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Billet de blog 7 octobre 2016

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Une pagnolade

Mon cher Joseph Confavreux, rassurez–vous, je ne vais pas faire une fixation sur Chevènement. Je souligne ce passage extrait de votre article juste pour vous signaler que la tirade de M. Dupont-Aignan selon laquelle il faudrait « faire avec la religion musulmane ce que Napoléon a fait avec la religion juive, c’est-à-dire affirmer clairement: « Vous voulez être chez nous,

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A mon ami Joseph Confavreux, Médiapart, 30/08/2016 (suite et fin): https:/www.mediapart.fr/journal/france/300816/chevenement-et-lislam-plus-quun-malentendu?page_article=2

  Mon cher Joseph Confavreux, rassurez–vous, je ne vais pas faire une fixation sur Chevènement. Je souligne ce passage extrait de votre article (cf. lien ci-dessus) juste pour vous signaler que la tirade  de M. Dupont-Aignan selon laquelle  il faudrait  « faire avec la religion musulmane ce que Napoléon a fait avec la religion juive, c’est-à-dire affirmer clairement: «  Vous voulez être chez nous, très bien, mais c’est l’État qui décide » » est incontestablement virile, mais elle est, tout simplement, une imposture ou, plus gentiment, une pagnolade.

 M. Dupont-Aignan qui tient à l’électorat chrétien, ne voudrait, bien sûr, pas se le mettre à dos, aussi remplace-t-il, au pied levé, les chrétiens par les juifs – après tout, ils ont toujours bon dos, eux aussi, il ne faudrait pas qu’ils l’oublient - vu que c’est difficile d’enrôler l’Islam dans ce cas de figure : il n’était pas encore arrivé en France.

Pour les Juifs et les protestants de France,  la séparation de l’Eglise et de l’Etat telle qu’elle résulte de la loi de février 1795, a été bien accueillie. Elle rétablissait la liberté des cultes et mettait toutes les religions sur un pied d’égalité  après avoir supprimé  la préséance de la religion d’Etat qu’était  l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine  sous louis XVI.

 Napoléon n’était aucunement croyant. Son but - comme ceux de beaucoup de rois et empereurs - était  d’assujettir l’Eglise Catholique, religion majoritaire, et de l’utiliser au gré de ses besoins. Aussi,  dès le Consulat, censé prolonger la 1ère République agonisante, il entreprit une foule de mesures contraires aux principes de la révolution de 1789,  qui rendirent progressivement à la religion  catholique  sa situation de religion d’état- titre recouvert aussitôt  d’un cache-sexe hypocritement pudique de « religion de la majorité des citoyens ».

 Le  corpus principal du Concordat, qui  n’avait rien d’excessivement  contraignant, a été ratifié par Pie VII, le 15 août 1801. Après cet évènement , les choses évoluèrent rapidement : Napoléon imposa  un avenant au Concordat – les fameux articles organiques - que Pie VII refusa de signer. L’empereur l’assigna à résidence, à Savone, jusqu’à ce que le souverain pontife vînt  à céder. Les articles organiques  paraphés ont été aussitôt annexés au Code Pénal : l’Eglise de France était dès lors tenue par la main de fer d’un souverain inflexible.

 Ni les juifs, ni les protestants n’avaient  eu droit au « chapître » pour la circonstance. Ils n’étaient ni les uns ni les autres en position de gêner l’Empereur.  Cette tirade, selon laquelle “ Vous voulez être chez nous, très bien, mais c’est l’État qui décide » ne pouvait concerner que le Catholicisme.

 Pour ce qui est du culte protestant. L’abrogation de l’Edit de Nantes, 1685, a achevé de vider la France de ses protestants. Ils sont passés de 11% de la population française, avant la St–Barthélémy, 24 août 1572,   à seulement 2%, en 1810, à l’époque de l’Empire. Les protestants n’étaient donc  qu’une minorité qui sortait de deux siècles de persécutions. L’abrogation de l’Edit de Nantes l’avait précipité dans la clandestinité ; l'édit de 1787 (Louis XVI) lui permit d’être toléré ; la Révolution française-proclamant l'égalité des Français devant la loi - autorisa la liberté de tous les cultes et lui rendit, ainsi,  sa  liberté.

 On peut comprendre que cette religion accepta le Concordat et ses articles organiques, en 1802,  avec joie : il permettait un équilibre  à peu près stable avec le catholicisme

 Pour ce qui est du culte israélite. Avant de pouvoir signer le Concordat, il avait fallu créer d’abord la « courroie de transmission » : Les préfets  nommèrent  des personnalités juives qui se réunirent en 1807 à Paris pour examiner les propositions de l’Etat.  En 1808, deux décrets organisèrent les consistoires juifs locaux et le consistoire national sur le modèle  du  protestantisme, c’est-à-dire en   circonscriptions  dirigées  par  des notables triés sur le volet et responsables devant le Ministère de  l’Intérieur.  

   En 2016, des bonnes volontés essayent de réaliser pour l’Islam de France ce qui a été fait pour le protestantisme et pour le judaïsme, hier. Aussi, les formules fanfaronnes, gratuitement vexatoires, de M. Dupont-Aignan ne servent  en rien la paix civile et sont, pour le moins, malvenues.

 Cordiales salutations                                                                                                   

                                                                                                                                                                                               Belab

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