Nids de crotales … B3
I- de l’islamisme
L’islamisme, c’est de la politique instrumentalisant l’islam, une religion plurielle [1].
Tenir le culte musulman pour responsable des dérives islamistes est d’une maladresse insigne. C’est une faute grave par ses conséquences.
Sur le plan international, aux yeux du monde, elle nous désigne – inutilement - comme des ennemis déloyaux de l’islam : ce qui, d’évidence, handicape, et notre diplomatie, et notre influence et nous pousse (aussi manifestement que fatalement) dans les rets de « nos amis qui nous veulent du bien » au gré de leur agenda politique et de leur intérêts stratégiques et tactiques.
Sur le plan national, cette faute est imputée au chapitre « pertes en devenir ». En effet, le petit Français musulman, comme tous les enfants du monde, ne voit qu’à sa hauteur, et ce qu’il voit est terrifiant : ils ne m’aiment pas, ils ne m’accepteront jamais comme un des leurs…
Toutes les « gueules cassées du moi », participent de ce traumatisme ; peu d’entre eux basculent dans la violence, heureusement.
Épargner au moins l’innocence est le seuil liminaire de notre devoir de citoyen. Aussi l’école ne doit pas continuer à être l’otage des passions des adultes [2].
Quoi qu’il en soit, la responsabilité, le devoir, la raison exigent de chacun d’entre nous ce minimum. Ne soyons pas les dupes de service à plein temps…
La religion musulmane se décline sous d’innombrables obédiences. L’aire géographique qu’elle embrasse rassemble de nombreuses coutumes et cultures : elle s’y est adaptée. Du Maroc à l’Indonésie, les nuances, nées de la contiguïté, rapportées à l’immense espace géographique et aux héritages socio-politiques concernés, deviennent par la force des choses des différences notoires.
Les mouvances politiques (dites islamistes), qui parasitent et instrumentalisent cette religion dans ses différentes obédiences, sont de ce fait également variées.
Du reste, il serait vain de chercher l’islam dans l’islamisme. La religion musulmane n’est pour lui qu’un décorum dans lequel il ancre sa folie. L’islamisme tend vers la paraphrénie comme d’autres aberrations dans l’excès avant lui : le stalinisme, le fascisme, le national-socialisme, le régime « khmers rouges » et aussi le sionisme selon l’Institut Jonathan. (Ce dernier embourbe Israël dans une ornière et ridiculise le droit international ; son importation se révèle une chausse-trappe sans issue pour la France, sa démocratie et son rayonnement - France de nouveau engluée [3], pattes et ailes, dans un conflit qui ne la concerne pas et dans lequel elle n’a que des coups à prendre : « que fait-elle dans cette galère » ?) .
Ce décorum est indispensable à l’islamisme ; il est le substrat sur lequel il champignonne ; sinon le chantage au « devoir envers la communauté » auquel il se livre, sans vergogne ni pitié, serait, d’évidence, hors sol. Ce qu’il veut, ce n’est pas le salut de Fatima ou de Mohamed dans l’au-delà, mais l’embrigadement, ici et maintenant, des sans-grade autour de lui (de gré ou de force, s’ils sont susceptibles d’être pourvoyeurs de l’aide et des subsides dont il a besoin).
La vraie religion des islamistes, c’est accaparer le pouvoir ou du moins s’en rapprocher. Il n’y a donc rien de nouveau sous les cieux : c’est là une constante de l’anthropologie …
Quoi qu’il en soit, le constat de l’histoire est têtu : la quasi-totalité des victimes de l’islamisme sont des musulmans. Notre égotisme et notre ethnocentrisme maladifs dussent-ils en souffrir, nous devons l’admettre, ne serait-ce que pour notre gouverne.
Les mouvements islamistes sont néanmoins, tous, nés par réaction au colonialisme (le mouvement des Ouléma, les frères musulmans …) ou au post-colonialisme représenté in situ par une oligarchie militaire appuyée sur une minorité éduquée, dans des pays quasi analphabètes lorsqu’ils accédèrent à l’indépendance.
L’Arabie Saoudite et l’Iran sont deux États islamistes ; leurs définitions du sujet sont cependant différentes. Le premier parasite le Wahhabisme, une déviation sectaire du hanbalisme (l’École sunnite centrée sur la péninsule arabique) : le pouvoir temporel, représenté par le Roi, prime sur le pouvoir spirituel. Le second parasite le shiisme, un schisme de la religion musulmane en butte, qui plus est, à une révolution profane sous le masque du Shiisme, le Khomeynisme : il se veut théocratie, dans ce pays qui, pour la première fois de son histoire, voit le pouvoir spirituel primer sur le pouvoir temporel.
Nota : Il est une constante de l’anthropologie politique : pour qu’une révolution réussisse il est impératif qu’elle s’exporte. Est-ce le cas ? Non. De plus, le shiisme duodécimain qui la sous-tend s’inscrit dans un « protestantisme national » exacerbé puis indélébilement incrusté dans la culture de l’Iran, au 18ième et 19ième siècle, à la faveur d’une farouche réaction au Hanafisme triomphant de l’Empire Ottoman. Ce schisme est circonscrit, et géographiquement, et culturellement : la révolution khomeyniste est donc condamnée à l’étiolement - pour peu qu’on l’aide, fermement mais respectueusement, et sans ces agressions permanentes qui, il faut se rendre à l’évidence, la tonifient.
Les ennemis des islamistes sont d’abord les pouvoirs nés des indépendances - qui leur barrent la route – et qui tirent leur légitimité , soit du bon vouloir de l’ex-colonisateur ( cas du néo-colonialisme ) , soit du bon vouloir du maître du monde du moment , soit de l’entretien d’une guerre mémorielle au long cours (contre l’ex-colonisateur) - le leitmotiv « jabnaha-ouala-la » opposé aux Algériens récalcitrants ,quelles que soient leurs obédiences , est à ce titre un archétype du genre.
Les islamistes, se drapant de la même inconséquence que leurs vis-à-vis, s’estiment récipiendaires, eux aussi, de « l’héritage » glorieux de ceux qui ont arraché l’indépendance de leurs pays. « Ce fut la victoire des crève-la-faim, répètent-ils à l’envi, c’est l’œuvre des fellahs et des journaliers. L’argument selon lequel « les islamistes sont toujours pauvres, eux » qui se veut une preuve, n’en est pas une, mais il demeure audible, qu’on le déplore ou pas.
L’unicité et l’univocité de « la sharia », fantasmées par les laïcistes/anticléricaux, de même que l’uniformité prétendue de l’islamisme, n’existent pas. Pourtant, par la vertu du bonneteau lexical médiatique, elles sont l’objet de toutes nos peurs : (« Bololo, ouéche bih yamek, toi-aussi ! » souligne, amer, mon épicier « l’arabe du coin », toujours doublement ulcéré, « comment f’ire peur aux p’tits enfants, sino’ ? »).
Quoi qu’il en soit, les cas de l’Iran et de l’Arabie Saoudite, deux grands pays islamistes, par leur approche du phénomène, s’inscrivent en faux contre les préjugés caricaturaux des lobbies des intérêts particularistes qui, du haut de leur « Big Ben » médiatique, donnent le « là » à notre démocratie agonisante.
La haine est mauvaise conseillère : elle les égare comme elle nous égare. C’est un jeu de dupes, un jeu de perdants/perdants, lourd de mauvais présages.
Tous ces mouvements politiques, dits islamistes, (certains mouvements sionistes aussi !), ont peu ou prou emprunté au fascisme italien ; à ceci près, les islamistes s’abritent sous l’égalitarisme de la religion musulmane tant qu’ils sont dans l’opposition aux régimes en place.
Une fois au pouvoir, les islamistes ne diffèrent guère de tous les partis qui entreprennent une révolution sous la dictature d’un homme et de son parti. Le cynisme en façade, comme un dentier factice, tous mettent en scène une caricature de démocratie, bien souvent cache-sexe du fascisme. Le parti à leur service est investi d’une mission de propagande et d’encadrement de la population : il donne dans la prestidigitation sémantique, dans l’illusion, dans le bonneteau lexical (autant de domaines chers à nos professeurs Jean Filassec et Bezkou Yon, hexagonaux). Une organisation constituée de militants hiérarchisés et contrôlés (« une courroie de transmission ») répercute les mots d’ordre et se livre à toutes les manifestations visant à promouvoir l’image que leur leadership veut bien donner de lui-même. Les boucs émissaires sont alors de la revue [4].
Toutefois, rares sont les partis islamistes qui ont conquis seuls le pouvoir. C’est là une source de discorde immanquable qui se termine par leur absorption dans des alliances de circonstances en cas d’équilibre des forces ou par l’élimination - la leur propre ou celle des rivaux, en position éminente mais incapables de s’y maintenir.
Comme tous les partis uniques, les islamistes se disent démocrates, mais pour la galerie seulement : en réalité, ils détestent les élections et encore plus le suffrage universel. Ils sont par contre volontiers nationalistes et autoritaristes ; ils prônent l’ordre - leur ordre - quel qu’en soit le prix, en particulier quand les crises économiques s’imposent à eux et agitent leurs sociétés. Ils sévissent alors brutalement.
Opportunistes et idéologiquement erratiques (contrairement à ce que les uns et les autres veulent nous faire accroire), les islamistes « mangent à tous les râteliers », et baguenaudent sur tous les terrains, y compris sur celui, infini, de l’histoire.
[1] une religion plurielle.
[2]] être l’otage des passions des adultes.
[3] El bo
[4] bouc émissaire
Appelons l’histoire à la barre : (suite)