Billet de blog 1 mai 2021

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Le Guêpier, annexe D : Lettre ouverte à Monsieur le Médiateur du groupe Squirrel

Annexe D de l’épopée à suspense inspirée des méandres de l’« affaire » DoublO

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Le guêpier1

Pas de noisettes pour les pigeons

(L’antimirage des chaumières)

Épopée2 à suspense
née de l’imagination de

Jean-Pierre Lamargot

1 « Endroit dangereux, situation complexe et délicate dont on arrive difficilement à sortir sans dommage. Synonymes : pétrin (familier), piège, souricière, traquenard. Donner, tomber dans un guêpier. »

« Ce n'est pas la peine de nous donner tant de mal pour tirer Albert du guêpier où il s'est fourré »  (François de Curel, La nouvelle idole, 1899, I, 1, p. 163), selon Le Trésor de la Langue Française informatisé (cf. http://atilf.atilf.fr/)

2 Long poème ou récit « de style élevé » où la légende se mêle à l'histoire pour « célébrer un héros ou un grand fait ». On pourrait sans doute à bon droit aussi bien parler de prétérition (« figure par laquelle on attire l'attention sur une chose en déclarant n'en pas parler »)

Annexe D : Lettre ouverte à Monsieur le Médiateur du Groupe Squirrel
20 octobre 2xx8

Monsieur le Médiateur,

Par votre courrier daté du 3 septembre 2xx8, posté le 15 et reçu le 18, vous avez bien voulu statuer en ces termes sur la demande que je vous avais faite le 17 juillet de la même année :

« Il reste que Squirrel n’a pas été en mesure de me fournir une copie des différents bulletins de souscription et par là même, me rapporter la preuve qu’elle avait bien satisfait à son obligation d’information en vous remettant à chacun les notices officielles validées par l’Autorité des Marchés Financiers.

Dans ces conditions, je propose qu’elle vous verse une indemnité correspondant à 50 % des intérêts acquis au taux du Livret B pendant la période considérée sur les capitaux placés hors droits d’entrée.

Squirrel m’informe cependant qu’elle est disposée à vous verser une rémunération de vos capitaux au taux du Livret B plus le remboursement des frais d’entrée. Je ne peux donc que vous inciter à accepter et à vous rapprocher de votre agence habituelle pour clore ce dossier sur un accord transactionnel car dorénavant, la solution dépend de sa seule responsabilité.

Je vous précise toutefois que mon avis ne s’impose pas aux parties. Aussi dans le cas où cette proposition ne vous satisferait pas, il vous appartiendra de prendre les dispositions que vous jugerez opportunes. » 

Je constate donc qu’en équité, vous avez scrupuleusement appliqué les dispositions de l’Article 5 de votre Charte en tentant d’obtenir de l’établissement teneur de compte « les éléments [vous] permettant de remplir [votre] mission ». En revanche, vous vous êtes abstenu de me demander « tout élément complémentaire utile à [votre] analyse ».

C’est fort regrettable car j’aurais été pour ma part en mesure de vous présenter les bulletins de souscription dont vous déplorez l’absence.

Il est également regrettable que vous n’ayez pas pris le soin de prendre connaissance de la réponse que j’avais faite en date du 19 août 2xx8 à votre accusé de réception daté du 28 juillet et signé de Madame A… B….

Vous auriez pu y lire, dans l’avant-dernier alinéa :
« sur la forme, le fait que les bulletins de souscription fassent « référence à la notice officielle validée par l’Autorité des Marchés Financiers » ne suffit pas à démontrer que le souscripteur en a effectivement pris connaissance a priori, sauf à prouver qu’il en a physiquement paraphé chaque page. » 

Au demeurant, en serait-il ainsi « que l'obligation d'information qui pèse sur [le] professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise de la notice visée par la Commission des Opérations de Bourse lorsque la publicité ne répond pas à ces exigences » (cf. arrêt n° 740 du 24 juin 2xx8 de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation). » 

Passe encore que vous accordiez si peu de cas à mes écrits, mais comment doit-on qualifier le fait que vous ignoriez aussi superbement la loi et sa jurisprudence ?

De manière tout à fait similaire, la même lecture vous aurait opportunément rappelé que :
« De manière similaire, l’utilisation du vecteur d’un plan d’épargne en actions ne saurait dispenser de « l’obligation d’évaluation préalable de la compétence et du profil des clients » »

vous évitant ainsi de récidiver en argumentant sur le fait que
« Par ailleurs, ces souscriptions ont été réalisées dans le cadre de vos deux plans d’épargne en actions respectifs ouverts en 1992, et dont le libellé à lui seul est sans ambiguïté quant à leur objet  ».

Au fait, avez-vous demandé à Squirrel et obtenu d’elle le document « notifiant sa catégorie au client », mentionné en page 43 de l’Annexe IV Catégorisation des Clients de la Convention de conservation tenue de compte d’instruments financiers dont PEA ? Si oui, quelle est la catégorie qui y figure ? Si non, nous sommes dans la même situation, car malgré mes demandes répétées, je n’en ai toujours pas eu communication.

De ce fait, je n’ai pas eu la possibilité de vérifier que cette catégorie correspond bien à notre profil sécuritaire et d’exiger une rectification dans le cas contraire. Sans nul doute, ce serait une réponse objective à votre surprenant argument : « Je constate que vous ne rapportez aucune preuve tangible que vous n’avez pas procédé à ces investissements successifs en toute connaissance de cause dans le but de rechercher des placements susceptibles de vous offrir un rendement supérieur au taux de l’épargne traditionnelle ».

Ne pensez-vous pas que si Squirrel consentait enfin à se conformer aux obligations nées pour elle de la transposition de la Directive MIF (en vigueur depuis le 1er novembre 2xx7, c’est à dire depuis près d’un an maintenant …), elle serait en mesure d’apporter des preuves tangibles ?

En outre, vous auriez évité d’écrire « Vous êtes mécontents de l’absence de rendement », si vous aviez jugé utile de m’entendre. En effet, j’aurais pu attirer votre attention sur les nombreux passages des « différents supports médiatiques » par lesquels j’expose clairement la cascade des fautes commises par Squirrel en matière d’ingénierie financière d’une part et de ciblage de clientèle d’autre part, se traduisant au final par un manquement grave au devoir d’information (c'est-à-dire d‘explication des mécanismes intimes des produits, de leurs inconvénients aussi bien que de leurs avantages, conduisant à un consentement éclairé) et de conseil (c’est à dire une attitude responsable s’interdisant de démarcher un client pour un produit qui ne correspond pas à son profil, voire même de le lui déconseiller s’il prenait l’initiative de s’y intéresser).

Enfin, je m’interroge sur votre proposition d’une indemnité « correspondant à 50 % des intérêts acquis au taux du Livret B ». 50 % ! ! ! Jugement de Salomon ? Ou bien encore, est-ce parce que Squirrel ayant avoué sa faute de n’avoir pas conservé les bulletins de souscription, elle en est à moitié pardonnée ? Je vous remercie cependant de préciser qu’elle « est disposée à [me] verser une rémunération de [mes] capitaux au taux du Livret B plus le remboursement des frais d’entrée » ; j’ai de ce fait, enfin, une trace écrite d’une offre qui ne m’avait jusqu’alors jamais été présentée que de façon résolument orale. Au fait, s’agit-il d’une « indemnisation » ou d’une « rémunération » ? Les deux termes ne sont pas synonymes, tant s’en faut !

Pour autant, vous ne serez surpris que je ne suive pas votre incitation que si vous n’aviez pas lu, non plus, le dernier alinéa de mon courrier du 19 août :
«  sur le fond, une indemnisation aux taux du Livret A ou B (au demeurant notoirement inférieurs au taux sans risque) ne constitue pas une réparation convenable du dommage subi, puisqu’il s’agit en l’espèce d’un préjudice matériel réel (donc au-delà d’une simple perte de chance, ainsi qu’a bien voulu me le confirmer Maître Dominique Rupin que j’ai contacté à ce sujet), doublé en l’occurrence d’un préjudice moral ».

Votre analyse ne se fonde donc de toute évidence que sur une vision très unilatérale de la situation.

Hélas, elle ne me surprend pas tout à fait puisque vous avez été, au titre de l’Article 2 de la charte, nommé par Squirrel. Elle me conduit cependant à des doutes légitimes sur votre impartialité, sinon sur votre compétence.

Ce sont ces doutes qui m’ont incité à saisir le Médiateur de l’AMF en dernier ressort, restant ainsi fidèle à ma volonté de rechercher encore et toujours une solution qui, pour être amiable, n’en serait pas moins équitable.

La conclusion de votre courrier signifie très clairement qu’il met un terme définitif à nos relations ; vous ne serez donc pas surpris de la publication des présentes sous forme de lettre ouverte. D’autant plus qu’elles me paraissent constituer un élément d’information édifiant à l’égard des dizaines de milliers d’épargnants qui n’ont eu d’autre tort que d’accorder leur confiance à Squirrel, confiance dont elle a abusé, les conduisant bel et bien à une vaste série de spoliations.

En regrettant que votre alignement sur les égarements de Squirrel (par lesquels elle renie scandaleusement son passé et sa tradition) porte une très sérieuse et très inopportune atteinte à la dignité et à la crédibilité de la fonction que vous représentez, je vous prie tristement d’agréer, Monsieur le Médiateur, l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-Philippe Palombe

Prochain épisode : Annexe E – Lettre ouverte de JP Tudor à Madame la Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi
24 octobre 2xx8

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