Joseph Macé-Scarron, directeur de Marianne, faisant la réclame pour son dernier livre, écrit :http://www.marianne.net/t-on-encore-droit-ne-pas-avoir-religion-100247827.html?utm_medium=Social&utm_campaign=Echobox&utm_source=Facebook&utm_term=Autofeed#link_time=1478970205 : « Les religieux. Ils sont partout. Ils interviennent partout. Ils ont un avis sur tout. Ils exigent tout... des autres. Plus avisés que les politiques, plus inspirés que les intellectuels, plus volubiles que les experts, leurs recommandations, jadis brocardées, ignorées, ringardisées, sont maintenant écoutées et lues avec dévotion comme s'il s'agissait d'articles de publications scientifiques. A chacune de leurs apparitions, même les animateurs les plus grinçants, les plus acides, esquissent une génuflexion comme s'ils passaient devant l'autel ».
Oui, M. Macé-Scarron a raison, nous avons vu des soi-disant animateurs grinçants et acides, des hommes politiques, mais aussi des journalistes, ses confrères - que, par pudeur sans doute, il épargne- se livrer à ces exercices qui assouplissent l’échine. Rendons-leur justice, cependant, ils n’ont jamais fait montre d’un quelconque jeu de hanches aguicheuses à l’endroit de l’Islam de France .Bien au contraire, ce dernier a eu droit, depuis 30 ans, au coup de menton qui se veut viril, aux termes lapidaires, vexatoires et définitifs. Avez-vous un livre à vendre, une cause à défendre ? Êtes-vous au service de tel lobby ou tel autre ? Essuyez-vous les pieds sur la dignité de nos compatriotes musulmans et vous êtes les bienvenus. N’est-ce pas M. Castro, M. Finkielkraut, M. Zemmour (la liste est trop longue) et M. Macé-Scarron, bien sûr ?
M. Macé-Scarron regrette le temps jadis où « de religion, on ne parlait jamais ou presque. C'était le grand absent. Cela paraissait incongru, déplacé. Sauf quand on décidait de se rendre à la messe de Noël ou que l'on enviait l'ami sapé comme un milord pour sa bar-mitsva, que l'on mangeait les dattes offertes par la voisine pendant la période du ramadan(…) ».
Que de candeur ! (feinte ?) Mais à qui la faute ? Qui a imposé le religieux dans les débats, ad nauseam ? Marianne, et d’autres medias, ont titré, à la « Une », sur l’Islam, jusqu’à l’écœurement, depuis 30 ans. Ce que Freud appelait le « délire collectif » et que M. Macé Scarron exploite pour agonir le religieux, s’applique également, et dans ses moindres nuances, aux sicaires laïcistes, qui - en véritables flibustiers de la plume – opportunistes à souhait, ont violé à outrance la loi de décembre 1905 et la Constitution de la République, le cadre, pourtant strict, de la laïcité.
M. Macé-Scarron, s’essayant au bonneteau lexical, déclare : « « Je suis l'homme d'un seul livre », pérorait Thomas d'Aquin. Voilà sans doute pourquoi nos trois monothéismes qui se sont baptisés « religions du Livre » - par antiphrase, sans doute - sont celles qui ont le plus pratiqué l'autodafé et détruit les bibliothèques durant les siècles. »
Tout ce carambolage pour associer « religion du livre » et « autodafé ». On peut, en effet, parler de péroraison dans ce cas de figure, assurément.
Par « Je suis l'homme d'un seul livre », Thomas d'Aquin se dit chrétien – le livre dont il est question ici est la bible (ancien et nouveau testament) - et, chrétien, il l’était. M. Macé-Scarron observe le grand homme par une fente de Fresnel et, malheureusement pour lui, tombe sur une raie obscure ; forcément, il n’y voit goutte. Néanmoins, il est libre de le juger à l’aune de cette réduction. Mais, tout lecteur, fuyant les éclairages polarisés, en viendrait, au contraire, à lui rendre justice. Qu’on le veuille ou non, les monastères ont été le creuset de la fusion des intelligences universelles, durant des siècles ; Thomas d’Aquin fut une de leurs éminences. Enfermer les uns et les autres dans l’opprobre, justifié, inspiré par un Savonarole, serait injuste.
A moins que M. Macé Scarron ne veuille barricader, préventivement, la porte de l’enclos, de peur que de jeunes agneaux, curieux de tout, ne s’en évadent, en quête de vérité. La faute de Thomas d’Aquin ne se situerait pas, alors, dans ce rappel de sa religion ; M. Scarron n’en aurait pas le front : il proteste bien, lui, de la sienne, l’athéisme. Non, ce qu’on reproche à Thomas d’Aquin, c’est la puissance de ses analyses et surtout ses prises de position, laudatives, à l’endroit de l’Islam. Certes, il estimait que Mahomet n’égalait pas Jésus ; mais Mahomet lui-même se voyait homme parmi les hommes et reconnaissait une certaine préséance au fils de Marie .Quoi qu’il en soit, ces critiques contre Mahomet confèrent d’autant plus de poids aux dires de Thomas d’Aquin concernant l’Islam. N’a-t-il pas osé déclarer, eu égard à la tolérance de l’Islam d’alors, pouvoir vivre sa foi de chrétien en terre d’Islam, le cœur serein ? Quelle horreur, n’est-ce pas, M. Scarron ! On ne peut même plus compter sur eux pour faire couler le sang et, surtout, l’encre de vos journaux .Tout fout le camp !
M. Macé -Scarron, tout à son hubris, déclare : « Voilà sans doute pourquoi nos trois monothéismes qui se sont baptisés « religions du Livre » - par antiphrase, sans doute - sont celles qui ont le plus pratiqué l'autodafé et détruit les bibliothèques durant les siècles ».
Je suis jalousement républicain mais cela n’hypothèque en rien ma liberté de penser. L ‘Histoire montre qu’Il n’y a pas que les religions qui s’oublient et versent dans l’intolérance et l’autodafé : la révolution française et sa fille naturelle, la russe, la révolution allemande - au sortir de la première guerre mondiale - et, plus tard, l’hitlérisme ont abondamment illustré cela. N’est-ce pas l’Homme, plutôt, qui porte en lui le germe de la violence et de l’intolérance ?
Juste une remarque relative à l’appellation « Religions du Livre ». Ce ne sont pas les trois monothéismes qui se sont baptisés ainsi - et encore moins par antiphrase. Ce titre a été donné aux chrétiens, aux juifs – et aux musulmans- du vivant de Mahomet, et aux bahis, sous le règne du calife Omar, pour les dissocier des non croyants. Cette appellation conférait aux juifs, chrétiens, et bahis le statut de « Dhimmi » - qu’on peut traduire par « sous la protection directe du souverain ».(Voir écrits de - et sur - Rabbi Haïm Nahum et la réponse, de ce dernier, à la proposition du sultan de la Sublime Porte de soustraire ses sujets juifs au statut de « Dhimmis »).
Ce statut, que nos néo-exégètes laïcistes dénoncent comme discriminatoire, permettait déjà – après des années de troubles, certes - la liberté de culte aux juifs, chrétiens et bahis, dans des temps où les bûchers de l’intolérance proliféraient sur notre continent.
Les « Dhimmis » payaient un impôt supplémentaire né du fait qu’ils étaient exemptés du port des armes en temps de guerre. Rappelons - quant à ce dernier point - que c’est le cas, en Israël, aujourd’hui, des arabes de nationalité israélienne : vous n’avez rien à y redire, n’est-ce pas ?
M. Macé Scarron ajoute « En quatre décennies, les croyants dont on prophétisait, hier encore, l'irréfragable disparition, dont on dépeignait l'interminable agonie, occupent l'espace public ad nauseam et ils étouffent désormais comme le lierre le débat contradictoire tant il est vrai que s'élever contre la vérité est compris comme le plus épouvantable des péchés ».
Pour être contradictoire, un débat exige que les deux parties échangent, loyalement de préférence, leurs arguments ; le résultat en aurait été « les deux sons de cloches » salutaires. Or, depuis 30 ans, dans un matraquage lancinant, sûrs de l’impunité, nos médias assènent, effrontément, les mêmes mensonges en violation flagrante des lois de la République et de sa Constitution. Si lierre il y a – comme M. Macé Scarron le prétend - il s’enracine , plutôt, dans l’arrière-cour de Messieurs de l’Aristocratie du moment, laïcistes, forcément athées , tenant dans la main les médias et abreuvant les citoyens de contrevérités .Pour être précis , soulignons que ce lierre, foisonnant outrancièrement, étouffe notre citoyenneté, notre vivre ensemble , notre laïcité et le débat réellement contradictoire auquel des citoyens responsables ont droit.
Il y a quelque temps déjà, M. Robert Badinter – honneur à son nom- attirait notre attention sur les problèmes qui s’amoncelaient sur nos têtes (cf. extrait vidéo à partir de : minute 5.35/8.57 https://www.youtube.com/watch?v=-Da1gld07OI ) : Sur le sentiment d’insécurité «(…) Faire voter des lois de circonstance qui ne répondent pas à un besoin réel c’est de la démagogie judiciaire. (…) Le résultat (de notre propension à légiférer) aujourd’hui, c’est une violence physique gratuite comme il n’y en a jamais eu dans notre société. C’est lié à des causes sociales, la plupart dues à la politique de Nicolas Sarkozy. Cette politique ne pouvait que décevoir. Vient à ce moment-là quelqu’un de plus sécuritaire et d’encore plus démagogique, le FN, qui rafle la mise ». Sur la question du sort qui est fait à l’Islam de France, M. Robert Badinter déclare « vous ne pouvez exploiter les thèmes « insécurité : je vais vous protéger », « l’immigration clandestine : je vais l’arrêter », sans qu’inévitablement la surenchère ne se fasse : « c’est parce qu’on n’a pas assez fait »; « plutôt que d’utiliser la copie, venez à l’original» ; etc… . C’est ainsi que Le FN est porté par des années de propagande qui vont dans son sens et qui, au regard des faits, se révèlent impuissantes. (…). Je ne supporte pas que, depuis des années, on stigmatise une population. Ce sont des citoyens français(…) quand on fait un débat sur l’identité nationale avec en arrière-plan des problèmes comme celui de la burqa, quand on annonce l’Islam et la Laïcité – Laïcité, un principe fondamental de la République – on ne peut pas ne pas avoir le sentiment qu’on met de côté, qu’on pointe du doigt, qu’on stigmatise ceux qui sont membres de la communauté nationale. La république est une et indivisible, elle ne reconnaît que des citoyens sans aucune distinction de sexe, de race, de religion, d’opinion, ou d’orientation sexuelle. Dès l’instant où vous annoncez Laïcité et Islam, vous pointez du doigt et stigmatisez par voie de conséquence les musulmans. Comment nos concitoyens musulmans ne ressentiraient pas comme une blessure et une exclusion ? Donc, c’est semer les grains de la division, je dirais peut-être plus, de la guerre civile ».
Il est « beau » le résultat. Ni les regrets ni la nostalgie de notre paradis perdu de l’enfance n’y changeront quoi que ce soit. Nous sommes « au pied du mur », que nous devons réparer. Cela commence par de la retenue d’une part et d’autre part par le respect de la loi de décembre 1905 et de la Constitution délimitant, concomitamment, le cadre de la laïcité. Toute loi est d’application stricte, que cessent donc les divagations : ce qui est dans ce cadre est la laïcité, ce qui est en dehors, ne l’est pas.
Sur le plan international, dans leur dynamique coupable, nos exégètes laïcistes, ont fait la courte échelle aux intégristes de tous poils ; en affolant nos enfants, nés chrétiens ou musulmans, par leurs banderilles de haine, décochées au quotidien, ils sont devenus les meilleurs « sergents recruteurs » de DAESH – un monstre de notre création, lui aussi.
Sur le plan national, en banalisant le mépris gratuit, en avivant, en permanence, les blessures infligées à notre orgueil par l’Histoire, nos exégètes laïcistes ont cristallisé toutes les peurs et toutes les colères sur l’Islam de France - et ce, bien avant les attentats, chacun peut en témoigner. Le matraquage médiatique a canalisé nos compatriotes en perte de repères tout naturellement vers le FN comme le signale, ci-dessus, M. Badinter : pourquoi choisir la copie, puisque Marine propose l’original.
Toutes les intolérances se valent, M. Macé-Scarron.
Belab