De jour en jour la « colère » qui m’a conduit à entamer, à travers la question « Débattre du travail est-ce possible ? », une réflexion sur le statut de l’activité devenue centrale dans toutes nos sociétés, se transforme en détermination. Comprendre comment l’humanité toute entière peut, après des siècles de « progrès occidental », être de plus en plus courbée sous le joug de la nécessité vitale est devenu essentiel pour moi.

La crise actuelle a au moins le mérite de révéler dans toute sa crudité l’impasse dans laquelle nous sommes engagés : un processus de développement accéléré, généralisé et globalisé que l’on veut maintenant rendre durable, alors même qu’il asservit progressivement l’ensemble des humains et détruit le monde dans lequel ils tentent de vivre et d’agir ensemble.
Les analyses ne manquent pas, beaucoup intéressantes. Elles font en général la part belle à la « science » dominante de notre époque, l’Economie. Discipline qui montre ses limites aujourd’hui aussi bien pour anticiper ou éviter la crise, que la comprendre et la traiter. D’autres éclairages sont indispensables si nous voulons ouvrir des chemins pour sortir de deux de nos maux actuels : la pensée binaire et le tout calcul.
Je tente d’en proposer un à l’aide des concepts développés par la théoricienne politique, philosophe de formation, Hannah Arendt[1].
J’ai d’abord effectué une première « dissection » de ce que nous appelons travail à l’aide des modalités distinguées par Hannah Arendt dans l’activité humaine : labeur, œuvre, action.
Un deuxième article a permis de faire émerger une première question : le travail aujourd’hui est-il au-delà du labeur ?
Déçu par l’écho limité et découragé par la difficulté de la tache, j’ai bien failli renoncer et j’ai exprimé mon doute et ma fatigue ? Encouragé par les commentaires suscités par cet article, renforcé dans ma détermination par le « toujours plus de la même chose » adopté comme politique en Europe, intéressé par le ton nouveau apporté par Obama, je poursuis mon investigation.
Je viens de terminer une nouvelle relecture des premiers chapitres de Condition de l’homme moderne. Alors même que la pensée de Hannah Arendt est souvent présentée comme une pensée de l’action politique, ce qui est en grande partie exact, il me semble que l’on passe à côté de son apport essentiel sur ce qu’est, à l’origine, et ce qu’est devenu, aujourd’hui, le travail.
Dans mon prochain article je tenterai de synthétiser cet apport autour de la question suivante. Comment le travail est-il devenu un processus de servitude, parfois volontaire, des êtres humains et de destruction du monde construit par les générations précédentes ?
En attendant, pour ceux qui aimeraient se plonger dans la pensée foisonnante de Hannah Arendt, Je donne en fichier joint l’ensemble des extraits de Condition de l’homme moderne que j’ai, à ce jour, rassemblés autour du thème du « travail ».
[1] Travail, œuvre, action, natalité et pluralité, monde, domaines privé, public, et social, richesse et propriété, division du travail et spécialisation de l’œuvre, aliénation par rapport à la terre et par rapport au monde,...