que l'on tentait, malgré la participation bienmalveillante de quelques faussaires, de rendre mélodieuse. Au cours de ces soirées assez romantiques mais aussi lors de courses en montagnes où les difficultés rapprochaient les affinités, les unes et les uns pouvaient ressentir un peu plus que de l'amitié...
Nos premières expéditions de pyrénéistes débutants furent prudemment sélectionnées dans le guide Ollivier sous la rubrique PDinf (pas difficile inférieur). Elles nous menèrent vers des sommets par des voies où le péril le plus redouté, les déjections bovines faisaient retentir de temps à autre un « attention bouse ! » braillé par les hommes de tête qui se sentaient la responsabilité d'épargner à leurs potes et copines l'humiliation d'un dévissage dégradant.

Les retours de course se ponctuaient pour les plus courageux par un plongeon nu dans l'eau froide du gave, savon et shampoing à proximités, quelque rocher faisant office de pudique paravent.
Et puis, dans nos duvets, après les festivités du feu de camp, on rêvait, on rêvait de..... du « purée-saucisses » du lendemain.