Nous n’avons pas encore saisi l’ampleur et la dangerosité des transformations engagées au sein de l’éducation nationale et surtout, nous n’avons pas encore compris à quel point, ces mesures vont embourber la jeunesse dans la problématique écologique. La politique éducative engagée qui place les neurosciences et l’esprit patriotique au cœur de son projet pédagogique est non seulement dangereuse pour l’équilibre de notre démocratie mais elle confirme également, le désintérêt total du gouvernement pour l’avenir de notre planète et donc des conditions de vie, voire de survie de la jeunesse : Nomination de S. Dehaene professeur de psychologie cognitive comme président du Conseil scientifique de l’enseignement (1) chargé d’étudier le contenu des formations enseignantes et des manuels scolaires (dénoncé par nombre d’intellectuels et pédagogues.) Réorientation des programmes d'enseignement moral et civique priorisant le respect d’autrui et la construction d’une culture civique. Nomination de S Ayada, à la présidence du Conseil supérieur des programmes, pour qui «l’enseignement de l’histoire doit aujourd’hui, plus que jamais, promouvoir le sentiment d’appartenir à la nation.» Objectifs de performance assignés aux établissements du secondaire, qui renvoie à une logique concurrentielle. Parcoursup qui trie et broie tout ce qui ne rentre pas dans le cadre de son programme informatisé et bien sûr la cerise sur le gâteau, le pompon : le service national universel obligatoire (S.N.U) pendant 1 mois à 16 ans.
Comme nous en alerte Clément DOUSSET dans son article ‘Politique et neuroscience’ «L’enjeu de la prise de pouvoir qui est en train de s’opérer semble échapper à tout le monde. La mise en place du conseil scientifique de l’éducation ne pourrait être qu’une étape du régentement par la science des individus» (2) si on y ajoute le renforcement du continuum éducation armée à travers le S.N.U, associé à la logique managériale basée sur la loi du plus fort, vers quel projet de société notre gouvernement conduit la jeunesse ?
La pollution mondiale a entrainé un effondrement de la biodiversité : les populations de vertébrés (poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles) ont chuté en seulement 44 ans de 60 % (3) (sans compter les autres pertes, forets, plantes, invertébrés…), seul un quart des terres a actuellement échappé à toutes activités humaines confondues, un chiffre qui pourrait chuter à 10 % en 2050 : Pensons-nous vraiment que quelque chose va changer si nous continuons à enseigner à nos enfants grâce à ce fabuleux conseil scientifique de l’éducation que les technosciences vont tout résoudre ? Que l’homme est le plus fort et qu’il peut continuer à dominer la nature et ses semblables ?
Ce n’est pas de retrouver le sentiment d’appartenir à la nation dont les jeunes ont besoin mais le sentiment d’appartenir à la terre entière, c’est la survie de l’humanité qui est en jeu aujourd’hui, pas celle de notre nation ! Le S.N.U et l’ensemble des réformes de l’éducation nationale vont enfermer un peu plus nos enfants, dans l’illusion trompeuse que la science peut tout résoudre et que l’armée est là pour les protéger mais où est la véritable menace ? Que peut l’armée face aux déchainements climatiques qui se multiplient ? Que peut l’armée face à l’effondrement de la biodiversité ? Notre gouvernement se présente comme un rempart face à la montée du populisme en Europe, tout en priorisant l’esprit nationaliste au cœur même de nos écoles, ce n’est pas paradoxal ?
L'urgence écologique nous oblige à un choix de paradigme pour l’avenir de nos enfants: le gouvernement actuel le dit le service national universel est un projet de société, prioriser l’urgence écologique l’est aussi, il faut à présent faire un choix de paradigme. Une autre voie est possible, L’Etat en prenant appui sur la référence constitutionnelle de la Charte de l’Environnement pourrait proposer un projet éducatif cohérent et porteur d’espoir, redéfini à la lumière de l’éducation à l’environnement en milieu scolaire et des nouveaux modes de «vivre ensemble» qu’elle propose.
Plus nous retardons la mise en place d’une éducation à l’environnement et plus nous privons nos enfants de la possibilité de choisir, d’étudier, de stimuler leur créativité, de se projeter dans un futur différent, solidaire de la nature et de l’humain, ce ne sont pas nos enfants qui refusent de changer, c’est nous qui leur refusons la possibilité de le faire en leur refusant cette éducation ! Il ne s’agit pas de se décharger sur les jeunes du problème, c’est l’inverse : si nous ne faisons pas d’urgence de cette éducation la priorité, nous laisserons aux jeunes la gestion d’une planète dévastée par la pollution, sans aucune possibilité d’intervenir sur celle-ci.
Déjà en 1987 la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement, à travers le rapport Brundtland prévenait : «La Commission s'adresse en particulier aux jeunes. Les enseignants du monde entier auront un rôle crucial à jouer pour porter notre message à leur connaissance.» (4) 31 ans après l’Académie des sciences dit la même chose : «Pour faciliter l’adaptation des sociétés aux réponses de la biodiversité aux changements climatiques, l’apport des Sciences de l’Homme et de la Société et le développement d’une «éducation appropriée à un développement durable» sont indispensables.» (5)
Pourquoi les décideurs politiques et les adultes en général passent-ils à côté d’une telle évidence ?
Un commentateur sur BFM parlait récemment en forçant le trait de ‘suicide collectif’, il n’a pas tout à fait tort : l’humanité se comporte comme une secte qui inculque de fausses valeurs à ses enfants et n’hésites pas à les entrainer dans sa chute. Comment faire l’impasse de l’importance fondamentale du rôle de l’éducation dès le plus jeune âge, dans les changements attendus ? L’entreprise est rendue d’autant plus complexe que l’humanité est en train d’acquérir un nouveau savoir mais qui est basé sur l’expérience de sa propre destruction de la planète:
La psychopédagogie explique la phase dans la construction des connaissances chez l’élève qui nécessite au préalable une déconstruction de connaissances antérieures, fausses, spontanées, valables seulement dans un champ restreint. «Cette déconstruction est provoquée par un conflit de représentations qui amènera une régression dans l'état des connaissances et ce n'est qu'après cette déconstruction (phase de déstabilisation et de réorganisation de ses connaissances) qu'on pourra intégrer les nouveaux éléments dans une représentation plus large et nouvelle.» (6) Dans la situation actuelle, les rôles sont inversés, c’est l’adulte qui apprend à ses dépens (mais surtout à ceux de la jeune génération), qu’une grande partie de son savoir était faux. Les théories sur lesquelles il l’avait construit avaient pourtant été validées par des expériences concluantes, certains produits chimiques notamment, dans lesquels nous «baignons» aujourd’hui avaient été testés sur des animaux de laboratoire et ils ne devaient représenter aucun danger pour l’homme et l’environnement mais l'expérience grandeur nature a démontré le contraire : Comme nous y invite la Directive 2010/63/UE du Parlement Européen et du Conseil relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, il faut abolir l’expérimentation sur les animaux et favoriser les programmes de recherches scientifiques basés sur des méthodes de substitution à l’expérimentation animale. (7)
La jeune génération doit s’emparer du problème et le prendre très au sérieux : Ses ainés savent que la planète brûle, ils savent pourquoi mais ils cherchent encore à comprendre comment elle brûle. Un collectif étudiants a lancé cet appel que je transmets ici et qui mérite toute notre attention et notre soutien : https://pour-un-reveil-ecologique.fr
- http://www.education.gouv.fr/cid124957/installation-du-conseil-scientifique-de-l-education-nationale.html
- https://blogs.mediapart.fr/clement-dousset/blog/211018/politique-et-neuroscience
- https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante-2018
- https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf
- http://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_270617.pdf
- http://pedagopsy.eu/page646.html
- https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX%3A32010L0063