Tonymaj, dont le nom figure depuis un moment en gris au fronton de l'édition, nous a adressé un petit cadeau: ce "Je me souviens" tout à fait d'actualité... et ciselé comme lui seul sait les concocter. Un grand merci à lui ! En espérant que de passager clandestin du navire, il ait bientôt envie de nous revenir en personne pour écrire ici même et de sa propre main !
A mi-chemin entre Amiens et Abbeville, de part et d’autre de la Somme, Bettencourt-Rivière (de diamants?) et Bettencourt-Saint-Ouen (l’aumône du bouclier fiscal?) sont symétriques. Petites communes que l’on devine discrètes et qui sont far away from Wœrth (comme on dit à Chantilly).
Car Wœrth (1820 habitants) est un ravissant chef-lieu de canton de l’arrondissement de Wissembourg, dans le département du Bas-Rhin (qui se trouve au Nord sur la carte d’Alsace, alors que le Haut-Rhin est au Sud, le Rhin coulant vers la Mer du Nord et pas vers les Alpes, comme nul ne devrait en ignorer).

©Site Web de Wœrth. D.R.
Vestiges romains, ruines féodales, mairie et musée du 6 août 1870 dans le château (XIVe siècle et Renaissance), belles maisons à colombages, le long de la calme Sauer. Nous sommes ici dans le paisible Parc naturel des Vosges du Nord.
Paisible, le 6 août 1870 le fut beaucoup moins. Ce jour-là (grosse Affäre!), le général Mac-Mahon qui a rassemblé 46000 hommes à Frœschwiller, juste à côté de Wœrth, est menacé d’encerclement par les 120000 combattants qu’aligne face aux Français le Prince héritier de Prusse. Décision désespérée, Mac-Mahon fait charger ses cuirassiers à cheval dont l’assaut héroïque restera, dernier exercice du genre en Europe, célèbre et vain...

La Charge de Reichshoffen © Aimé Morot
Les Prussiens continuent d’avancer. En un seul jour, le carnage coûtera la vie à 20000 hommes, Allemands et Français réunis dans la sinistre comptabilité de la mort. La retraite française s’effectue vers Reichshoffen, patelin absolument pas concerné qui deviendra ainsi un haut-lieu de pacotille, seule la dépêche de Mac-Mahon qui annonçait la défaite à Paris étant partie de là. Wœrth et Frœschwiller passent à la trappe, sauf en Allemagne où la première est synonyme de victoire.
La guerre sera perdue ... et l’Alsace annexée au Reich pour près de cinquante ans.
On aura beau fredonner, en Alsace et en cachette: «Vive la France, merde la Prusse. D’Schwowe mehn vom Landl nüss!»** Il y a cent-quarante ans tout juste, alors que les Bettencourt se prélassaient encore dans leur somme, Wœrth, c’était déjà la cata...
** Les Boches doivent sortir du petit pays.