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Lorsqu'elle rend son arrêt dans l'Affaire des Biens Mal-Acquis (BAM) la Cour de Cassation fait exploser une bombe judiciaire dans le système de corruption liant la politique française et les roitelets africains qui saignent leurs pays depuis des décennies. L'affaire commence avec le CCFD-Terre solidaire, ONG catholique œuvrant pour le Développement humain qui constate l'impact de la corruption sur le développement des pays d'Afrique. Décidés à porter en justice les dépenses somptuaires des dignitaires africains en France, l'association reçoit le soutien de l'avocat William Bourdon, fondateur de l'association anticorruption Sherpa. De 2007 à 2010 (rendu de la Cour de Cassation) plusieurs plaintes sont déposées par des associations anticorruption auxquelles s'oppose le Parquet, faisant considérablement évoluer la jurisprudence en aboutissant à la possibilité pour ces organismes non étatiques d'attaquer des systèmes constitués en intérêts stratégiques...

Utilisant avantageusement le dessin fort sympathique de Solé pour illustrer des mécanismes complexes, les auteurs utilisent la technique du narrateur en mettant en scène Jean Merckaert, l'employé du CCFD qui lança l'affaire, pour nous raconter les enjeux tentaculaires de cette affaire. Comme l'expliquaient les auteurs de l'excellente BD La Malédiction du pétrole, l'or noir corrompt les dirigeants et les Etats par la nature même des circuits d'exploitation et de financement. Les pays occidentaux ayant besoin de pétrole bon marché pour faire fonctionner leur économie ils corrompent une élite africaine qui se retrouve à brasser d'énormes sommes d'argent hors de tout contrôle, mêlant comptes privés et comptes publics en gestion monarchique de leurs pays. Cette liquidité permet de financer sous le manteau la quasi-totalité des partis politiques français, notamment lors d'élections présidentielles, que les gouvernements soient de gauche ou de droite. Les exemples de valises de billets brasés par Jacques Chirac lui-même sont marquants. Faisait apparaître des témoins de première main l'album sidère le citoyen en réalisant combien la justice est ficelée par un pouvoir politique qui vaut à la France une place bien peu enviable dans les classements internationaux de la corruption (entre le Bhoutan et les Emirats arabes unis...). Il permet surtout de lier les questions de financement occulte des partis, de paradis fiscaux, d'indépendance de la justice, de rôle de la société civile jusqu'à l'explication limpide des raisons de l'état catastrophique de l'Afrique quand on nous montre la corrélation entre production de pétrole et investissements publics.

On ressort de cette lecture très pédagogique totalement sonné par une situation dont on n'imaginait pas la persistance jusque sous le mandat de François Hollande, mais avec l'illustration qu'un système installé depuis un demi-siècle est en train de disparaître ou plutôt de se transformer. On peut ainsi imaginer des raisons au financement présumé des campagnes de Sarkozy par Mouammar Khadafi...
L'album a été publié dans la Revue dessinée avant de sortir en format relié chez Glénat en 2018.
Pour prolonger:
Emission Mediapart sur le système Bongo.