Délibérément, je m'écarte de toutes les tentatives de théoriser à coups de principes dans lesquels la controverse s'enlise. Car le contenu de ces principes diffère d'un courant à un autre. Cherchons les processus observables en cours.
COMPLOTISME.
Le complotisme bien réel s’exprime avec facilité. Il résulte de la conjonction de cinq démarches :
1° En bas de l'échelle sociale, il y a le besoin de comprendre. Car on a constaté avoir été menés en bateau de trop nombreuses fois.
En fuite en avant, les autorités se sont déconsidérées elles-mêmes : elles ne sont plus crédibles.
L'esprit critique est une des caractéristiques de la citoyenneté, si on n'abdique pas de la raison.
2° A différents niveaux de pouvoir, surgit la volonté de manipuler l'opinion. "Sacrifiez-vous aujourd'hui pour des lendemains qui chantent". "Acceptez la baisse de salaire pour éviter la fermeture de l'usine"...qui ferme cependant. "Acceptez les ordonnances...pour créer l'emploi". Et le fameux « faible taux de chômage allemand », cache de très nombreux très précaires très pauvres. Etc...
Le discours humaniste du Président, se double au même moment, d'un politique antisociale brutale. Illusionniste tourné vers sa cour … et vers une ambition européenne.
Il y a les mensonges du pouvoir : le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, la police lançait la rumeur qu'il avait été tué par un explosif contenu dans son sac à dos... De plus, l'administration de la police avait inventé et promu vers la presse une « présence de 150 black blocs armés » pour justifier la mise en œuvre d'un dispositif guerrier exceptionnel cette nuit-là. Lire l’enquête de Reporterre sur cette nuit. La police, ce sont des assermentés. Il faut des preuves solides pour les contrer. (1)
D'autre part, les événements sont toujours complexes, ont plusieurs facettes. Sans mentir aussi grossièrement, le pouvoir peut masquer une part de vérité et focaliser sur ce qui l'intéresse à exploiter.
Ainsi, je viens d'entendre une longue interview sur l'antisémitisme et sur les propos que tiennent certains jeunes en banlieue, Mais n'ont pas été mentionnés le traitement inhumain infligé aux Palestiniens et le fait qu’Israël se proclame Etat juif. C'est une difficulté importante que rencontrent ceux qui combattent l'antisémitisme et défendent les droits fondamentaux bafoués des Palestiniens. Ces deux combats sont intimement liés, pour ceux qui ne reconnaissent pas une volonté divine qui imposerait à cet Etat juif de créer le Grand Israël.
Chaque soir, le magazine 28' sur ARTE tient une rubrique "desintox" alimentée avec les propos faux, trompeurs, malveillants de divers personnages politiques influents.
La chasse à l'intox existe, sans loi, ni sanction autre que l'auto-décrédibilisation.
La démocratie est précisément la confrontation de différents points de vue. Faute de cette confrontation, on subit un Etat totalitaire qui impose sa Vérité. Ainsi va la Parole présidentielle dans la secte LREM.
Et la volonté de cacher des malversations : Toutes les affaires ont commencé avec des dénégations véhémentes, (Pollueurs industriels) Mais aussi personnalités politiques (Sarkozy, Fillon, Cahuzac, etc...)... Et avec la persécution des lanceurs d'alerte. Or ces "affaires" se sont confirmées, bien plus lourdes qu’on ne l’imaginait au départ. Sans les lanceurs d’alerte, jamais les grands scandales ne seraient sortis.
Certaines malversations ont nécessité une machinerie, des réseaux de type mafieux, pour être préparées, réalisées en secret, et avec les garanties qu'un intermédiaire ne se tirera pas avec l'oseille, ou ne se livrera pas à un chantage. De tels réseaux fiables ne se montent pas en deux jours ! C'est du boulot de pro. Sur un temps long. Lire : https://www.mediapart.fr/journal/france/291116/sarkozy-peur-que-djouhri-parle-aux-juges-selon-des-ecoutes-judiciaires
Un autre genre de complot qui paye, c'est l'arnaque des subprimes : vous recrutez une armée de commerciaux sans scrupules pour vendre la lune aux plus faibles revenus. Puis vous les remplacez par une armada d'huissiers sans scrupules pour exploiter toute défaillance, et des bulldozer pour raser les bicoques d'insolvables mis à la rue. Vous trafiquez des titres avec les impayés, et vous lancez des visiteurs à la chasse aux gogos pour leur fourguer la camelote. Et vous planquez le résultat dans les paradis fiscaux. Gigantesque arnaque à tiroirs, que vous appelez "crise" pour faire diversion et faire payer " les pertes" par les populations.
Complots ? Ou jeu normal de la finance néolibérale ???
Au fond on s'en fout : c'est le règne des voyous, avec un savoir-faire de politicard.
3° Plusieurs guerres sont actuellement menées ou préparées : guerres armées, meurtrières ; d’autres sont des guerres sociales mais brutales cependant. Et des guerres politiques aussi féroces, pour s’emparer de l’Etat, des finances et de la force publique.
Dans tous les cas l’opinion est un enjeu de premier plan : l’intox est l’arme décisive, efficace si elle est habile,
Quelques exemples apparaissent souvent dans les médias : L'élection américaine trafiquée par des officines russes. L'Arabie Saoudite justifie ses massacres au Yemen par de prétendues interventions iraniennes, impossibles en raison du blocus de la population qui en crève de faim et de maladies. Accusations inévitables de « banditisme » ou de « terrorisme » pour justifier la destruction des Tchétchènes, des Palestiniens, des Rohingyas, des rebelles syriens, etc…, et maintenant l’agression militaire turque dans la Fédération démocratique Syrie Nord Ronjava.
Avant d'attaquer une zad, faire croire que c'est un repaire de drogués sur-armés.
Calomnier les arabes, les noirs, les Roms, les ouvriers, les fonctionnaires... pour s’en prendre à eux, sans provoquer de soulèvement d’opinion.
4° Brouiller les repères de compréhension. Changer le sens des mots. Pour qu'un maximum de personnes soient désorientées. Et s’incline devant la prétendue Modernité.
5° Créer une ambiance survoltée, chargée de dangers obscurs tels qu'il faille confier son existence à de grands protecteurs sur-armés. Les écrans publicitaires dans les couloirs du métro nous assaillent ainsi.
Le travail est organisé de façon à ce qu'on soit toujours en retard et en faute. A la limite du burn out.
Impossible de réfléchir sainement...
Ainsi s'obtient la servitude volontaire.
Les pouvoirs sont les premiers initiateurs du complotisme, eux-mêmes animés de féroces complots internes, et complotismes croisés.
LAICITE
La République contient une grande diversité. Elle se veut pacifiante ou guerrière. Selon le parti politique qui s'en est emparé.
La République contient une majorité sans religion.
Dont des athées. Les uns ont une pensée ouverte. D'autres pratiquent un athéisme de combat.
Chaque religion est diverse. Toutes contiennent une majorité tolérante. Et des guerriers.
Les catastrophes historiques furent le heurt de plusieurs mouvements identitaires, portés par des intérêts politiques antagoniques. Rappelons seulement la fin de l'ex-Yougoslavie.
Nos identitaires actuels se sont déjà affichés agressifs, armés de certitudes.
Cette fois, ils ne se dressent pas les uns contre les autres pour s’étriper.
Mais ils sont unis contre un mythique danger religieux que porteraient des millions de réfugiés démunis, présumés musulmans, errant dans le monde ou parqués, affamés, proies de trafiquants et d’esclavagistes modernes. Principale responsabilité : les pays riches fauteurs de guerres depuis deux siècles, guerres à l'origine de quelques organisations politiques à façade religieuse qui pratiquent des attentats terroristes. Guerres à l'origine des déplacements massifs de populations. Bloquées par de nombreux murs.
Dans l'hexagone, parviendrons-nous à neutraliser nos identitaires, et à éviter la guerre contre les banlieues ? Les gouvernants la concoctent depuis le début de la désindustrialisation. Les fauteurs de guerre ont l'arme au pied, prêts à bondir, ils mènent le tir préparatoire idéologique.
Comme précédemment, le président tient un discours de raison, ... et donne les commandes aux guerriers.
Le péril est présent, très réel.
IDENTITAIRES
Est identitaire une personne qui s'active à imposer aux autres la norme identitaire que son groupe s'attribue. Combiné avec un projet politique, cela conduit à des régimes autoritaires et à des affrontements violents avec d'autres identitaires, concurrents. En général ces affrontements se renforcent en s'appuyant sur des religions.
C'est une attitude contraire aux principes posés par la loi de 1905 qui permet de vivre ensemble à des personnes sans religion, et de religions différentes.
Mais bénéfique est la démarche de villages qui se tournent vers leur passé pour rechercher leurs racines dans des combats anciens, des productions oubliées, des chemins chargés d'histoire, des savoir-faire perdus, des musiques et des danses, des façons de bâtir, des légendes...qui nourrissent une identité pouvant donner du sens à des initiatives actuelles. Ce n'est pas un repli sur soi, mais prendre de l'énergie pour s'ouvrir au monde.
De la même façon, les populations des régions d'Afrique par exemple, sont fondées à rechercher leur passé d'avant la colonisation pour sourcer leur reconstruction présente, dans le monde.
Lire www.présencafricaine. com., Revue fondée en1947, par Alioune Diop, jeune intellectuel Sénégalais. Grouper des Noirs de tous les continents : personnalités, écrivains, penseurs. Tribune, mouvement et réseau. Véritable engagement politique dans un contexte de guerre coloniale et de racisme.
Mais l'opposition identité fermée / identité ouverte existe aussi en chaque individu. La reconnaissance de soi est essentielle pour la liberté d'être et d'agir. Mais c'est une rencontre avec la diversité, avec la richesse qui nous permet de vivre, et n'en finit pas de se développer. Narcissisme positif.
Opposé est le narcissisme figé, enfermé dans une image unique et définitive à travers laquelle un monde immuable est perçu. Or cette image stéréotypée est creuse, vide. Pour se construire, l'identité fasciste a besoin de fabriquer une identité ennemie, besoin de cibler un ennemi (hier "le juif", aujourd'hui " les musulmans"), ennemi à détruire.
RACISE(E)S
Les races n'existent pas. Il y a une seule et unique humanité. Personne ne se sent "appartenir à une race".
C'est le regard du dominateur qui plaque sur les asservis des critères d'infériorité, de servitude. Ce regard crée des racisés.
Le critère "gens de couleur", évoque l'esclave chez celui qui a ce regard. Un regard semblable à celui du "Maîtreregardle paysan, du patron sur l'ouvrier, et de tous sur les femmes... La prise de possession.
Ce regard sévit depuis plusieurs siècles. Depuis plusieurs siècles d'esclavage puis de colonisation, puis d'endettement, ce regard dominateur façonne les habitudes, les façons d'être, influe sur les rapports sociaux.
Le pays colonisateur doit "décoloniser" sa subjectivité.
Autant que les colonisés doivent libérer leur subjectivité de l'obéissance automatique, retrouver eux-mêmes leur passé réétudié d'un œil neuf qui libère. Et créer leur devenir : C’est le processus d’émancipation.
Remarquons les mêmes réflexes chez nombre de femmes, elles aussi asservies sur très long temps. Baisser les yeux, est un de ces réflexes. Mille comportements et discriminations rarement identifiées et contestées. Encore un gros travail de repérage à faire.
Aussi je donne raison à des "racisés", ainsi qu'à des femmes entre elles, de confronter leurs vécus. Et je donne raison à Solidaires de leur offrir le cadre d'un groupe de travail.
A nous, "métros" de profiter de ce travail pour avancer dans notre propre décolonisation.
L'émancipation comporte aussi ce travail de se défaire de l'identité de domination, et de repérer notre identité humaniste.
L’avenir des pays dominateurs et dominés est aussi d’aller les une vers les autres en inventant une autre économie, coopérante et respectueuse des équilibres et richesses de la nature.
Ce mot, Racisé-es, déchaîne la fureur dans les flux de commentaires. Lire le billet ci-joint de Hourya Bentouhami qui apporte une clarification magistrale, sans anathème.
BALISER L'ACTUELLE LUTTE DES CLASSES.
Le creusement accéléré des inégalités en France, en Europe, dans tous les continents, prouve pour la période néolibérale, l'existence de classes sociales de plus en plus différenciées.
La régression démocratique générale et les systèmes de surveillance-répression de masse de plus en plus sophistiqués prouvent qu'il s'agit de classes en lutte, malgré tous les artifices pour masquer ce fait.
Des moyens de plus en plus sophistiques sont mis en oeuvre comme écran entre le peuple et le réel de la société.
Il faut aussi rompre avec la vision imposée par les marxismes du 20° siècle avec le slogan "Classe contre classe", qui imposait aux non-ouvriers d'adopter la ligne politique du PCF, proclamé penseur exclusif d'une classe ouvrière monolithique et mythifiée.
L’examen que nous venons de faire du complotisme, de l’identité agressive, de la laïcité dominatrice, de la racisation montre que l’émancipation est l’affaire des toutes les collectifs qui composent la société.
Il ne s'agit pas de désigner des classes : cela supposerait une essentialisation. Les classes sociales se façonnent dans leur confrontation.
La grande trouille de la finance a eu lieu justes dans la foulée des guerres d'indépendance, dans les années 70-80 avec la levée de luttes autogérées ouvrières, paysannes, féminines, artistiques, universitaires, ...., et dans les banlieues les jeunes issus des ex colonies : impensée, spontanée, la convergence des luttes se créait. En France et dans de nombreux pays.
La finance délocalisée a fui le rapport de forces. Désormais, elle agit sans se soucier des États et des frontières, qui n'existent plus que pour enclore les populations dans l'épique électorale, dans les romans nationaux et sous la violence des polices nationales.
Sa stratégie générale et ses tactiques locales incroyablement plastiques se sont adaptées à tous les contextes autour de la planète, grâce à l'outil magique de la gouvernance : bannissement de la pensée politique, épuisement des travailleurs occupés, colère et résignation des oubliés
Appauvrissement et destruction de plus en plus de populations. Les « gouvernants » n’en sont que gestionnaires, totalement aliénés au profit du 1%.
La fragmentation du système éducatif formate la vision du monde par les générations futures. Voir le billet du 24 01 2018 du blog de Jean-Pierre VERAN, "Systèmes scolaires : avec la mondialisation, la fragmentation."
Et nos combats continuent à se penser dans l'enclos : les concepts de la lutte des classes sont restés hexagonaux !
Les ZAD, et toutes les initiatives de rupture avec le totalitarisme néolibéral, ouvrent une voie nouvelle qui met en oeuvres plusieurs cultures vivantes.
Le peuple en lutte : Revenir au LARZAC https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/le-conflit-du-larzac-archaique-ou-moderne 3 mars 2018 Pierre-Marie Terral, Larzac, terre de lutte. Une contestation devenue référence, éditions Privat, 2017
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Ecouter l’interview du maire de Champigny invité des Matins de France Culture, le 9 janvier 2018. Un autre éclairage que l’exploitation malveillante qu’ont fait les identitaires des "évènements" de Champigny.
(1).9 janvier 2018, on annonce un scandaleux non-lieu sur la mort de Rémi Fraisse. Irresponsabilité sur les énormes moyens guerriers mis en œuvre cette nuit-là. De grandes manœuvres. Ce non-lieu passe pour un feu vert pour rééditer. La machine judiciaire avoue son incapacité à déterminer les responsabilités dans la mort de Rémi à qui aucun motif ne pouvait être reproché. Cela caractérise la dégradation subie par notre société sous gouvernement PS.
Excellent travail du Collectif Testet pour élucider la stratégie mise en oeuvre par l'administration policière cette nuit-là. Voir le blog de Ben Lefetey : https://blogs.mediapart.fr/ben-lefetey/blog/180118/mort-de-remi-fraisse-la-strategie-troublante-des-autorites-ce-week-end-la.
Il revient donc aux parlementaires et sénateurs d'examiner le dispositif répressif très important à l'oeuvre cette nuit là, avec les éléments réunis par toutes les parties, et notamment Reporterre. Et notamment pourquoi une aussi grande quantité des grenades, et autres armes de police et de guerre, et pourquoi en avoir autant utilisées. Et pourquoi le nombre utilisé n'a pas fait plus de morts. ( 23 grenades de guerre ont été lancées)
Toute la chaîne de responsabilité doit être fouillée ainsi que la motivation réelle. Quelle représentation le commandement avait-il propagée de la fête à laquelle les gens du pays s'étaient rendus ce soir là. A t'on voulu les punir, les terroriser ? Faute de s'emparer de ces questions, ces institutions donnent à la police blanc seing pour tuer. Elles auront à en répondre.
L'envoi de 1400 gendarmes à NDDL le 15 janvier 2018 montre que nous avons échappé de peu à la réédition de cet acte de guerre.