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Billet de blog 1 oct. 2016

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Lettre ouverte à M. le Président de la République.

Comment avons-nous pu abdiquer notre citoyenneté au point de livrer la paix civile -donc notre sécurité et celle de nos enfants – aux mains d’ambitieux sans vergogne ? Observez le mépris mis dans l’insulte au quotidien à notre intelligence. Mépris facilement détectable par un simple examen attentif des propos tenus par les uns et les autres, à la lumière de la loi de décembre 1905.

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                                  Lettre ouverte à M. le Président de la République.

                    (Original, sous nom personnel de l’auteur,  Adressée le 03 octobre 2016 par L.R.A.R à son destinataire)

Le   CNESCO    http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2016/09/160927Dossier_synthese_inegalites.pdf   vient    de rendre son  rapport. Classiquement ,l’échec était attribué au fait que  « les parents issus de l’immigration étaient  de  faibles  catégories  socio-professionnelles », mais  aujourd’hui, même les enfants, français, de parents diplômés et  socialement  insérés sont en échec parce que connotés immigrés :  « nouvelles formes de discrimination négatives », lit-on dans ce rapport.

Où  en  sommes-nous  arrivés ? Les  blessures d’orgueil  ,savamment  entretenues,  résultant de la guerre d’Algérie, le sentiment de déclassement social et la peur  de l’avenir, 30 ans de propagande anti Islam, les échos des guerres de prédation pétrolière et de remodelage  du monde post URSS  , les irruptions périodiques  du conflit israélo-palestinien , la  montée en puissance des extrêmes droites , et pour finir les  attentats sur notre propre  sol :quel  mélange  terrifiant  aux mains des apprentis sorciers qui nous agitent les uns contre les autres .

Le bouc émissaire n’est pas loin. Il est là, désigné d’avance : hier nous l’appelions le Nord-Af, le crouille, le melon, et, aujourd’hui, le musulman, mais c’est le même. L’Islam de France  macère  depuis 30 ans dans  ce  jus de  haine. Jour après  jour, à  la  télévision, à  la radio, sur les journaux, pire encore,  sur internet, l’enfant musulman est livré à la propagande des uns et des autres  et  reçoit  de  plein  fouet  les insultes à la religion de ses parents –parents  qu’il aime et respecte, naturellement,  comme les nôtres aiment et respectent les leurs.   

Au nom de quoi ? Au nom de la  « laïcité  à la Française » répondent, en chœur, Valls, Sarkozy, Le Pen et leurs suppôts. Mais  qu’est-ce donc que cette « laïcité à la Française »  qui contrevient  aux propres lois et Constitution  de la République ? 

Observez  l’arrogance des  zélotes  du  moment. L’autre  jour,  à  la radio, j’ai  entendu   M.  Castro, l’architecte, venu  vendre  son  dernier  livre , annoncer, benoîtement  que  « la  France  est  un pays athée(…) la religion doit se maintenir dans la sphère privée (…) ce n’est pas négociable ».  Ainsi donc, parce qu’ils  ne  font  pas  partie  de l’ « aristocratie » athée - une secte comme une autre, au regard  du fanatisme qui la caractérise désormais - tant pis pour les citoyens chrétiens,  juifs,  protestants, musulmans, ou seulement agnostiques.

Comment  un homme, d’une intelligence notoire,  en   arrive-t-il   à   oublier  que seules  les  lois  et la Constitution de la République ne  sont pas négociables ? Comment  en  arrive-t-il  à se compromettre ainsi ? La faute revient à 30 ans de contrevérités  assénées par les medias ; Pavlov a très bien décrit ce dont M. Castro est perclus.

Dans une tribune publiée sur le site du Huffington Post. M. Valls, véhément,  comme toujours, déclare   «Je tenais à répondre à l’article(de LILLIE DREMEAUXS)  “Regards changés et langues déliées”, paru dans les colonnes du “New York Times” le (3) septembre2016  ( http://www.nytimes.com/2016/09/03/world/europe/burkini-musulmans-france-belgique.html  qui  donne une image insupportable, car fausse, de la France, pays des Lumières et pays des libertés»(…) « elle (la journaliste) n’explique  pas  ce  que  sont  les principes républicains : liberté, égalité, fraternité, et la laïcité à la française

Un  observateur  impartial  ne  peut  qu’être  étonné  devant la dichotomie infligée au concept laïcité. C’est aujourd’hui  carrément  Janus aux deux visages.

Comment avons-nous pu  abdiquer notre citoyenneté au point de livrer la paix civile -donc notre sécurité et celle de nos enfants – aux mains d’ambitieux sans vergogne ? Observez le mépris mis dans l’insulte au quotidien à notre intelligence. Mépris facilement détectable par un simple examen attentif des propos tenus par les uns et les autres, à la lumière de  la loi de décembre 1905.

Puisque M. Valls  y invite, soyons explicite ;  montrons cela in situ.

Considérons d’abord les  arguments  de  ceux qui  prônent  une soi-disant   « laïcité à la Française », renvoyant l’Islam de France à la  sphère  privée. Ils   soutiennent  que l’Etat  ne  loge  aucun  culte, les signes religieux sont interdits dans les entreprises et à l’université, la religion doit être confinée dans la sphère  privée, pas de foulard, pas de burkini etc…

En suivant le fil de l’Histoire, nous apprenons  que ces arguments proviennent des revendications      de  la  mouvance  anticléricale, de  la  3ième  République, menée  par  Emile Combes et Paul Bert  entre autres , et que la dite mouvance  les  a  puisés  dans  le décret du 21 février 1795https://blogs.mediapart.fr/280128/blog/110219/decret-de-fevrier-1795-2  ( in Jean Tulard/ les Thermidoriens , fayard, 2005, p.107 et 108 .

 Ce décret, du 21 février 1795, stipule :(les arguments des adversaires de l’Islam de France sont en gras)

Article 1 : Conformément à l’art.122 de la Constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé.

Article 2 : La République n’en salarie aucun

Article 3 : Elle ne fournit aucun local ni pour l’exercice du culte ni pour le logement des ministres :

Article4 : Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice

Article5 : La loi ne reconnait aucun ministre du culte .Nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.

Article 6 : Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque est soumis à la surveillance des autorités constituées .Cette surveillance se renferme dans les mesures de police et de sûreté publique.

Article 7 : Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public ni extérieurement de quelque manière que ce soit .Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune  proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens.

Article 8 : Les communes ou section de communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni  louer de local pour l’exercice des cultes

Article 9 : Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses

Article 10 : Quiconque troublerait par violence les cérémonies d’un culte quelconque ou en outragerait les objets, sera puni selon suivant la loi 19-22 juillet 1791, sur la police correctionnelle.

Un observateur  impartial pourrait se demander, en toute légitimité, pourquoi vouloir imposer en lieu et place de la loi de décembre 1905, toujours en vigueur, elle, le contenu d’un décret abrogé il y a 200 ans ? Pourquoi vouloir imposer la thèse d’Emile Combes qui pourtant avait été battu, il y a 100 ans, par les républicains modérés, auteurs, justement, de la loi de décembre 1905?

Notons la malignité mise dans la sélection des arguments développés par nos contemporains, successeurs d’Emile Combes .Ils ne prélèvent dans ce décret de février 1795, obsolète, que ce qui peut leur servir pour isoler  l’Islam de  France( voir ci- dessus , en gras)  et  le confiner, lui et lui seul, dans la sphère privée.  

Constatons , en toute équité , qu’ils éludent, soigneusement, les arguments susceptibles de nuire aux intérêts des cultes chrétien, protestant et juif, matérialisés par les articles 8  et 9 qui stipulent  : «Les communes ne pourraient acquérir ni louer de local pour le culte » et qu’«  il ne pourrait être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses ».

En effet, si on devait forcer l’application de ces articles 8 et 9 de ce décret de février 1795, les  conséquences seraient que :

1) l’Etat devrait revenir sur  les concessions de bâtiments religieux qu’il met gracieusement à la  disposition de L’Eglise Catholique Apostolique et Romaine, et des cultes protestant et juif.

2) I ’Etat devrait également supprimer le budget perpétuel  consenti pour la réparation, la rénovation des églises, des temples, des synagogues, monuments religieux en tous genres – budget puisé dans nos impôts à tous, donc dans ceux de nos concitoyens musulmans aussi.

3) l’Etat devrait aussi supprimer les subventions octroyées aux écoles et lycées appartenant aux congrégations religieuses et autres diocèses et consistoires, que le Conseil d’Etat a votées- subventions réglées avec nos impôts à tous, donc avec ceux de nos concitoyens musulmans aussi.

4) L’Etat  devrait également harmoniser, sur tout le territoire national, l’application de la loi de 1905 et donc supprimer  le statut particulier de l’Alsace – statut qu’il entretient, avec nos impôts à tous, donc avec ceux de nos concitoyens musulmans aussi.   

Il serait plus facile de refaire la révolution. Burkini et autres fanfreluches sont  plus à notre portée.

Les adversaires de l’Islam de France,  dans un vertigineux jeu de bonneteau lexical, font  croire que les restrictions, édictées en 1795,  ont été reprises par la loi de décembre 1905.Constatons que cette dernière ne reprend que cinq mots,« l’Etat ne salarie aucun culte » et uniquement cela (cf.article1). Dans une loi, tous les mots comptent : ajouter ou retirer un mot revient à  la dénaturer.

Afin d’en révéler le mépris,  passons, maintenant, ces affirmations sous la  lumière de la loi de décembre 1905.

La loi de décembre 1905, ci-jointe, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000508749 s’inscrit dans le cadre strict de la  Constitution  de  la  République  Française. A  elles deux , elles  délimitent  le   champ  d’application  de  la  laïcité : tout  ce  qui  s’inscrit  dans  ce    champ  d’application relève de la laïcité, tout ce qui est en dehors n’est pas la laïcité.

Dans son article 1, la loi de 1905 proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice  des   cultes  sous  les  seules  restrictions  édictées dans  l’intérêt de l’ordre public. Font  état de  ces restrictions les articles 25,26,27,28,30, 34et 35  relevant ,tous  ,du titre V, « Police des cultes ».

Dans son article 2, la loi de décembre 1905 stipule que «  la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »  certes, mais elle ajoute aussitôt que «  pourront toutefois être inscrites aux budgets de l’Etat, des Départements et des Communes,  les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, hospices, asiles et   prisons ».

Contrairement à ce qu’on veut lui faire dire, cet article 2 ne tourne aucunement le dos aux croyances des citoyens, bien au contraire, il va jusqu’à faciliter « le libre exercice des cultes dans les établissements publics » en mettant à contribution l’Etat,  les Départements et les Communes. 

Par ailleurs, la tentative d’interpolation  de la clause visant à interdire la sphère publique à la religion est illégale et contrevient  aux  articles 25 et 27, de cette loi de décembre 1905.

En effet, l’article 25 stipule «  les réunions pour la célébration d’un culte, tenues dans les locaux appartenant  à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. ». Donc, si le chœur d’une  église est public et que la messe l’est aussi, la religion est, d’évidence, publique, et, avec tous  ses  attributs.

 Le principe de publicité - qui s’applique à la Justice également- implique que les portes du lieu de culte (ou du tribunal) doivent rester, impérativement, ouvertes  durant l’office (ou l’audience) et l’accès de la salle doit demeurer libre à tous : fidèles, police des cultes, citoyens et  justiciables.

L’article 27, lui, sans équivoque, stipule  que les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte sont licites (dans un cadre légal imposé) et que les sonneries des cloches des églises, réglées par arrêté municipal, sont non moins licites : ce que nous avons tous constaté.

Ainsi donc, il ressort, clairement, de la loi de décembre 1905 - dogme fondamental de la laïcité -  que la religion a sa place dans la sphère publique, dans la société, sous le regard sinon la surveillance de tous.

Les déclarations des adversaires de l’Islam de France- dont Mme Le Pen, M. Valls et M. Sarkozy-  aussi ostentatoires que mensongères, relèvent de la discrimination et donc de l’article 225-1 du Code Pénal. 

Par ailleurs, assigner l’Islam de  France - et lui seul- à la sphère privée  viole  la  Constitution française, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 à Rome et ratifiée par la France le 3 mai 1974.

M. le Président, ces manœuvriers, sans vergogne, tout  à leurs ambitions sans frein, ont terni l’image de la France durablement .On commente leurs éclats du Canada à l’Argentine , en Afrique ,en Asie jusqu’en Indonésie, en Malaisie et dans le sultanat de Brunei ; partout la presse fait étalage du traitement infligé à la fraction la plus faible de notre société  - comme l’écrit  justement Emmanuel Todd- et  font des gorges chaudes de notre prétention au titre  du «  pays des Droits de l’Homme » .

Respectueusement, civiquement et laïquement vôtre.

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