Pour « l’honneur et la vraie justice » ( III )
60 ans après, bon gré, mal gré, nos faiseurs d’opinions, nos maîtres-à-penser entretiennent les foyers mal éteints du passé, usant de l’approximation, ne reculant pas même devant le mensonge éhonté. C’est ainsi qu’Ils ont fini par pervertir tout ce qu’ils touchent. « Il est beau, le résultat » …
Que l’extrême droite se distingue sur ce créneau n’est pas un dépaysement. Mais voir un Zemmour, drapé de la toge du maître -à -penser, pointer du doigt tel garnement de la troisième ou de la quatrième génération post-guerre d’Algérie, coupable de s’appeler Mohamed, et le charger indument de tous les maux de notre société est positivement révoltant.
Nous avions abandonné M. Zemmour dans le costume d’un staufengel [1] nous le retrouvons dans celui d’un Drumont , candidat à la présidence de la République, qui aurait gommé dans ses discours le mot « juif » pour le remplacer par « immigré musulman » . M. Zemmour qui loge désormais à « l’amicale à l’enseigne de l’honneur suicidé », n’est qu’un catalyseur, un juif de service, dont, une fois la mixture sociale en ébullition, on se débarrassera, car devenu inutile.
Notons avec soulagement que le Grand Rabin de France qualifie ce « juif de service » d’antisémite et de raciste.
« M. Zemmour oublie qu’il ist lui-mîme ine bicout, ine « nor-Af », ine baugnaule, coumme moi na’al dine ! » me confessait mon épicier l’Arabe du coin, toujours ulcéré, mais plus lucide que jamais.
- Zemmour est effectivement un juif d’extraction berbère, comme le montre son nom. Il est également un triste oublieux. Responsable, respectueux de la mémoire douloureuse de ses ancêtres, il aurait épargné l’innocence des petits Mohamed, Leïla, Karim, Soraya et les autres qui les remplacent au pied-levé.
On peut, en outre, se demander quelle légitimité meut le sieur Zemmour ? Il est français grâce aux accords d’Évian, donc grâce au combat de ceux dont il agonise, au quotidien, la descendance.
Ne lui en déplaise, le décret Crémieux, qui avait fait des juifs indigènes d’Algérie (pas ceux des territoires sahariens encore sous administration militaire, signalons-le) des Français de plein droit, fut abrogé le 07 octobre 1940. Or, seule une loi nouvelle en bonne et due forme peut remplacer une loi abrogée !
À la libération, les juifs d’Algérie devinrent français à « titre provisoire ». Et ce « provisoire » dura jusqu’au 19 mars 1962, date de l’entrée en vigueur des accords d’Évian. Ce dernier accordait à ceux qui le souhaitaient, durant un laps de temps limité, d’opter pour la nationalité française. C’est ainsi que les Harkis, certains Algériens et les Juifs indigènes (dont les parents de M. Zemmour) sont devenus français.
Rappelons que l’abrogation du décret Crémieux - obtenue grâce à la ténacité et l’entregent des colons faisant pression sur Vichy et non aux exigences des Allemands [1] - eut pour conséquence l’enfermement des juifs indigènes, par milliers, dans les camps de concentration du Sahara et des hauts-plateaux algériens : Hagerat Meguil, Bedeau, Boguari, Saïda, Gerryville etc… Beaucoup de ces internés y laissèrent la vie.
Rappelons également, pour ceux qui, toujours prompts, courent déjà préchauffer les fours à chaux qui avaient consumé les leurs durant l’été 1945, que les juifs indigènes n’avaient pas eu droit « au chapitre » : on a décidé pour eux ; le décret Crémieux les a francisés collectivement.
[1] Robert O. Paxton, L’Armée de Vichy, 1940/1944, Paris, Le Seuil, 2005