Ce texte ne prétend pas écrire l’histoire depuis 1945, mais tente de dégager une ligne-force dans les actions apparemment chaotiques des puissances.
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, en Chine, Indochine, Algérie, Afrique, Amérique latine, pour la plupart les peuples du monde ont dû prendre les armes pour se libérer. Et affronter des guerres coloniales féroces.
Dans la foulée, les colonisateurs ont souvent réussi à ce qu’un de leurs relais arrive bientôt au pouvoir, dans ces jeunes Etats. https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/131016/au-cameroun-la-guerre-qui-enfanta-la-francafrique. Réalités de la décolonisation ; lire « Kamerun, une guerre cachée, aux origines de la Françafrique. 1948-1971".
En Europe, les USA ont agi en sous-main pour installer au pouvoir des dictatures fascistes en Grèce, Espagne et Portugal sur des peuples jugés plus aventureux.
Au long des années 60 et 70, les Mai 68 se sont développés dans les métropoles du monde. Bien plus que les révoltes étudiantes largement racontées, mais peu médiatisées, de vastes initiatives populaires se sont développées, imposant de nouveaux droits, de nouveaux modes de vie. Dans les usines d’importantes luttes autogérées hors cadre syndical, se sont développées, selon des modalités nouvelles.
Riposte : robotisation et délocalisation des usines. Les emplois salariés restants sont massivement détruits, pour une part remplacés par la sous-traitance auprès d’auto employeurs démunis de protection sociale.
Années 80 : le mouvement d’émancipation gagne les banlieues des villes. Effervescence d’initiatives pour prendre en main son avenir. Marche pour la dignité.
Ripostes : en ouvrant les portes aux imams du Golfe qui débarquent pour imposer les règles de vie imposées dans ces pays, imposer un islam fermé sur des rites destinés à enfermer "les musulmans" dans une communauté repliée sur elle-même, défie le principe de laïcité (Je ne désigne pas là des comportements individuels à motivations diverses, mais l'oeuvre de structures religieuses qui agissent dans des stratégies d'affrontements). Puis l’Etat réduit sa présence dans les banlieues, ne maintenant que les écoles abandonnées à elles-mêmes et la police qui expérimente ses propres stratégies.
Et, dans les années 90 une nouvelle orientation de la police : les populations de banlieues sont considérées a priori comme délinquantes, traitées comme telles. Bouclages, ratissages, contrôles ciblés à répétition. La discrimination policière remplit les prisons. Intense propagande érigeant l’image de banlieues délinquantes et menaçantes. Fabrique criminelle d'un terreau pour le djihad provoqué par les guerres américaines. Lire : https://www.mediapart.fr/journal/france/020117/marseille-un-college-est-abandonne-la-violence
Dans le monde, années 70, les peuples se libèrent des dictatures fascistes et ébranlent les dictateurs post coloniaux.
Riposte globale à ces vastes mouvements généralisés d’émancipation qui pourraient s’unir : le capitalisme opère sa mutation néolibérale.
Dès les années 80, la finance se détache de l’économie de production, et se détache des Etats-nations, impose partout les règles d’un pilotage automatique qui bannit la morale et la politique : libre concurrence sans entrave. Les investissements industriels sont remplacés par les capitaux nomades du marché financier que constamment « il faut rassurer » par des reformes. La circulation des capitaux et des marchandises se généralise, déstabilisant les économies locales. Au fil des années 2000, 2016, les services publics sont dévoyés, ont une fonction d’encadrement des populations de plus en plus évidente. Les discours rivalisent de bonnes intentions, mais les actions gouvernementales imposent de lourdes régressions sociales. Les élections « démocratiques » sont de plus en plus désertées. Les initiatives hors marchés et les actions collectives se multiplient.
La résistance populaire à la domination des marchés, comme aux réformes de régression sociale, se développe dans de nombreuses initiatives et mouvements d’ensemble.
Riposte par des pouvoirs toujours accrus donnés à la police, jusqu’à l’état d’urgence pérennisé qui autorise une surveillance multiforme permanente et générale, ainsi que des privations de liberté sans motif, selon l’arbitraire administratif. Il n’y a pas de bavures policières, mais entrainement et violence organisée, étudiée, réalisée par des sections spécialisées et combinées. Il est de plus en plus évident que la police de répression est insérée dans un réseau international, et inclut les sociétés privées de contrôle des transports, et celles de sécurité ou d’intervention. La contestation pacifique est traitée comme subversive, potentiellement terroriste. Plusieurs tués, de nombreux mutilés : l’année 2016 a vu la police répressive engagée à développer l’engrenage de la violence et exiger toujours plus le droit de violence dans l’impunité. Une stratégie qui rappelle la « guerre préventive » appliquée dans les guerres coloniales.
La propagande de plus en plus axée sur le repli d’extrême-droite nationaliste, est intensifiée par la concurrence des candidats aux élections. Elle mérite une étude spécifique, surtout pour la vision qu’elle veut donner de la société actuelle afin de justifier le nouveau train de réformes exigé par la finance, et lever une hostilité active contre « les étrangers », surtout exilés.
Dès les années 80, la coopération Nord-Sud est remplacée par les prêts du marché financier, à but hautement lucratif, soumis à la condition expresse d’ouverture du pays aux marchés sans entrave. Obligation d’organiser des élections avec plusieurs partis.
De la sorte, en quelques années les pays d’Amérique Latine et les jeunes pays d’Afrique ont été ruinés, endettés, plongés dans le chaos politique.
1980 : La Grèce, l’Espagne, le Portugal juste émancipés des bagnes fascistes, sont entrés dans l’Europe comme élèves modèles de la nouvelle doxa néolibérale. On en a vu le résultat 20 ans plus tard. Etranglés par le moyen de la dette, et empêchés de développer une autosuffisance minimale. La jeunesse s’exile, les biens nationaux vendus à l’encan.
1991. La Tchétchénie se détache de la tutelle russe. Toujours désignés comme bandits puis comme terroristes pendant les deux guerres menées par la Russie. La répression est féroce jusqu’à l’écrasement de Grosny sous les bombes en 2003. Elle se poursuit jusqu’en 2009.
Sur toute cette période depuis 1945, la détermination des Palestiniens pour leur souveraineté sur un territoire a dû affronter toute les formes d’étouffement et d’écrasement.
Printemps arabes 2011, 2012. Les dictatures post coloniales sur les pays du Moyen Orient sont balayées par les mouvements démocratiques.
Là encore, premier contre-feu par les imams liés soit au Golfe, soit à l’Iran.
Puis répression policière et bombardements d’extermination par Al Assad aidé par l’aviation russe et par le laisser-faire occidental. La Turquie bombarde la rébellion et surtout les combattants kurdes.
Des prisonniers relâchés par Al Assad et des cadres irakiens aidés par des mercenaires de tous pays, prétendent créer un califat qui s'établirait sur des territoires irakiens et syriens, et vise à dominer l’ensemble des populations réputées « musulmanes », les soumettre à la charia par la violence.
Toutes ces forces concourent à attaquer la rébellion qui veut la démocratie. Et attaquent les populations, plus généralement. Quartiers rasés sous les bombes, des réfugiés du Moyen-Orient s’ajoutent par centaines de milliers à ceux provenant d’Afrique ou d’Europe centrale.
Chasser des populations prive des pays fragiles d’une parie active de leur population, prive ces gens de tout, les rend très vulnérables au cours des mois de leur déplacement.
A l’arrivée, sauf en Allemagne, l’étau se referme : les gouvernements et partis de droite et d’extrême-droite ont développé une intense propagande hostile, qui amène à voir tout réfugié, y compris chaque femme, chaque enfant comme un terroriste possible. Spontanément, lorsqu’ils parviennent à se fixer, se grouper, ils s’organisent pour leurs besoins minimum, y compris pour l’enseignement des jeunes. (Auto organisation dans la « jungle du Calais ») C’est systématiquement démantelé. *
Partout les pouvoirs n’admettent de réfugiés que mendiants, dépendants de l’aide humanitaires. C’est leur refuser un minimum de dignité, un minimum d’humanité.
Ainsi le problème central ne se réduit pas à l’affrontement monde musulman contre monde chrétien, non plus qu’OTAN contre Russie, ou Daech contre les Français.
Mais tous les moyens contre le puissant mouvement d’émancipation des peuples, alliés naturels, et non pas ennemis !
* Lire l'excellent article de Reporterre décrivant les initiatives développées dans le campement de Calais, l'invention d'un autre type de cité en autogestion. C'est cela qui était insupportable pour les autorités qui admettairt depuis plusieurs années la boue, la saleté, l'absence d'hygiène. https://reporterre.net/Ce-que-l-Etat-a-detruit-avec-la-Jungle-de-Calais
Lire aussi
https://blogs.mediapart.fr/nelly-bousquet/blog/131216/trois-morts-indignes-de-la-sideration-la-co-responsabilite
Syrie. Anatomie d'une guerre civile. Adam Baczko, Gilles Dorronsoro, Arthur Quesnay Editions CNRS 2016
Conférence de présentation BM Lyon : https://www.bm-lyon.fr/spip.php?page=video&id_video=911
Juin 2017. L'inefficacité de l'état d'urgence est devenue manifeste au moment où le gouvernement Macron veut le faire entrer dans le droit commun. Article de Paul CASSIA.
Voici la première étude de terrain consacrée à la guerre civile en Syrie, des premières manifestations pacifiques jusqu'aux affrontements actuels. Nourri d'entretiens menés avec les syriens eux-mêmes lors de trois séjours prolongés, cet ouvrage est une véritable plongée dans l'enfer syrien. En 2011, le mouvement de protestation, dont est issue l'insurrection, tendait à l'origine à inclure des groupes minoritaires divers.Mais la formation de groupes politico-militaires à partir de 2012-2013 rompt cette logique inclusive. L'insurrection se différencie politiquement avec une polarisation croissante entre les groupes les plus radicaux et les groupes issus de l'Armée Syrienne Libre. Alimentée de l'extérieur, cette politisation opère selon deux registres, l'islam politique sous ses différentes formes, et notamment celle du califat, et le communautaire, dans le cas des enclaves kurdes du PKK.Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l'économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l'insurrection, le PKK et l'Etat islamique ? Un livre unique qui combine une recherche de terrain - rare sur le conflit syrien - et une réflexion pionnière sur l'émergence de l'Etat islamique. [source éditeur]
Sommaire Genèse d'une révolution. Les institutions révolutionnaires. La fragmentation de l'insurrection. La société dans la guerre.