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L'escarbille

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Billet de blog 19 février 2025

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Nids de crotales  …    B1

La pensée critique est partie intégrante du fondement de la dignité humaine.  Pour l'avoir oubliée , Sommes-nous devenus nihilistes selon Nietzche et/ou stupides selon Bonhoeffer?  Le doute me taraude.

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Nids de crotales  …                      B1

Le milieu naturel

La pensée critique est partie intégrante du fondement de la dignité humaine. 

Dans la morale d’esclave, Friedrich Nietzche  décortique l’abandon de cette valeur primordiale par  certaines personnes  qui renoncent à gérer leur propre liberté, abdiquant  ainsi leur statut de personne  à part entière  et leurs responsabilités de citoyen : ce qui les caractérise est le suivisme. Elles   donnent dans les idées simplistes plutôt que rechercher la vérité par elles-mêmes et finissent simples instruments dans les mains d’un gourou, d’un collectif, d’un système, d’une idéologie...

Dietrich Bonhoeffer parle, lui,  dans ce cas de figure,  de stupidité. Chose  qu’il définit  comme étant le fait de gens moralement affaiblis, influençables et perméables aux idées simplistes      ambiantes sans les remettre en question, et ce,   non pas par manque d’intelligence mais par    renoncement volontaire à l’exercice d’une pensée critique. Ces gens préfèrent se conformer aux modèles désignés par la doxologie plutôt que d’affronter l’incertitude (et le  stress) de la réflexion autonome.

Sommes-nous devenus nihilistes selon Nietzche et/ou stupides selon Bonhoeffer?  Le doute me taraude.

Un « cas d’école » de notre stupidité : le saccage de notre jeunesse.

Les lynchages médiatiques se suivent, mornes comme une année sans saison. Ce qui est grave,  ce n’est pas tant la répétition mais l’aura que leur confère, depuis peu, le relai  sénatorial. J’en veux pour preuves   le buzz  autour du cas  Aya Nakamura, orchestré par le Président Larcher [1] ,en proie à une excitation incompressible, et les abus de Droit de Mme  la Sénatrice Goulet  prenant pour cible l’humoriste  Merwan Benlazar qu’elle voudrait bannir non seulement de la « chaîne 5 » mais aussi « de la télévision et de la Radio »   sous le motif : d’ « être  un « humoriste » ( entre guillemets ,dit-elle) ; sur son compte Twitter, (…) Merwan Benlazar est coutumier d’exégèse de la Sharia  (sic !) (…) ; il  recommande des sites ouvertement salafistes ». Mme la Sénatrice réprouve, en outre, « les  saillies contre les forces de l’ordre, dans ses sketchs » et  « son look salafiste » et j’en passe.

Merwan Benlazar cache, certes,  une calvitie débutante sous un bonnet de marin (adopté, du reste,  par les sportifs depuis des lustres) mais aucunement son toupet. Il aggraverait son cas, aux yeux de certains,  en exhibant ostentatoirement une touffe juvénile.

Question : quel est le but de ce crêpage de poils ? Qu’est-ce que la Sénatrice Goulet - et la République avec - a à faire dans cette mêlée ?

Pour ce qui est des saillies et des caricatures des humoristes, j’ai cru comprendre que nous nous faisons une religion de ne pas les censurer – mieux, de les protéger.  Le fait que les chansonniers prennent pour tête de turc les forces de l’ordre, est une constante dans l’humour français depuis… Cro-Magnon et les yzies-de-Tayac. C’est bien là  une preuve suffisante pour se rendre à l’évidence : Merwan Benlazar est bien français.

Après  avoir lié l’École, l’abaya, le service public et la tenue  vestimentaire de l’humoriste (« manifestement salafiste », précise-t-elle),  Mme la Sénatrice sort ce qu’elle croit être  un argument massue, une manière de marteau d’Odin : «  il n’y a rien d’innocent dans ses actes. Et je travaille depuis trop longtemps  sur la laïcité et le respect de la République pour qu’on me traite de raciste …».

On ne peut décemment pas traiter Mme la Sénatrice de raciste : elle représente la République. Tout au plus, le citoyen lambda pourrait, à la rigueur, lui rappeler que cette  qualité  de représentante de la République dans sa neutralité lui impose de demeurer à égale distance des croyances (religieuses et profanes) de ses citoyens.  Elle lui interdit, au nom de la loi,   les divagations,  les amalgames et les jugements fallacieux  péremptoires.

 Au regard du Principe de laïcité et de la liberté d’expression et de conscience inscrits dans le marbre constitutionnel, Mme la Sénatrice  a tort…Se joindre à la curée médiatique consistant à enfermer un  amuseur public (ou n’importe qui ,du reste) dans sa supposée religion (comme ce chiot surnuméraire- qu’on destine à la noyade- dans son sac-linceul) est néanmoins raciste ; je doute fort que la justice me contredise sur ce point ...D’aucuns crient à l’antisémitisme pour beaucoup moins.

La tirade de l’humoriste, «  je savais que j’allais être viré ; mais viré par une arabe, c’est chiant », a un arrière fond de dépit légitime car le « deux poids, deux mesures », dénoncé à l’Assemblée Nationale, selon qu’on s’appelle Zemmour ou Benlazar, n’est que trop manifeste. Mme Dati, Ministre de la Culture, le confesse à sa manière : «  Je vous parle de l’humoriste Merwan Benlazar, et vous me parlez de Zemmour  [qui, lui] a été jugé et condamné par la justice. Les propos de Benlazar sont-ils blessants ? Oui. Relèvent-ils de la justice ? Non

 Effectivement, ce n’est pas pareil. L’un est un amuseur public, l’autre un islamophobe notoire condamné par la justice. Le problème est que Zemmour  garde, lui, le droit d’antenne  à la radio comme à la télévision  et que Merwan Benlazar soit saqué. On s’attendrait au contraire. Où réside l’égalité des citoyens devant la loi, dans ce traitement différentiel ?

De la banalisation et de sa force d’inertie.

Mme la Sénatrice Goulet, comme elle le confesse, «  travaille depuis trop longtemps  sur la laïcité » : l’accoutumance émousse l’attention, à preuve …Elle dit salafisme et pense islamisme. Le premier est un puritanisme, guère différent de celui qui anime le protestantisme  américain  (nous n’irons pas chercher querelle aux Américains pour si peu, n’est-ce pas ?). Le deuxième est une nébuleuse de mouvances politiques  parasitant et instrumentalisant la religion musulmane.

Unissons-nous  contre l’islamisme  mais restons moralement propres : épargnons la liberté de conscience [2], une valeur cardinale de la France.

Je suggère - à  nous tous-  un exercice mnémotechnique ad hoc pour garder la balance qui sied sur de tels terrains mouvants : le wahhabisme de l’Arabie Saoudite est salafiste, le Roi Salman est salafiste, l’article 55 de notre constitution garantit nos accords internationaux, donc ceux passés avec l’Arabie Saoudite,  wahhabite… Le fait qu’Oussama Bin Laden était salafiste prouve seulement que le chancre atteint tout le monde quand  les mesures d’hygiène élémentaire sont oubliées.

Depuis 1989 et l’affaire du foulard de Creil, le matraquage médiatique aidant, les plus équilibrés d’entre nous en demeurent déstabilisés.

Pour le reste, je ne crois pas que notre propension  à renifler continuellement les fondements  de telle culture ou de telle autre  soit un modèle de diplomatie.

De même,  racler les fonds de tweets, sortis de leur contexte, pour étrangler  médiatiquement un amuseur public, ne me semble pas être le fait d’une justice saine, soucieuse du principe du contradictoire.

J’ai imité Mme la Sénatrice Goulet  dans sa logique  sur fond de soi-disant « preuves »  vidéos et de tweets : sa réputation n’en sort pas indemne, non plus.

Il ressort des vidéos  YouTube  , avant preuves légales,  que les positions de Mme la Sénatrice seraient tendancieusement islamophobes, que sa vision de la laïcité est erronée ( elle est en fait  superposable à celle du Printemps Républicain et viole la loi de 1905 et la Constitution), qu’elle  aurait une approche différentielle selon qu’il s’agit  de la « taxe sur le Casher » , qui finance le consistoire juif à hauteur de 35% , ou de  la demande de « taxe sur le Halal »  pour financer le culte musulman qui , elle, est plombée de mesures dilatoires ;  que Mme la Sénatrice aurait de très bonnes relations avec  de généreux donateurs Qataris . Et tout à l’avenant…

Tout ceci est présumé diffamatoire tant que la justice n’a pas émis de jugement en dernier recours.

Parce que nous sommes tous égaux devant la loi : Merwan Benlazar doit bénéficier des mêmes droits que Mme la Sénatrice.

[1]larch

[2] lib de consc

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