Quelles sont les responsabilités des différents acteurs impliqués dans la spirale de la violence dite « Djihadiste » ? Nous avons escaladé la montagne de « la haine de l’autre » par le versant occidental. Reprenons l’ascension de ce même sommet mais par son versant islamiste.
1- La « Sharia » revisitée : un clou de Djeha aux conséquences redoutablement dévastatrices.
Dès le 10ième siècle, s’installaient au sein de la religion musulmane des désaccords quant au sens à donner au mot « Sharia » (qui, signalons-le, n’apparaît qu’une seule fois dans le Coran). En langue arabe, il signifie la voie, le chemin. Il est traduit par les occidentaux, improprement, par « loi islamique ». « La Sharia est univoque et monolithique » nous dit-on ; Il n’y a rien de plus faux. Il ne s’agit pas d’un droit positif, ni d’un droit né de la jurisprudence ni d’un droit coutumier, mais plutôt de morale religieuse. Du reste, les pays musulmans ont, presque tous, adopté des Droits Positifs occidentaux : le Code Napoléon pour le Maghreb et le Levant, le Belge et l’Italien pour la Turquie, le Britannique pour la Malaysie, le Néerlandais pour l’Indonésie.
Très tôt, d’innombrables peuples avaient embrassé l’Islam .Hors de sa région natale, il s’était trouvé, tout naturellement, en butte à des mœurs et coutumes différentes auxquelles il s’adapta. Pour ce faire, de nombreuses écoles de pensée (madahib) virent le jour sur des espaces culturels plus ou moins nettement délimités et chacune développa son propre Fiqh - siège de l’orthopraxie, c’est l’équivalent du Talmud (auquel on emprunta bien des dispositions).
Le rôle des Fiqhs (ou Sharia au sens large ) est d’établir des points de corrélation entre ces différentes régions du monde islamisées et le Coran : c’est pour ainsi dire les « drivers » qui relient celui–ci à celles –là.
Les 2 principaux courants de l’Islam sont le Sunnisme et le Shiisme. Le Shiisme a 2 écoles de pensée - d’importance inégale en nombre d’adhérents (ayant chacune son Fiqh) : le Chiisme duodécimain de l’Iran et l’ismaélien. Une 3ième école lui est rattachée, le Zaydisme - au Yémen essentiellement- qui se rapproche pourtant davantage du Sunnisme que du Shiisme. Le Sunnisme, lui, est composé de 4 écoles de pensée : la Malékite en Afrique du Nord, en Haute-Egypte, au Soudan, la Hanafite en Turquie et pays d’héritage turcique, la Hanbalite dans la péninsule arabique et le sud de la Jordanie et la Chafiite, en Egypte, sur la bande côtière est-africaine, au Pakistan, en Indonésie. https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/270916/de-la-soi-disant-unicite-de-la-sharia-et-du-pseudo-monolithique-islam
Donc, l’Islam est protéiforme, il est, au moins, aussi divers que le Christianisme.
Remarque 1: ce n’est, bien sûr, pas le Coran qui divise ces entités, mais leurs différents Fiqhs : marqueurs d’assises culturelles, ils sont instrumentalisés par des rivalités politiques. C’est particulièrement visible dans la querelle passionnelle qui oppose aujourd’hui le Shiisme iranien révolutionnaire au Wahhabisme saoudien ultraconservateur. En effet, l’élargissement de la sphère d’influence du Fiqh de l’un, au détriment de celle de l’autre ,a des conséquences religieuses , politiques, sociales et militaires qui bouleversent les alliances , les allégeances et le clientélisme .
On promeut ce que l’on peut. Les uns promeuvent qui leur langue, qui leur musique, qui leur culture à l’ombre de leur hégémonie économique et militaire ; les autres promeuvent leurs particularismes religieux. Mais la dynamique et les objectifs sont les mêmes et visent à l’instauration de l’influence, mère de l’intérêt bien compris.
2- L’Islam de France.
En France, les adeptes de l’Islam sont d’origine maghrébine et sahélienne – dans 90% des cas - d’extraction turcique dans 8% des cas et les 2 % restants viennent d’Asie et d’ailleurs. Pour faire bonne mesure, rappelons qu’au Maghreb, vivent dans une intrication plus ou moins lâche, plongées dans le Malékisme majoritaire, d’innombrables confréries soufies. Pour compliquer le tableau, l’Islam d’Afrique du Nord mélange syncrétisme et orthodoxie coranique. C’est ainsi que, dans cet Islam du « petit peuple », subsiste le culte des ancêtres (dit parfois « culte des Marabouts » ou encore « culte des saints ») vestige sans doute - tout comme l’Achoura- du bref règne des Fatimides, Shiites.
Ceux qui ont la chance d’avoir une djedda chanoua et une mamie bretonne vous confirmeront que, à bien des égards, la trame de l’Islam nord-africain des humbles et celle du Catholicisme domestique breton des humbles (diocèses de la Marche de Bretagne et du Finistère) se ressemblent par bien des aspects. J’entends, par cela, ce Catholicisme et cet Islam, quasi instinctifs, mélanges de superstitions et d’approximations dont la douceur du souvenir - figé dans la mémoire de l’enfance - fait fondre les cœurs les plus endurcis.
L’Islam de France est l’héritier de ces vagues successives de gens modestes injectés dans notre économie et notre vie par les besoins de main-d’œuvre et de défense nationale (la majorité des effectifs de la France Libre provenait de nos colonies : à méditer !). Le déracinement lui porta un coup terrible ; la modernité l’acheva, et ce d’autant plus facilement que l’association des Oulamas avait proclamé - dès les années 30 - que c’était là l’islam de l’obscurantisme, responsable des malheurs de l’Algérie.(Dans « l’Opium et le bâton», Mouloud Mammeri décrit le rôle, peu flatteur, imparti à cet Islam par les uns et les autres).
Remarque 2 : L’association des Oulamas n’a pas été la bienvenue partout : son chef de file, Abdel Hamid Ben Badis fut même conspué à Philippeville (aujourd’hui, Skikda). Mais, à force de patience, elle finit par trouver audience. C’est ainsi que le malékisme éclairé redevint l’obédience, petit à petit, majoritaire, au grand dam de la France coloniale – elle y avait vu rapidement un grand danger- qui avait fait de l’islam des confréries et des zaouiates son cheval de Troie, d’abord, puis sa courroie de transmission. La loi du 09 décembre 1905, socle fondamental de la laïcité, n’a jamais été appliquée dans nos colonies ; l’alliance du « Sabre et du Goupillon » a été la norme. À ce titre, le discours de monseigneur De La Vigerie, Prima d’Afrique du Nord, bras droit du Pape, aux officiers de la 3ième République, d’une escadre de passage dans la rade d’Alger, est édifiant : on est loin du dégoût, affecté, des Jacques Myard, des Françoise Laborde et d’autres « délicats » de l’assemblée nationale chipotant un steak halal au « Quick » du coin.
En France, rejetés par leurs voisins, ostracisés partout, les pères et les grands-pères s’étaient concentrés sur l’essentiel : leurs enfants. Ils ont baissé la tête et serré les dents pour faire leur chemin. Le marqueur stigmatisant « Islam » fut gommé (dans l’intérêt des leurs). Ils ont même fini par ne plus l’enseigner à leurs enfants. La croissance « hors sol » de l’Islam de la diaspora produisit donc des rejetons rabougris cultuellement. Ces derniers ne connaissent rien de l’Islam - ni du malékisme savant, ni de sa caricature qui avait pourtant suffi à bien des générations.
Le problème est que les enfants et les petits-enfants, nés français - au comble de la révolte contre le sort qui leur est fait - jugent et condamnent leurs pères et grands-pères, responsables à leurs yeux, « ces toujours enturbannés dans leurs têtes », de n’avoir pas su défendre leur dignité d’hommes et celle de leurs familles. Ils ne baisseront pas la tête, eux : ils sont français ; à bon entendeur…
Pour qui connaît l’Histoire, un tel verdict est injuste, pour le moins. Mais c’est bien connu, la jeunesse a de ces jugements aussi faciles qu’approximatifs. La culpabilité suit en règle générale quand arrive l’âge de la comparaison et que la raison élargit le champ de vision : les chibanis ont fait pour le mieux, somme toute, comme tous les pères et mères du monde. Alors, ces écervelés d’un jour - de toujours pour certains - se découvrent les remparts, quand ce n’est pas les vengeurs, de leurs pères - qui ne demandaient rien et aspiraient seulement à finir leurs jours, tranquillement, au milieu des leurs.
Enfant, j’ai vu des camarades, facilement écorchés par les mots « crouilles » et « bougnoules », dans les cours de récréation et ailleurs, se transformer, l’injustice aidant. L’adolescent reprenait, alors, les arguments racistes des uns et des autres et les retournait contre ses agresseurs:« je suis un bougnoule et si le ciel doit tomber, qu’il tombe». Ce qui était voulu infamant devenait étendard.
Ce retournement n’est pas sans danger pour l’enfant qui n’a pas les mots pour décrire ce qui l’oppresse. C’est dans l’esprit de la partie la plus acculturée et la plus révoltée à la fois, de cette jeunesse que s’insinuèrent, petit à petit, les idées islamistes, par réaction. Internet leur permit de s’imprégner de la propagande salafiste wahhabisée - que l’Arabie Saoudite répand sur le monde (un budget de 9 milliards !) avec ses mosquées construites « imams en main », ses télé-prêcheurs saturant les ondes, ses financements d’universités et ses dotations de bourses d’étudiants à foison.
Il est de règle que celui qui paye décide. Nos dirigeants, la cupidité aidant, l’ont oublié.
Remarque 3: L’Islam de France est donc d’extraction malékite .Dans cette obédience, Il n’y a pas de clergé : le pouvoir spirituel est de ce fait des plus limités. De plus, chaque adepte n’a de compte à rendre qu’à son Dieu. Il en résulte une pratique individualiste et une autorité morale des Oulamas, limitée strictement au Fiqh. Ces deux caractéristiques ont interdit jusqu’ici la mise en place d’une entité quelconque représentative de l’Islam de France. Une fatwa comminatoire comme celle proclamée par Khomeiny contre l’écrivain Salman Rushdie, est, de ce fait, tout simplement impossible dans le malékisme et donc dans l’Islam de France. Ceux qui instrumentalisent l’Islam essentialisé n’ont bien sûr pas intérêt à le dire.
Remarque 4: Qui dit absence de clergé dit absence de contre-pouvoir. Des quatre principales religions du pays, la musulmane est la moins susceptible de « faire de l’ombre » à la République. Mais l’absence de courroie de transmission entre l’Islam de France et le ministère de tutelle (le Ministre de l’Intérieur est aussi Ministre des cultes) se révèle un foyer permanent d’infection.
En effet, des intérêts particularistes divers utilisent les failles de l’Islam, les uns pour s’attaquer à la République (c’est le cas de DAESH), les autres (féministes, lobbies homosexuels, athées) pour rogner sur la prégnance du pouvoir spirituel de l’Eglise Catholique (toujours vivace, malgré un déclin relatif) et ce, dans le but de favoriser le changement rapide des mœurs de la société.
Et enfin, il est un cas particulier : celui des sionistes .Ils se posent, aussi hypocritement qu’outrancièrement, en chantres de la défense de la francité et de la culture française, mais, sans retenue, versent de l’huile sur le feu : tant pis pour Marianne. Ils puisent de manière éhontée (c’est particulièrement choquant de le constater) dans le répertoire des antisémites, leurs ennemis d’hier - en remplaçant toutefois le mot juif par le mot musulman - les arguments pour agonir l’Islam de France. Par un jeu verbal « de billard blousé » et de « bonneteau lexical », ils induisent la détestation de l’Islam essentialisé, provoquant, par amalgame, la détestation des Arabes, laquelle entraîne la détestation des Palestiniens, et ce, pour le plus grand bien d’Israël.
Pour en avoir appelé à Zola et écrit un ouvrage, « pour les musulmans » - là où l’auteur de « j’accuse » titrait « pour les juifs » - Edwyn Pleyel est moqué, calomnié par les divas sionistes et finalement traité de « sourire de la Stasi » par Alain Finkielkraut. Pour avoir pris des positions internationales et nationales, Pascal Boniface, dont on connaît la retenue, est taxé d’antisémitisme .Pire, on s’attaque à lui à travers son fils. En effet, lors de l’arrivée de ce dernier à Science Po, Frédéric Encel, maître de conférences à Science Po Paris (également Directeur de séminaire à l'institut français de géopolitique et intervenant à l’Institut des hautes études de défense nationale)eut la bassesse d’atteindre le père en stigmatisant le fils. Et tout à l’avenant.
Par ailleurs, toute victoire sur l’Islam de France est proclamée victoire contre la religion en général. Elle est aussitôt exploitée, le tapage médiatique aidant, aux bénéfices de transitions sociales notables : mariage pour tous, égalité des sexes, libération des homosexuels, banalisation du sionisme. Le cheval de bataille de ces causes particularistes ? La laïcité, dont ils se prévalent outrancièrement - depuis 30 ans – et dont ils bafouent au quotidien la loi du 09 décembre 1905, protégée pourtant par la Constitution https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/011016/lettre-ouverte-m-le-president-de-la-republique. Nobles au départ – pour certaines du moins- ces causes se sont révélées, par le cynisme déployé, nihilistes et particulièrement meurtrières pour le vivre ensemble.
Les « Bureaux Arabes » du 19ième siècle avaient réussi à installer, en Algérie, la courroie de transmission nécessaire et suffisante entre eux et l’Islam tribal et confrérique .Nos gouvernements successifs, depuis 1962, ont échoué à établir un tel lien - devenu, pourtant, indispensable- entre l’Islam de France et la République. Mais le voulaient-ils vraiment ? Nous avons toutes les raisons de penser qu’ils ne l’ont pas voulu par pur clientélisme électoraliste. L’Islam de France est décidément le bouc émissaire tout désigné.
3- Tribulations du Salafisme
Au Moyen-Âge, le mouvement « salafiste » s’était insurgé contre l’Islam interprétatif en général - le « Khalaf »- auquel il préfère un Islam puritain dont seuls les premiers adeptes de Mahomet - «Al Salaf » ou prédécesseurs ou pionniers- sont, à ses yeux, les dépositaires.
C’est ainsi qu’il en était venu à remettre, violemment, en cause l’école aristotélicienne arabo-musulmane, et les Mutazilites, coupables, selon lui, d’avoir couché sur le lit de Procuste de la raison la théologie et les principes moraux. Pourtant, « ces chatouilleux » devraient savoir que ces divergences de point de vue sont expressément rendues licites par un hadith : « le désaccord d’opinions régnant dans ma communauté est une manifestation de la grâce divine ».Personne n’a donc le monopole de la vertu : la parole est au ban et même à l’arrière ban, qu’on se le dise !
De plus, le wahhabisme est une secte qui se drape dans les plis de la gandoura de la branche sunnite péninsulaire, hanbalite. Mais l’habit n’a jamais fait le moine, que l’on sache.
Selon la solution traditionnelle sunnite, il n’est plus permis de constituer un nouveau corps de doctrine, pas même en faisant des emprunts ajustés et ciselés à ses quatre obédiences. Or, qu’a fait le wahhabisme, sinon constituer un nouveau corpus en piochant dans la nécropole du salafisme d’abord, dans le hanbalisme ensuite et surtout - puisqu’il faut être en tête de gondole, si on veut, à terme, détenir le monopole du marché de la foi » – se démarquer de la concurrence, avant de la battre.
Notons toutefois que les tenants du « Salaf » comme ceux du « Khalaf » ont eu recours à l’interprétation des versets coraniques. Nous sommes donc loin du « texte dicté par Dieu », monolithique, inaltérable à la pensée des hommes et indifférent à la marche du temps, tel que proclamé par le tenant du Salaf ainsi que – curieusement- par ses pourfendeurs aussi bien chrétiens, juifs, qu’athées.
4- De l’interprétation du Coran
Contre l’évidence historique, des faux amis, et de vrais ennemis du Coran, s’entendent pour venir nous dire : « le Coran est un texte dicté à Mahomet , c’est la quintessence de la parole divine, on ne doit pas l’interpréter ».
L’orthopraxie juive confère une importance particulière à la pratique des commandements mosaïques de la Thora des Mitzvot et de la Halakha. Une longue pratique de l’injustice a amené les juifs à soustraire l’orthopraxie de l’effet délétère résultant des incursions des antisémites dans leur religion : l’étude permanente des Commentateurs Talmudiques veille à son intégrité.
L’orthopraxie musulmane s’appuie sur les différents Fiqhs. Le rôle imparti aux Oulamas est celui des Commentateurs Talmudiques (ils n’ont cependant pas, dans l’obédience malékite, l’autorité spirituelle d’un rabbin : c’est ce qui explique pourquoi ils ont brillé par leur absence, ces 30 dernières années) : ils veillent à la fluidité des Fiqhs dans le contemporain. Mais le caractère purement consultatif, résultant de l’absence de clergé, rend l’action des Oulamas difficile : chaque décision se met en place par consensus et doit « donner du temps au temps ».
Dès lors, ceux qui proclament que l’Islam de France n’est pas miscible dans la démocratie, nous la « baillent » bien belle : ils devraient se mettre en conformité avec la réalité des choses ! Ces gens–là (n’est-ce pas, M. Sarkozy ?) ont l’outrecuidance de venir interposer, en permanence, les « décisions autorisées » d’El Azhar – d’obédience Chafe’ite, pourtant – entre la République et l’Islam de France d’obédience malékite en majorité. Ce faisant, ils établissent l’arc électrique nécessaire et suffisant pour brouiller la réception des uns et des autres et « shunter » la réalité : « tout va bien, dormez, bonnes gens ! ».
Comme tous les textes religieux, le Coran n’a jamais cessé d’être interprété, d’abord parce que la langue arabe, comme toutes les langues, évolue ,ensuite parce que les musulmans du monde ont des langues et des cultures différentes et qu’ il a bien fallu interpréter pour établir des dénominateurs communs : en établissant les Fiqhs des différentes écoles de pensée de l’Islam, les Abou Hanifa, Malek Ibn Anas, Ibn Hanbel et El Chafe’î n’avaient-ils pas interprété le Coran au bénéfice des cultures propres à telle région ou à telle autre ?
Par ailleurs, le Coran, intrinsèquement, recèle des versets univoques (muhkam) et d’autres équivoques (mutashâbih). Le corpus univoque constitue les fondations du crédo : il est le pôle d’ancrage de la foi. Complété par les hadiths et la sunna, il est la source de l’Orthopraxie. L’équivoque, par son imprécision même, induit des divergences de point de vue : il recèle le germe de la déviance et de la discorde ; il a fatalement fait l’objet d’interprétations, plus ou moins pertinentes, à la faveur de telles impulsions ou telles autres.
Ces impulsions peuvent être le résultat des vicissitudes de la vie des nations, des famines, des guerres, du progrès de la science, des migrations et, aujourd’hui, de la mondialisation. Ils sont autant de points d’inflexion sur la trajectoire des pouvoirs spirituels. Toutes les religions en sont venues, à un moment ou un autre, à rogner sur leurs assurances, à parfaire le maquillage de leurs mythes fondateurs, à réajuster leurs credo et à réinterpréter tel verset ou tel autre. Et pour cause, vivre c’est interagir ! Rien de ce qui touche l’homme n’est, dès lors, linéaire et immuable et ceux qui ont entrepris de « faire l’ange » ont toujours fini par « faire la bête ».
Enfin - pour ce qui concerne le très rigide Salafisme wahhabisé saoudien - n’a-t-on pas vu, ces dernières années, les oulémas de cette obédience venir, en catastrophe, réinterpréter le texte sacré pour rendre « halal », licite, la présence des forces US sur la terre sainte de l’Islam et faciliter ainsi la croisade, proclamée comme telle, par G.W.Bush et vécue, comme telle, par les musulmans ?
À l’évidence, tous les textes religieux sont interprétables par des assemblées de savants. Renvoyons dos-à-dos nos néo-exégètes laïcistes et salafistes. Ils participent de la même dynamique distributive mortifère : ils s’entre-potentialisent mutuellement. Dans une réciprocité implacable, les uns amènent l’eau nécessaire au moulin des autres. Bref, ils se font la courte échelle dans l’escalade vers l’horreur.
La démocratie et le vivre ensemble exigent que les citoyens apprennent de nouveau - ce qu’ils n’ont que trop oublié- qu’ils sont responsables, capables de volonté, en charge de droits et de devoirs et solidaires parce que leur liberté même l’exige. L’Ecole doit redonner aux caractères une trempe nouvelle. Elle doit accoutumer l’élève, le futur citoyen, à ne vouloir d’autres étais que la fermeté des convictions arrêtée par la raison investie dans la liberté de recherches .Certains ont appelé cela le Cartésianisme. Soit, qu’on retienne, alors, que l’article 1 du Cartésianisme est le doute : rien ne doit être pris pour argent comptant, a priori.