Nombreux sont les ouvrages qui paraissent pour alerter ou décrire le rabougrissement progressif de la démocratie. Le taux de participation aux élections en est l’indicateur le plus visible et suscite, après chaque scrutin, ces débats devenus lassants, dans lesquels semblent s’émouvoir les élus au pouvoir, alors qu’ils sont pour l’essentiel les premiers responsables de ce désintéressement. Oui, la démocratie s’effrite et un mouvement de grande ampleur est à craindre… ou, selon sa forme, à espérer.
Les élections présidentielles des 10 et 24 avril se profilent pour ne rien changer sauf si ! Si l’on accorde quelques crédits aux sondages, la réélection d’Emmanuel Macron à la tête de l’État ne semble pas faire de doute, quel que soit son opposant au second tour. Les vestiges de la droite républicaine et les socio-démocrates, élèveront une nouvelle fois ce front républicain qu’ils se complaisent d’entretenir à coup de slogans pour permettre de prolonger les méfaits du néolibéralisme, dénominateur commun d’une démocratie en péril.
Et si Le Pen ?
Pour réfuter le sentier ordinaire qui nous est présenté du remake de 2017 – un duel Macron-Le Pen – imaginons deux secondes une capitalisation majoritaire cumulant toutes les haines contre le président sortant ! Les spoliés de l’APL ; les gens qui ne sont rien ; les non-vaccinés qu’il emmerde ; les vaccinés qu’il emmerde aussi… ; les chômeurs aux allocations réduites n’ayant pas traversé la rue ; le personnel de santé suspendu ; les salariés qui devront partir à la retraite à 65 ans ; les Gaulois réfractaires ; ceux qui vivent avec le pognon de dingue des minima sociaux ; les parents qui devront payer davantage pour l’université ; les fainéants, les cyniques et les extrêmes qui manifestent ; ceux qui foutent le bordel, plutôt que d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir du travail ; ceux qui ne travaillent pas pour se payer un costard, les femmes illettrées salariées de chez Gad, les passagers des bus pour les pauvres, etc.
Si ces électeurs sont plus motivés par la haine contre Macron que par une étiquette politique, alors tout est possible ! Le front républicain de la bourgeoisie bien-pensante peut tomber ! Marine Le Pen pourrait être élue. C’est ce que prédisait l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry. Une conséquence possible pour avoir mis un gamin à l’Élysée (source). Mais après ?
Si cette hypothèse Le Pen venait à se concrétiser, il y aurait peu de changement pour le quotidien des Français. Il ne faut pas oublier que la droite extrême est de droite ! Les riches continueraient d’être riches ! Certes, il y aurait cette autre guerre, ici, contre les immigrés. Elle occuperait le devant de la scène un moment, mais en rien, elle ne permettrait d’améliorer les fins de mois, de partir à la retraite à 60 ans, d’offrir un logement décent, de créer des emplois et de répondre à l’urgence climatique, etc. Quant aux mesures liberticides contre le peuple, à la répression contre les manifestations, faut-il rappeler que ces violences sont l’apanage de l’extrême droite dans d’autres pays. Les trois années écoulées démontrent qu’elles ne sont plus un domaine réservé aux extrêmes. La droite reste la droite. Macron n’y déroge pas ! Il y aurait bien quelques nuances, mais globalement, la très grande majorité des Français ne verrait pas sa situation évoluer dans le bon sens.
Si la haine contre Macron se trouvait inférieure à 20 % des électeurs, la France connaîtrait alors cinq ans de plus avec la même équipe ! La droite soutiendra Macron parce qu’il applique la politique qu’elle rêverait d’appliquer si elle accédait au pouvoir. Le Parti socialiste et ses alliés reprendraient leur chant bêlant contre la droite extrême, pour se replonger dans les bras d’un président qu’ils ont fait naître.
Et si Mélenchon ?
S’il poursuit sa progression dans les sondages, (donné troisième entre 12 et 14 % dans la plupart des sondages), il pourrait se rapprocher de son score de 2017 et se retrouver opposé à Emmanuel Macron au second tour. Un débat entre les deux élus aurait alors une autre allure que le Macron/le Pen de 2017 ! Un vrai débat entre deux mondes ; entre le néolibéralisme privatif de richesse et le socialisme véritable partageant équitablement les richesses produites. Cette phrase est évidemment très réductrice, mais si nous analysons tous les maux pesant sur le monde du travail, le pouvoir d’achat, la santé, la retraite, la pauvreté, etc., la cause des causes se révèle être le néolibéralisme. C’est-à-dire, cette organisation des affaires qui capte les bénéfices pour quelques-uns et mutualise les pertes sur tous les autres. La droite extrême n’inverserait bien sûr pas la chose !
Contre Jean-Luc Mélenchon, les mêmes soutiendraient la droite Macroniste, des Républicains au PS. D’autres s’abstiendraient ! Les troupes de Mélenchon, de l’Avenir en commun, seraient certainement enrichies par celle du Parti communiste, par celle de l’anti-Macron, mais elles seraient insuffisantes pour renverser la table. SAUF, si la même haine contre Macron emporte la majorité ! Pour cela, il faudrait qu’une très grande partie des électeurs d’extrême droite reprennent le chemin de la gauche qu’ils ont progressivement abandonné (Cette France de gauche qui vote FN -Pascal Perrineau-2017).
Inutile de dire, que cette perspective est nettement plus encourageante que celles de la droite, qu’elle soit extrême ou pas.
Le biais de la démocratie à la Française
C’est donc le niveau de haine contre Macron qui va qualifier le vainqueur ! Si cette répulsion n’était pas suffisante, comme en 2017, l’expression démocratique porterait au pouvoir un homme soutenu, au mieux, par 30 % des exprimés et au pire par moins de 20 % de la population. Le régime présidentiel à la Française de la Ve République, réformé par le quinquennat, s’apparente sans nuances à la monarchie absolue. Avec la majorité rampante de LREM de l’Assemblée nationale, la présidence Macron s’est rapprochée d’un régime quasi-totalitaire, c’est-à-dire d’un pouvoir sans partage. Faut-il parler de la gestion de la crise sanitaire par un conseil de défense ? Si l’on ajoute à cela l’emprise des cabinets privés dans toutes les strates de l’État (les infiltrés), le pantouflage des hauts fonctionnaires glissant de Bercy aux banques privées ou des banquiers qui investissent Bercy (La caste – L’Hydre mondiale) et, cerise sur le gâteau, une presse tenue par les milliardaires (exemple dans le Monde diplomatique), etc., la voix du peuple est confisquée et l’élection démocratique biaisée par tous les artifices du pouvoir.
Dans un tel système, sauf sursaut des véritables démocrates et donc, des vrais opposants à Macron, la VIe République à laquelle aspire Mélenchon et une grande majorité des Français (ICI), ne verrait jamais le jour par des votes organisés sous le régime de la Ve. Pour passer de la monarchie, quasi-despotique, à la VIe République, une autre révolution s’imposerait, car elle serait inévitable.
Comment pourrait-elle passer par les urnes ?
Les détenteurs du pouvoir ne veulent rien lâcher et la révolution pacifique que propose Mélenchon a peu de chance d’aboutir par la voie des urnes, si les énervés du macronisme restent chez-eux. Le mouvement des gilets jaunes pourrait s’apparenter alors, à des hors-d’œuvre de ce que peut devenir la révolte des gens qui ne sont rien, mais surtout qui n’ont plus rien ! Viendrait vite l’heure où il faudrait payer le « quoi qu’il en coûte » de la crise COVID, à laquelle s’additionnera les conséquences de la guerre en Ukraine. Le président Macron est en mission et ferait fi de tout ceci, trop occupé à poursuivre la normalisation du peuple soumis aux lois du marché. La réforme des retraites, la fin de la gratuité des universités, la poursuite des privatisations, la casse des services publics, etc. En résumé : la destruction de tout le patrimoine des gens qui ne sont rien. Pour rappel, les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas !
Il a lâché 10 milliards pour les gilets jaunes ! 250 milliards pour la Covid ! Peut-être plus pour la guerre de l’Ukraine et au bout du bout, il devrait alors lâcher le pouvoir, expulsé par la révolte des gens qui n’auront plus rien à perdre. Ce serait le début d’un chaos. Les caisses de l’État seraient vides, impuissantes à nourrir les poches de ceux qui n’auront plus rien. Comment pourrait-on souhaiter pareil scénario ?
Et si les abstentionnistes ?
Et si, et si ??? Ce n’est pas avec ce type d’espérance que le monde peut se construire. Le président Macron n’a pas retenu toutes les leçons de son mémoire de philosophie sur Machiavel. Si ce dernier écrivait, que « la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples », n’a-t-il pas oublié la grande leçon de Machiavel, pour qui, « les deux écueils dont un Prince doit absolument se garder, s’il veut conserver le pouvoir, sont la haine et le mépris ? » (voir leçon de philo ICI).
Le texte de la Boétie, va-t-il l’emporter sur celui de Machiavel ? « Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté, qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté, mais bien gagné sa servitude… ». (discours de la servitude volontaire 1548)
Le personnage Macron a compris comment obtenir la servitude du peuple en l’infantilisant et, Covid aidant, en instrumentalisant la peur pour troquer les libertés contre une protection illusoire, à seules fins politiques. Le droit de mépriser, d’insulter fut ainsi libéré, et même approuvé par les valets de l’imposture d’une république en marche vers l’abîme ! Ce mépris sera-t-il suffisant pour réveiller le peuple vers la reconquête de sa liberté ? On peut encore y croire. Il faut l’espérer !