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Billet de blog 23 septembre 2025

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Quand des écoles privées religieuses font leur loi

Le livre ainsi intitulé du journaliste indépendant Alexis Da Silva propose un état des lieux du fonctionnement des écoles privés d’enseignement et un constat d’un système de contrôle aléatoire.

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C’est peu dire que le livre du journaliste indépendant Alexis Da Silva conforte les analyses du Comité National d’Action Laïque et de l’ensemble des organisations héritières des grands combats du mouvement laïque. Alexis Da Silva est un jeune journaliste qui travaille notamment pour L’Express, Marianne, La Croix… Le 6 juin 2022, L’Express publie un article de lui « Stanislas, le collège d'élite qui prône la "pudeur" féminine face aux "pulsions" des garçons », le premier article sur « l’affaire Stanislas ».  A la suite d’une enquête d’un an, ayant interrogé plus de 140 personnes et collecté autant de documents, Alexis Da Silva publie « Quand des écoles privées font leur loi » aux éditions Robert Laffont. Le sous titre est explicite : « Communautarisme, tabou de la sexualité, liberté de conscience menacée… Qu’enseigne-t-on à nos enfants ? » . A l’opposé d’un pamphlet, l’ouvrage est une enquête exposant des faits accompagnés de commentaires mesurés. Il est construit en deux parties.

« Un contrat avec l’État qui n’est pas toujours respecté ». La première partie démontre que le texte, et même l’esprit, de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, dite loi Debré, est outrepassée dans le fonctionnement de ce qui devenu des réseaux concurrents de l’enseignement public. A commencer par son Article premier qui stipule «  l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'Etat. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinions ou de croyance, y ont accès ».

L’auteur souligne le caractère flou de ce « caractère propre » non défini par la loi. Il multiplie les exemples précis de dérogations à la règle qui veut que les célébrations et temps religieux soient facultatifs et placés en dehors des cours. Ce qui n’est guère étonnant dans une situation où les professeurs des écoles sous contrat sont des agents publics rémunérés par l’État soumis à l’autorité de directeurs nommés par le diocèse ou une congrégation (pour les établissements catholiques). La situation étant analogue dans les établissements juifs et musulmans. Les  affirmations identitaires outrepassant la loi dans ces différents réseaux ont fait l'objet d'un article dans la présente édition

Les professeurs exerçant dans établissements sont pourtant censés disposer de leur liberté de conscience. Alexis Da Silva énumère des cas où elles et ils sont jugés sur leur adhésion au projet de l’établissement. Cette participation active étant distincte de leur fonction d’enseignement. Faits confirmés par Franck Pécot, secrétaire général du Syndicat national des enseignants et des personnels des établissements d'enseignement privés SNEP-UNSA

Les élèves sont également censés voir leur liberté de conscience garantie. Nous sommes loin du compte selon l’auteur qui multiplie là-aussi les exemples. Les chapitres consacrés à la sexualité et à la censure des œuvres sont démonstratifs des intrusions cléricales dans les vies personnelle et intellectuelle de ces enfants. Le chapitre consacré à l’entre-soi particulièrement pesant dans les écoles juives et musulmanes mettent en évidence, grâce à des témoignages souvent anonymes, des communautarismes peu compatibles avec les valeurs républicaines.

La deuxième partie du livre interroge : « Un système hors de contrôle ? ». Alexis Da Silva s’appuie d’abord sur un rapport stupéfiant de la Cour des comptes rendu en 2023. Ce Rapport public thématique. L’enseignement privé sous contrat révèle que le contrôle financier de l’État « n’est pas mis en oeuvre » et que le contrôle pédagogique est « exercé de manière minimaliste ». L’enquête de l’auteur confirme avec de multiples détails le diagnostic de l’honorable institution. Le flou des financements comme le soutien des élites politiques de droite comme de gauche sont mis en évidence. L’État fait l’autruche… de façon variable selon l’identité des établissements.

Il apparaît que les établissements catholiques finissent par être réellement inspectés quand des scandales émergent, comme à Stanislas ou -bien pire- à Bétharram. En revanche les établissements juifs semblent passer sous les radars. Ce qui n’est pas le cas des établissements musulmans contrôlés à une fréquence beaucoup plus grande que les autres. Serait-ce abuser que de demander que ces inspections, tout à fait nécessaires, soient effectuées de la même façon dans tous les établissements ?

On l’aura compris, la lecture de ce livre est un exercice civique recommandé. Ce qu’on appelle historiquement la question scolaire est une question décisive. Elle est liée à la question sociale comme le prouve notamment la publication des IPS (indices de position sociale) en octobre 2022. Elle justifie la nécessaire mobilisation du monde militant laïque attaché à la promotion de l’école pour tous, l’Ecole de la République.

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