La promesse de transparence (et de vérité) restera, jusqu’à nouvel ordre, un territoire inaccessible pour la banque verte. Clarifier - imposer la réforme de la gouvernance pour consolider les fonds propres via la fluidité entre les structures - était le grand projet de Philippe BRASSAC.
Le nouveau patron était vu comme l’homme de la situation pour cette opération ROC (Réorganisation de l’Organe Central) promise depuis plusieurs années. Il avait prévu la clarification pour septembre 2015 mais, dans l’impossibilité de tenir l’engagement, vient d’y renoncer. L’obstacle résulte de l’opposition de la Banque Centrale Européenne qui refuse une confusion des genres et des identités par crainte de la contagion, du dangereux précédent.
La sanction du « marché » a été spectaculaire : chute instantanée – plus de 10% – du cours en Bourse de l’action du Crédit Agricole dès l’annonce du 4 août. Quinze jours plus tard, la nouvelle n’est pas digérée par les analystes financiers. Ni par le monde de l’ESS, par les sociétaires.
Pour les financiers, la déception est à la hauteur des attentes telles que signalées par Véronique CHOCRON, dans les Echos du 19 janvier 2015 « Crédit Agricole : le projet de réforme séduit les analystes ». (lien) Attentes à vrai dire démesurées, celles d’un mélange des genres hors de tout contrôle… Très précisément ce que refusent, depuis quinze ans et plus, les sociétaires vigilants.
Le triomphe annoncé, programmé, des équilibristes de la finance et de la morale reste un mirage, la perspective d'un mariage impossible.
Le constat d’échec établi par la presse est explicite :
- « Le Crédit Agricole ajourne sa révolution », le Figaro du 4 août, Bertille BAYART
- « Crédit Agricole chute, la réforme de la gouvernance bloquée », les Echos du 4 août 2015
- « Crédit Agricole : baptême du feu sanglant pour Philippe BRASSAC », Renaud BELLEVILLE, L’Opinion du 4 août 2015
Dans l’article du 13 juin 2015 de cette édition (« les Banques coopératives sont-elles solubles dans la Bourse ?), nous écrivions « Le projet ROC est une bombe à retardement ».
Le vrai dossier est celui du mariage contre-nature entre la spéculation et le « sans but lucratif ». Un sujet que l’actualité fait ressortir dans d’autres domaines et tout spécialement dans le monde agricole avec les coopératives laitières ou d’abattage et de transformation que les sociétaires (les propriétaires) voient désormais comme des adversaires. Ceci avec une explication simple et lucide (« les coopératives nous échappent, « ils » font remonter le gras dans les filiales, sous leur contrôle »). C’est qui « ils » ? Bonne question.
Le scandale Spanghero est parmi les innombrables cas d’école : la confusion génère la fraude, l’accélération constante du mouvement lié à la logique « mutualisation des risques et privatisation des profits ». Une vrai clarification supposerait d’abord de faire le ménage… Et d’abord dans toutes les grandes banques coopératives dénaturées par les filiales (Natixis n’est qu’un exemple, hyper caricatural).
Au final, difficile de faire fonctionner une usine à gaz, de résoudre la quadrature du cercle. De s’afficher serein bien que coincé entre des logiques contradictoires, inconciliables.
Comment des banques alternatives peuvent-elles justifier de mettre leurs sociétaires entre les mains de filiales comme Sofinco (Crédit Agricole) ou Cofidis (Crédit Mutuel) ? Raiffeisen ne cesse de s’en retourner dans sa tombe car c’est l’inverse même de son projet initial (libérer les sociétaires des griffes des usuriers).
Il est urgent de faire disparaître les filiales emblématiques de la trahison du modèle et de l’idéal, pour en revenir aux lois originelles : l’égalité de tous et la redistribution des excédents.
Au fait, où en est la « séparation des banques » ?
Le Crédit agricole, le Crédit Mutuel (et les autres), doivent écarter les filiales qui les dénaturent, les pervertissent. Un point de départ pour le retour au respect des valeurs de la loi fondamentale du 10 septembre 1947.
Liens
- « Le Crédit Agricole ajourne sa révolution » le Figaro du 4 août par Bertille BAYART
« Un revers imputable à la négociation avec la Banque Centrale Européenne »
- « Crédit Agricole chute, la réforme de la gouvernance bloquée » les Echos du 4 août 2015
- « Pourquoi le titre du Crédit Agricole a chuté de 10% en Bourse » les Echos du 4 août 2015 par Véronique CHOCRON. « Le projet ROC s’éloigne.» (circulation fluide du capital au sein du groupe !)
- « CAC 40 : le décrochage du Crédit Agricole pèse » Boursorama du 4 août 2015
- « Crédit Agricole : baptême du feu sanglant pour Philippe BRASSAC ». Renaud BELLEVILLE, L’Opinion du 4 août 2015.