Le weekend des 3 et 4 mai 2025, nous avons accueilli, dans notre quartier des Bois Blancs à Lille (59), la troisième rencontre de la coordination nationale des collectifs de mineurs en lutte. Après deux premiers rassemblements à Paris, en septembre 2024 et janvier 2025, les délégués des différents collectifs se sont donné rendez-vous à Lille. Ils ont répondu à l’invitation du Collectif des Jeunes en Recours des Bois Blancs et du Collectif des Habitant-es Solidaires et Indigné-es des Bois Blancs, tous deux nés en 2024 alors qu’environ 70 jeunes en recours pour faire reconnaître leur minorité devant le Juge des Enfants survivaient sous des tentes dans un campement installé par Utopia 56 sur la Plaine des Vachers, notre parc public de quartier. Jeunes comme habitant-es des Bois Blancs avaient à cœur de partager l’expérience singulière qui les a fait naître et travailler main dans la main pendant des mois d’une vie quotidienne faite de soutien, de rencontres et de lutte collective. Des délégués de Paris, Rouen, Tours, Clermont-Ferrand et Toulouse ont fait la route jusqu’à Bois Blancs, tandis que les collectifs de Rennes, Besançon et Marseille n’ont finalement pas pu être représentés.
Emilie B, membre du collectif des habitant.es a donné la parole aux délégués du collectif lillois pour qu’ils expriment l’importance et les enjeux de cette rencontre. Thierno et Amadou lui ont répondu.
Pourquoi était-ce important pour vous d'accueillir à Bois Blancs la troisième rencontre de la coordination nationale des collectifs de mineurs en lutte ?
C’était important pour nous d’organiser un événement comme celui-là pour montrer aux autres collectifs le lien particulier qu’il y a ici entre les jeunes et les habitants du quartier. Pour nous, tout a commencé ici, à Bois Blancs. Notre collectif est né près des habitants. Il ne suffit pas de le dire, on voulait aussi montrer les habitants, leur travail, leur soutien envers les jeunes. Ils étaient là jour et nuit pour nous et se battaient pour notre réussite, pour notre bien.
On voulait aussi montrer l’autonomie qu’on a mis entre nous et les assos qui nous soutiennent, montrer aux autres comment nous fonctionnons, quel rapport nous avons avec les institutions et avec les citoyens. On voulait montrer qu’on travaille avec des citoyens, des collectifs, des assos qui nous soutiennent dans nos décisions parce qu’on est les premiers concernés.
Enfin, c’était important de délocaliser les rencontres de la coordination nationale pour montrer qu’elle n’est pas portée que par le collectif de Belleville à Paris. La coordination, ça peut être à Lille, à Marseille, à Tours ou encore à Toulouse…. On voulait montrer aux autres collectifs que ça peut être ailleurs et que ça peut marcher. On voulait aussi montrer aux habitants de Bois Blancs pourquoi on part régulièrement à Paris et ce qu’on fait avec la coordination nationale. On n’a pas fait comme à Paris, mais tout le monde nous a dit que c'était bien organisé.
Quelles ont été les principales expériences, préoccupations, problématiques que vous avez partagées avec les délégués des autres villes pendant ce weekend de rencontre ?
Chaque collectif a apporté ses idées et son envie de se battre pour lutter contre les injustices qui touchent les mineurs isolés et résoudre les problèmes qui se posent dans toute la France. Nous avons partagé nos situations et nos combats sur l’hébergement, la scolarisation et la durée du recours devant le Juge des enfants. Le premier constat, c’est que les situations sont différentes dans chaque ville. Par exemple, dans certains départements, les jeunes vont tous à l’école, qu’ils soient reconnus mineurs ou en recours, alors qu’à Lille nous devons nous battre pour avoir tous accès à l’école. Des grandes disparités existent entre les villes, alors que la loi devrait s’appliquer de la même manière pour tous. Nous avons partagé nos expériences pour voir où ça marche et comment ils ont fait pour que ça marche.
Ensemble, nous avons dénoncé la négligence de l’Etat, les échecs des politiques, le non-respect du droit des mineurs isolés et de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant pourtant ratifiée par la France. Tous nos collectifs sont concernés et c’est pourquoi nous voulons élargir la coordination pour qu’elle représente toutes les villes, tous les villages de France. Partout où il y a un mineur en recours, il faut que la coordination soit présente.
Que peut apporter cette coordination nationale aux différents collectifs en lutte et à celui de Bois Blancs en particulier ? Comment souhaitez-vous vous impliquer dans la coordination nationale dans les mois à venir ?
La coordination nationale doit avant tout nous aider à unir nos forces. Si on est unis, on pourra vaincre, si on est divisés, on ne pourra pas vaincre. Elle peut donner une ampleur nationale à nos manifestations locales pour visibiliser nos luttes. Elle peut aussi encourager des collectifs qui manquent de soutiens à manifester. On a envie d’organiser des manifestations communes, pour réclamer nos droits en même temps. On essaie de se donner la main !
La coordination nationale doit être un outil, un interlocuteur au niveau national. On espère qu’elle nous donne plus de visibilité, plus de soutiens politiques et que beaucoup de citoyens nous rejoignent dans nos actions. Il ne faut pas seulement dénoncer, nous attendons aussi de cette coordination plus de propositions pour trouver des solutions à nos problèmes d’hébergement, de scolarisation et de durée du recours.
La coordination nationale doit également aider les mineurs à créer des collectifs là où il n’en existe pas encore. C’est l’une des manières dont le collectif de Bois Blancs contribue à la coordination. Actuellement, nous échangeons en ligne avec des jeunes de Grenoble pour les aider à former leur collectif.
Notre collectif a beaucoup à partager avec les autres. Même le collectif de Belleville à Paris a appris en venant à Lille, en nous rencontrant, en rencontrant les habitants. Le lien fort qu’il y a entre les jeunes et les habitants de Bois Blancs est une force sur laquelle on va s’appuyer pour élargir la coordination nationale. Notre initiative d’inviter des élus et des responsables publics à visiter notre camp le 21 septembre 2024, dans le cadre de la Journée du Patrimoine, est également inspirante pour les autres collectifs et nous pourrions en faire une action commune en septembre 2025. Les camps sont un patrimoine indigne et la honte doit être du côté des responsables politiques !
La coordination nationale doit enfin permettre d’informer très largement sur la situation des mineurs isolés en France, d’expliquer notre situation qui n’est pas suffisamment connue de personnes qui pourraient être nos alliées. Nous devons aussi informer les jeunes eux-mêmes, pour que la lutte continue.
La coordination nationale constate avec regret que les droits des enfants, des mineur-es isolé-es, ne sont pas respectés. Elle appelle les mineur-es non accompagné-es et les soutiens à se tenir prêts pour les prochaines mobilisations nationales et réclamer les droits des mineur-es isolé-es ! La lutte, la lutte, jusqu’à la victoire !
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Pour écrire au collectif des jeunes : deleguesmnalille@gmail.com
Pour suivre sur les réseaux sociaux les luttes des collectifs de mineurs isolés en France :
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Toulouse, Rennes, Marseille, Besançon
Article d’Emilia Spada pour France 3 : https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/notre-place-n-est-pas-a-la-rue-des-mineurs-non-accompagnes-venus-de-toute-la-france-se-reunissent-pour-faire-entendre-leurs-droits-3148016.html
Pour découvrir l’histoire du camp de Bois Blancs en 2024 :
- Reportage de Blast : https://youtu.be/Fx8QRAFUBJw?si=Opd6jNKodG4DmS5y
- Documentaire de Louise Bihan - L’Insurgée : https://youtu.be/7Opn0FGc-Qk?si=yqMGvOgA4ur2UjNp
- “S’organiser, porter la voix”, Ecarts d’Identité, N°143 https://ecarts-identite.org/-No143-