
Il est bien dommage de constater, que le S.N.U ne soit commenté (et encore quand il l’est), que par le petit bout de la lorgnette, alors qu’il est qualifié par le président Macron lui-même, de véritable projet de société et par son récent secrétaire d’Etat de réforme sociétale la plus structurante du quinquennat.
A l’aube d’une nouvelle ère qui correspond pour certains à l’Anthropocène, pour d’autres à la quatrième révolution industrielle et pour le GIEC à un énième avertissement, ce projet correspond aussi et peut être surtout, à un choix de paradigme qui questionne autant notre cohésion sociale, que notre représentation du monde. Comme dans toute période de grand changement, la tentation est grande de s’accrocher à des méthodes périmées, le service national universel même remanié et modernisé en fait partie; Malgré la volonté affichée du gouvernement de le présenter comme le creuset d’une laicité renouvelée et émancipatrice, le renforcement du continuum armée éducation n’échappe à personne et ce repli sur l’identité nationale au sein de l’éducation nationale ne semble inquiéter personne. Il n’est pas inutile de rappeler au passage, que l’armée n’est pas à l’ initiative de ce projet auquel elle était d’ailleurs, plutôt opposée. (1)
Le service national universel qui est l’aboutissement du parcours citoyen des élèves dont les priorités ont elles aussi été revues depuis la rentrée fait abstraction de la réalité d’un modèle de développement qui a atteint ses propres limites, tout en tentant d’en contrôler les débordements, ce qui donne l’impression d’une dangereuse illusion, qui contraste avec l’assurance et le déterminisme du gouvernement. Il est pourtant loin d’être certain qu’une telle dépense soit justifiée et encore moins sûr, que ce projet soit en adéquation avec les grands défis écologiques de notre temps.
Dans un Rapport du 27 juin 2017 (2), intitulé «Les mécanismes d’adaptation de la biodiversité aux changements climatiques et leurs limites» l’Académie des sciences recommande : «Pour faciliter l’adaptation des sociétés aux réponses de la biodiversité aux changements climatiques, l’apport des Sciences de l’Homme et de la Société et le développement d’une «éducation appropriée à un développement durable» sont indispensables.» Ce n’est pourtant pas nouveau, déjà en 1987 la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement, à travers le rapport Brundtland (3) prévenait : «La Commission s'adresse en particulier aux jeunes. Les enseignants du monde entier auront un rôle crucial à jouer pour porter notre message à leur connaissance.»
Or 31 ans après, soit quand même une bonne génération, qu’en est-il de notre éducation sur ce plan ? Au 1ER Juillet 2017 seulement 18 % d’écoles et établissements scolaires étaient labellisés E3D, (cette labellisation académique voulant dire que ces structures scolaires associent tous leurs intervenants : administration, enseignants, personnel, élèves, parents d'élèves, dans une démarche d’éducation à l'Environnement.) Ce faible résultat prouve que l’Education à l'Environnement est la grande oubliée de la politique de transition écologique, alors qu’elle est l’une des pièces maîtresses, pour ne pas dire la pierre angulaire, d’un changement que nous attendons tous. Il ne s’agit pas de se décharger sur la jeunesse de cette transition, bien au contraire, si nous ne faisons pas de cette éducation une priorité, c’est justement à la jeunesse que nous laisserons la gestion d’une planète dévastée par la pollution avec les conséquences dramatiques sur la cohésion sociale que ces bouleversements ne manqueront pas d’ entraîner. Enfin dramatiques, non pas exactement, puisque le gouvernement est en train de cadrer tout ça avec le S.N.U...
Le gouvernement a donc fait son choix : celui de renforcer le continuum armée éducation, tout au long du parcours citoyen, au détriment de l’éducation à l’environnement, qu’il a relégué à une option citoyenne comme les autres. Comment se positionnent les défenseurs de l’environnement face à ce projet ? Sont-ils satisfaits de ce choix ?
Notre planète est aujourd’hui à son point de rupture notamment car des générations entières ont manqué d’une éducation solide à l’environnement, de ses connaissances et de ses valeurs de respect fondamentales. Cette éducation, ce n’est pas simplement apprendre aux enfants et aux étudiants à faire du recyclage ou à consommer bio : c'est beaucoup plus que cela. Dans les prescriptions de l’éducation nationale, celle ci se conçoit dans une démarche démocratique et se construit collectivement, en y associant les élèves, c'est le chemin vers l'alternative à la société de consommation, l'apprentissage de la culture de l’économie sociale et solidaire (E.S.S) grâce notamment aux partenariats que peuvent développer les structures scolaires avec des acteurs extérieurs qui oeuvrent dans le domaine de l’environnement. Il s'agit de former des éco citoyens responsables et solidaires afin de prévenir les dérives totalitaires écologiques ou politiques auxquelles nous risquons d’avoir recours dans les années à venir, faute d’avoir su prendre en compte les innombrables recommandations des scientifiques.
L’Education à l'Environnement réclame des moyens importants afin de resituer les véritables priorités et urgences qui sont que NOTRE PLANETE SE MEURT !
Notre collectif a lancé début septembre 2018, un Appel pour une alternative au service national universel :
https://www.change.org/p/oui-a-l-education-a-l-environnement-non-au-service-national-universel
3 https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf